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II.5 Les techniques de mesure de durées de vie

II.5.2 La décroissance de photoluminescence (PLD)

La décroissance de photoluminescence (PLD) sous excitation impulsionnelle exploite les propriétés radiatives des semiconducteurs. La photodétection remplace ici le couplage inductif ou encore la réflexion micro-onde pour mesurer la décroissance des porteurs en excès. Si l’échantillon est excité par un faisceau de lumière on parle de photoluminescence (PL) et de

cathodoluminescence [60] si l’excitation est un faisceau d’électrons. La PL est une méthode

rapide, sans contact électrique, permettant de mesurer des durées de vie très courtes (< 1 ns) sur des échantillons de tailles variées [61] et ne nécessitant pas la connaissance de certaines propriétés du matériau comme c’est le cas pour la PCD. En revanche c’est une technique très onéreuse, plus de 150 ke (Hamamatsu en mars 2019), à cause des composants nécessaires comme le photodétecteur de photons individuel de type tubes photomultiplicateurs (PMT). De plus, le temps de caractérisation est très variable allant de quelques secondes à plusieurs minutes, ce qui est un inconvénient pour l’industrie. Cette variation du temps de caractérisation est liée à l’intensité du signal PL. Elle est importante pour un semiconducteur à gap direct comme le GaAs et le GaSb puisqu’ils sont de très bons absorbeurs de photons d’énergie

supérieure à Eg et de très bons émetteurs de photons d’énergie proche de Eg. En revanche

l’intensité est faible pour les semiconducteurs à gap indirect comme le silicium [62] ou le

germanium. Les techniques impulsionnelles sont employées pour mesurer la durée de vie

dans les matériaux III-V [61] et II/VI [63], où les durées de vie sont généralement plus

faibles que dans les semiconducteurs comme le silicium et le germanium. La PLD obtenue par excitation impulsionnelle est plus connue sous le nom de TRPL pour Time-Resolved

PhotoLuminescence (photoluminescence résolue dans le temps) avec le méthode TCSPC

pour Time-Correlated Single Photon Counting [61]. Le principe repose sur la photodétection

par comptage de photons individuels (cf. figure II.9) en mode transitoire (cf. sous-section II.5.1). L’échantillon est excité par un flash lumineux très rapide de quelque dizaines de ps. Généralement, l’excitation est de faible intensité de manière à ce que les photons réémis soient séparés dans le temps, c’est-à-dire que le flux de photons réémis doit garantir un photon par largeur de canal (la notion de canal est expliquée juste après). En conséquence, la détection de photons individuels ne peut se faire qu’avec des photodétecteurs rapides et à gain élevé comme les PMT. L’intervalle de temps compris entre l’excitation et l’observation du premier photon émis est mesuré puis converti par un Time-to-Amplitude Converter (TAC) en impulsion électrique d’amplitude proportionnelle à cet intervalle de temps. La sortie du TAC va alors

II.5. LES TECHNIQUES DE MESURE DE DURÉES DE VIE 37 Convertisseur Temps-Amplitude (TAC) Analyseur Multi-Cannaux (MCA) L e n s Photodétecteur (PMT) START STOP OUT #ph t IN Echantillon Photodiode LASER Séparateur de faisceau PL PL

Figure II.9 – Schéma de principe d’un banc typique de mesure de photoluminescence par TCSPC.

alimenter un « compteur » d’impulsion appelé MultiChannel pulse height Analyzer (MCA). Comme chaque amplitude correspond à un intervalle de temps bien précis, chaque comptage sera stocké dans le canal approprié à l’amplitude mesurée. Tous les canaux ont une plage identique qui est typiquement de quelques dizaines de ps. Ainsi, en soumettant l’échantillon à une grande répétition d’excitation impulsionnelle, le système va pouvoir construire au cours du temps un histogramme de comptage de photons. Le signal obtenu suit dans le meilleur des cas une décroissance exponentielle (cf. figure II.10). D’après l’équation II.43 du mode transitoire, la constante de temps est égale à la durée de vie de PL. L’intensité du signal PL est exprimée pour une génération de porteurs en excès uniforme, en régime de faible injection et dans un semiconducteur dopé p d’après ces équations :

