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LA CREVETTE ET L'ESCARGOT

Pascale, je vais vous raconter des histoires animales qui ont un rapport de fond avec les hautes technologies, un exemple de la manière dont l'observation attentive de la nature permet de trouver des idées pour améliorer les produits de notre industrie.

Je pense qu'il ne s'agit pas d'une grande amélioration de la vitesse des déplacements, parce que l'escargot ...

Et pourtant, c'est le cas, puisque l'observation de la structure au niveau microscopique de la coquille de l'escargot va permettre de concevoir de meilleurs matériaux pour les moteurs jet de nos avions, et aussi pour les turbines à gaz des générateurs électriques. Les coquilles sont faites principalement d'un composant minéral très cassant, le carbonate de calcium, mais celui-ci est disposé en couches alternées avec des couches de matière organique composées d'un enlacement de protéines. Celles-ci absorbent les chocs ordinaires dans la vie d'escargot.

Je ne vois pas le rapport avec le moteur jet !

Dans ce type de moteur, la température est très élevée, la zone de combustion est à 1500°C et les matériaux qui forment le moteur doivent supporter à la fois de hautes températures et de fortes contraintes mécaniques. Ce sont généralement des alliages métalliques qui doivent en outre bien résister mécaniquement à de nombreux cycles d'échauffement et de refroidissement.

Et vous proposez de les remplacer par quelque chose qui ressemble à une coquille d'escargot ! On a intérêt à tenter de remplacer le métal par des céramiques, matériaux qui ont des points de fusion élevés, qui tiennent beaucoup mieux aux hautes températures, et qui résistent à l'oxydation. Mais les céramiques ont l'inconvénient d'avoir des propriétés mécaniques pas très bonnes : elles sont souvent cassantes et se fissurent. D'où l'idée d'en doubler des feuilles minces, comme dans la coquille d'escargot, par des couches d'une matière plus souple, plus molle, capable d'absorber les chocs et d'arrêter la propagation des fissures, et qui en même temps résiste aussi aux hautes températures.

Quel exemple pouvez-vous donner ?

Un consortium européen dirigé par un laboratoire britannique de l'Université de Cambridge met au point un matériau composite destiné aux chambres de combustion de turbines à gaz et qui comporte des couches de 150 microns d'épaisseur d'un excellent réfractaire, le carbure de silicium, séparées par de fines couches de 5 microns d'épaisseur d'un matériau plus mou, le graphite. Le partenaire français du consortium est la société "Céramiques et Composites", de Bazet dans les Hautes Pyrénées, une société spécialisée dans les céramiques techniques à hautes performances et qui participe à plusieurs projets européens.

J'ai compris pour l'escargot, mais, et la crevette ?

Et bien, il existe une certaine crevette tropicale, le gonodactyle, qui possède un membre qui se termine par une sorte de massue dont elle se sert pour briser les coquillages, les carapaces des crabes, et éventuellement les vitres de son aquarium ... Elle cogne toute la journée sur des corps durs et pourtant cette massue naturelle ne se casse pas, ne s'abîme pas, et ne parait pas s'user.

Sa structure intime a été disséquée par des chercheurs en matériaux.

Et bien sûr, ils ont trouvé que c'était un petit chef d'oeuvre de matériau composite ...

l'on se rapproche de la surface assurant, ainsi efficacement la transmission de l'énergie accumulée par la contraction musculaire. C'est un composite combinant des fibres d'un polymère organique, la chitine, avec une charge minérale formée d'un mélange de carbonate de calcium et d'apatite, un minéral phosphoré dont la teneur est plus forte en surface. Cette progression assure la rigidité tout en éliminant le risque de cassure. Voilà un remarquable matériau, fabriqué naturellement à la température et à la pression ordinaire, et qui est presque un défi pour notre technologie...

Radio Classique 62 31 Janvier 1995

CES GÈNES QUI NOUS HABITENT...

Pascale, vous avez sûrement déjà entendu parler de l'analyse génétique ? Oui, mais pouvez-vous nous préciser ce que c'est ?

L'analyse génétique consiste à identifier la succession des bases nucléiques dans la double hélice de l'ADN. Ces bases sont au nombre de quatre. Elle codent des messages au moyen de cet alphabet de quatre lettres. Celles-ci sont lues par paquets de trois. Cette instruction commande le plus souvent le choix d'un acide aminé déterminé parmi la vingtaine dont l'enchaînement forme les protéines, agents chimiques essentiels du vivant. Lire le code génétique, c'est déchiffrer de très longues successions de ces quatre lettres et aussi comprendre le message qu'elles portent.

Les fragments significatifs, ceux qui vont déclencher une série d'opérations déterminées, sont les gènes. Leur identification est l'une des frontières chaudes de la recherche. Chez l'homme, les chromosomes sont composés de gigantesques pelotes d'ADN et il y a des milliers de gènes par chromosome.

Je crois que ce système n'est pas spécifique à l'homme ?

Non, on le trouve chez tous les êtres vivants. Pascale, avez-vous remarqué que les insectes manifestent à peu près les mêmes goûts que nous, ils butinent les fleurs ou se repaissent des fruits apparemment avec délectation...

Ils fréquentent le même supermarché que nous, celui de la Nature...

Et il est effectivement très riche en odeurs et en saveurs variées ! Les chercheurs s'intéressent beaucoup ces temps-ci à la manière dont ces petites bêtes perçoivent le monde ambiant. Le mécanisme neuronal de la perception des odeurs par la sauterelle a été analysé récemment par une équipe californienne et on se rend compte que la sensation est transformée en oscillations électriques d'une fréquence de 20 hertz qui affectent des paquets de neurones différents selon la nature des odeurs : citron, menthe, pomme, etc...

Mais cela ne nous dit pas si la sauterelle perçoit les odeurs comme nous ?

En effet, la manière dont le signal excitateur est interprété est inaccessible à la recherche parce qu'elle relève du domaine du sensible. Mais des chercheurs du Laboratoire de Neurobiologie comparée des Invertébrés, un laboratoire INRA-CNRS de Bures sur Yvette, viennent d'identifier quatre fragments d'ADN d'abeille correspondant à des gènes de récepteurs d'odeurs. Ils ont pu faire l'analyse de la succession des bases nucléiques et identifier les acides aminés qu'elles codent dans ces fragments de génome et s'apercevoir qu'elles ressemblent fort aux séquences correspondantes pour des vertébrés, des mammifères comme le rat et l'homme ...

Mais, alors, nous sommes cousins des abeilles !

Ce n'est pas évident parce que les bases biotechniques de ce sens de l'olfaction semblent s'être construites très tôt dans l'évolution du vivant. En tout cas l'architecture des circuits olfactifs neuronaux se ressemble entre invertébrés et vertébrés et l'analyse génétique semble conforter l'idée de solutions chimiques analogues.

Mais quel genre d'innovation peut aider à ces recherches ?

Un outil nouveau vient d'apparaître pour faciliter le travail des biologistes et des médecins engagés dans le déchiffrement et l'interprétation du génome humain. Il s'agit d'un CD-Rom

Nommé GID pour "genome interactive database", il condense les connaissances actuelles sur le génome et rassemble les informations de plusieurs laboratoires et de diverses banques de données. Par exemple, il contient les séquences de 3000 gènes et des cartes de chaque chromosome avec indication de la position de gènes responsables de maladies. Il offre aussi une bibliographie considérable. Pascale, l'informatique interactive est un outil indispensable pour traiter des problèmes aussi gigantesques !

Radio Classique 63

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