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Chapitre 1 – Recension des écrits

1.5 Les réseaux socioprofessionnels

1.5.1 La définition des réseaux socioprofessionnels

Un réseau est généralement défini comme « un ensemble de relations d’un type spécifique

(par exemple, de collaboration, de soutien, de conseil, de contrôle ou d’influence) entre un ensemble d’acteurs » (Lazega, 1994).

L’analyse des réseaux décrit, par exemple, la manière dont les liens d’amitié, de conseil, d’influence traversent les barrières internes de type formel au sein d’une entreprise, comme les frontières entre des départements ou entre les statuts hiérarchiques, empêchant l’information de circuler (Lazega, 1994).

Certains auteurs vont utiliser le terme de « capital social » au lieu de « réseaux sociaux ». Les deux termes sont proches, mais non identiques. Le premier fait référence à un gain qui

résulte des relations, le deuxième explique plutôt la qualité ou le type des relations. Comme l’explique Burt (2000), le capital social est une structure sociale qui peut créer, pour certains individus ou groupes, un avantage compétitif afin d’atteindre leurs objectifs, c’est-à-dire, « Better connected people enjoy higher returns » (Burt, 2004). Dans la prochaine section, nous allons expliquer plus en détail la typologie des réseaux selon l’approche de trois auteurs clés dans ce domaine.

La typologie des réseaux

Mark Granovetter (1973, 1983), sociologue américain, est considéré comme l’un des principaux représentants de la sociologie des réseaux sociaux et l’auteur de la fameuse théorie de la « force des liens faibles » (« Strength of weak ties »).

L’idée principale de son ouvrage porte sur la force des liens (forts ou faibles) et les ponts (« bridges ») entre les relations. La notion de force de liens se mesure par « la quantité de

temps, l’intensité émotionnelle, l’intimité (confiance mutuelle) et les services réciproques combinés » (Granovetter, 1973).

Ainsi, les liens forts représentent les relations avec les personnes les plus proches, comme les amis et la famille. Les liens faibles représentent les relations entre les personnes plus distantes ou de simples connaissances. Ces derniers (les liens faibles) permettraient de former des ponts (« bridges ») qui facilitent la création des liens entre des individus autrement « déconnectés ».

Les liens forts quant à eux, offrent un support moral et social à l’individu. Un réseau composé uniquement de personnes ayant des liens forts, ayant une identité similaire, donne accès à une information limitée, de par la similarité de l’information partagée entre les individus. Selon l’auteur, il est préférable, pour un chercheur d’emploi, d’avoir plusieurs liens faibles plutôt que des liens forts, car ce sont les liens faibles qui permettent l’accès à l’information non redondante (Granovetter, 1973).

Ronald S. Burt (2000, 2001, 2004), autre spécialiste des réseaux sociaux, est l’auteur de la théorie des « trous structurels » (« structural holes »). Cette théorie vient « compléter » la

notion de ponts formés par les liens faibles de Granovetter (Ventolini, 2009). Un trou structurel désigne l’espace vide entre deux individus dans un groupe, soit une absence de relation. Le trou structurel est comparable aux « ponts » de Granovetter (1973), où les personnes ne sont pas connectées. Cette absence de connexion entre deux personnes permet à une troisième personne de se placer en intermédiaire et de tirer avantage de la situation. Cette troisième personne, soit le « courtier (broker) », comparé au concept de lien faible de Granovetter (1973), vient faciliter la connexion des personnes qui n’étaient pas connectées. Les avantages pour le courtier (broker), dans de cas, sont représentés par :

1) un accès plus rapide à l’information. Dans ce cas, l’information ne suivant plus les voies formelles et hiérarchiques de diffusion, elles deviennent plus directes ; 2) l’information accessible est de meilleure qualité, car elle est non redondante. La redondance ici est expliquée par deux indicateurs : la cohésion du réseau (plus les individus sont liés ensemble, plus ils auront accès au même type d’information) et l’équilibre structurel (deux personnes qui ne sont pas liées, mais qui ont accès au même type d’information) ;

3) un contrôle sur la diffusion de l’information (l’intermédiaire peut choisir le moment, la pertinence et la personne à qui diffuser l’information).

Burt propose ainsi deux concepts dans sa théorie de trous structurels, soit les notions de « courtier » (broker) et de « fermeture » (closure) ou « courtage et fermeture » (brokerage and closure) (Burt, 2004 ; Colonomos, 1995). Le concept de « courtier » fait référence à l’individu qui se situe entre deux individus non connectés. Cet individu profiterait de l’accès et du contrôle de l’information. Le concept de « fermeture », en contrepartie, fait référence à un réseau plus fermé, dense ou complet, par exemple, un réseau formé par des individus d’un même groupe ethnoculturel, qui partagent la même identité culturelle. Dans ce type de réseau « de fermeture », on pourrait faire référence au concept de liens forts de Granovetter (1973), où les individus ont du support moral et social, mais l’information obtenue par le réseau est redondante.

Dans ce type de réseau également, l’ensemble des comportements de l’individu est connu, soit de façon directe ou indirecte. Il est véhiculé par sa réputation, ce qui permet la circulation de l’information et favorise la coopération entre les individus.

Ces deux concepts de « fermeture » et de « courtage » (Colonomos, 1995) se complètent. Selon l’auteur, le « courtier » permet de bénéficier d’avantages à l’extérieur du groupe tandis que la « fermeture » facilite la confiance et la collaboration nécessaire à l’intérieur du groupe (Burt, 2004).

Herminia Ibarra (1993), experte en développement professionnel, est l’auteure de plusieurs livres et articles sur les réseaux, le développement de carrière, la carrière des femmes et l’identité professionnelle.

Elle distingue deux types des réseaux :

1) le réseau formel (ou prescrit), caractérisé par des relations formellement composées au sein de l’organisation, comme les relations entre les supérieurs et les employés qui doivent interagir pour atteindre les objectifs de la compagnie ; 2) le réseau informel (ou émergent) qui correspond aux relations qui se développent dans un contexte moins formel, reliées au travail (instrumentaux) ou à la vie sociale de l’individu (expressifs), ou une combinaison des deux.

Les réseaux informels de type instrumental facilitent l’accès à l’information, le partage des connaissances, les ressources matérielles et la visibilité auprès de la haute direction. Les réseaux informels de type expressif font référence à des relations d’amitié qui sont caractérisées par un grand support social et un niveau élevé de proximité et de confiance.

La division entre des deux types de réseaux informels n’est pas aussi claire dans les faits (Cadieux, 1995). Il peut arriver que certains réseaux présentent des caractéristiques appartenant à l’un et l’autre des deux catégories.

C’est le cas, par exemple, de certaines relations de mentor-protégé qui sous-entend une relation privilégiée et de confiance entre une personne d’expérience (mentor) et un employé qui en a moins (protégé) (Cadieux, 1995). Dans ce cas, comparativement à la théorie de Granovetter (1973), la relation entre mentor et protégé contiendrait un équilibre entre des liens forts (pour des fins expressives : le support moral et social) et des liens faibles (pour des fins instrumentales : accès à l’information diversifiée).

D’autres composantes vont également influencer la qualité des relations, c’est ce que nous tenterons d’expliquer dans la prochaine section.