IPL(t) = IPL,maxe−t/τ PL (II.45)

IPL,max= B(p0∆nmax) = ∆nτ max

rad (II.46)

où τPL est la durée de vie mesurée par PLD, IPL(t) l’intensité du signal PL en cm−3s−1,

IPL,max(t)l’intensité maximale soit à l’instant t = 0 du signal PL, B le produit du coefficient

radiatif Crad par le facteur optique fopt qui prend en compte le recyclage de photons et ∆nmax

la densité de porteurs en excès à l’instant t = 0. L’intensité peut être sans unité si B n’est pas connu, mais dans ce cas, seule τPL peut être étudiée. τPL représente la durée de vie effective pour cette technique et s’exprime d’après l’équation suivante :

1 τPL = 1 τnR + 1 γτrad + 1 τs (II.47)

où τnR est la durée de vie non radiative (SRH et Auger), τrad la durée de vie radiative, γ le coefficient de recyclage de photons émis (photon recycling factor) [30] et τs la durée de

vie en surface. Pour déterminer τPL, aucune connaissance préalable du matériau caractérisé

Figure II.10 – Allure typique d’un signal PL obtenue par TCSPC. Ici pour une hétérojonction Al0.9Ga0.1As/Al0.37Ga0.63As [64].

n’est nécessaire. L’extraction de la durée de vie à partir du signal est alors relativement simple. Cependant l’expérience montre que le signal ne s’identifie pas toujours à une simple décroissance exponentielle à cause des mécanismes non-radiatifs (principalement SRH) qui

engendrent différents régimes de fonctionnement [65], ou du recyclage de photons émis par

la structure [66] ou encore des phénomènes de diffusion négligés dans l’équation II.43 qui

peuvent devenir significatifs [64]. En effet, les matériaux caractérisés sont souvent des couches épitaxiées sur un substrat. Pour que ce dernier n’influence pas la couche à caractériser, un design spécifique appelé DH pour « double hétérostructure » a été développé. Il est représenté sur la figure II.11. Les deux couches de AlGaAs représentées figure II.11 sont des couches

de confinements ou également dites windows (fenêtre) car EG(GaAs)<EG(AlGaAs). Ces deux

couches prennent en sandwich la couche de GaAs à caractériser et jouent le rôle de miroir ou réflecteur de porteurs minoritaires [67] à cause des barrières de potentiel élevé formées par les couches de AlGaAs (discontinuité entre le gap du GaAs et du AlGaAs). L’intensité du signal PL est inversement proportionnelle au taux de recombinaisons SRH et donc à la densité de pièges puisqu’elle traduit la probabilité des porteurs de charge dans l’échantillon à se recombiner par émission spontanée (en négligeant les effets Auger). Par conséquent, la rapidité d’acquisition est directement proportionnelle à la qualité de l’échantillon et à ses propriétés radiatives : l’échantillon émet d’autant plus qu’il est pur, c’est-à-dire moins sujet aux recombinaisons SRH. En revanche, pour le silicium qui a un gap indirect, l’acquisition mettra plus de temps. L’intensité du signal sera nettement plus faible pour un temps d’acquisition donné même si l’échantillon est très pur. Il y a donc une corrélation directe entre l’intensité du

II.5. LES TECHNIQUES DE MESURE DE DURÉES DE VIE 39 signal, le temps d’acquisition, les propriétés radiatives et la pureté du matériau.

Couche à caractériser : GaAs Substrat Couches window : AlGaAs EG(GaAs) EG(AlGaAs) [a] [b]

Figure II.11 – [a] Schéma représentatif d’une structure DH pour la caractérisation de couche expitaxiées et [b] diagramme de bande de la structure [61].