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LA CRÉATION D’UNE CHAÎNE SUPRARÉGIONALE (1920-1933)

MAILLER LA SUISSE OCCIDENTALE

2. LA CRÉATION D’UNE CHAÎNE SUPRARÉGIONALE (1920-1933)

2.1. La fondation des succursales et des sociétés

En 1920, Charles Gonset fonde sa première succursale : il reprend le Sans Rival à Neuchâtel, un bazar vendant des articles bon marché544. Deux ans plus tard, Louise Gonset tombe gravement malade. D’entente avec elle, Charles décide de transformer l’affaire en société par actions545. Le 23 septembre 1922, la société anonyme P. Gonset- Henrioud est constituée à Yverdon. Les statuts stipulent que la nouvelle entité

« a pour objet l’exploitation d’un commerce de tissus et confections et, d’une façon générale, toutes opérations se rattachant au but principal.

La Société continuera le commerce précédemment exploité par Monsieur P. Gonset-Henrioud, aujourd’hui décédé et son successeur Vve. P. Gonset- Henrioud. Elle reprend notamment la clientèle, l’agencement des bureaux et magasins et le stock des marchandises de la maison Vve. P. Gonset-Henrioud pour le chiffre global de f.227.794.-, suivant inventaire du 23 septembre 1922. »546

541 Ibid., p. 6. 542 Ibid., p. 6. 543 Ibid., pp. 5-6. 544 Ibid., p. 51. 545 Ibid., p. 6.

Charles Gonset prend la tête de la nouvelle société : il assume les fonctions de président du conseil d’administration et d’administrateur délégué547. Le conseil compte deux autres membres, recrutés parmi le personnel de l’entreprise : Joseph Luternauer, voyageur de commerce, est élu vice-président, et le comptable Ernest Oberhänsli devient secrétaire548.

Ces deux administrateurs sont aussi actionnaires de la société, dont le capital s’élève à 120 000 francs divisés en 240 actions de 500 francs. Le premier en possède trente, le second vingt. Les 190 titres restants sont détenus par trois membres de la famille Gonset : Louise, Charles et Charles junior549. La répartition variera, notamment après le décès de Louise en septembre 1924550 ; mais les Gonset continuent de contrôler la majeure partie du capital (Annexe 2 p. 348).

Lorsque Charles fonde la SA P. Gonset-Henrioud, il a des projets d’expansion : les statuts de 1922 indiquent que la société peut « s’adjoindre, même hors d’Yverdon, d’autres magasins et même des succursales, agences, etc. »551 Ce programme se concrétise dès l’année suivante : l’entreprise, déjà propriétaire du Sans Rival à Neuchâtel, reprend une mercerie à Genève en 1923. Elle s’établit à Delémont en 1925, à Fleurier en 1926, à Orbe en 1928 et à Château-d’Œx en 1929552.

C’est aussi à cette époque que la troisième génération commence à prendre part aux affaires : Charles a besoin de forces vives pour gérer sa société en plein essor. En 1926, il engage son fils cadet André, âgé de vingt-trois ans. Celui-ci est diplômé de l’École de commerce de Neuchâtel. Il a effectué des stages dans deux maisons milanaises (un constructeur automobile, Isotta Fraschini, et un fabricant d’appareils électriques), ainsi que chez Ludwig Meier, un commerce de Cologne. En 1928, il retourne dans cette ville où il travaille durant une année pour les grands magasins Tietz, afin de parfaire ses connaissances553.

547 Ibid., p. 2.

548 AGO, A2/E5/C16, Richard Gonset, « Une maison se penche sur son passé », op. cit., p. 4. 549 AGO, SA Yverdon, A2/E5/C10, PV de l’assemblée constitutive, 23.09.1922, pp. 1-2. 550 AGO, SA Yverdon, A2/E1/C3, PVAG, 14.02.1925, p. 1.

551 AGO, SA Yverdon, A2/E5/C10, PV de l’assemblée constitutive, 23.09.1922, p. 3.

552 AGO, A2/E5/C16, Richard Gonset, « Une maison se penche sur son passé », op. cit., pp. 7-8. 553 BCUL, Richard Gonset, « Cent ans Gonset (1875-1975) », s.l., s.n., 1975, p. 7.

En 1930, l’aîné Richard, docteur ès sciences, quitte son poste d’ingénieur chimiste dans un laboratoire de recherche pour rejoindre à son tour l’entreprise familiale554. Charles junior suit une voie différente de ses frères. Après des études de droit555, il exerce dans une société fiduciaire556.

Suite à l’arrivée de ses deux fils, Charles délègue une partie de ses activités. S’il continue d’acquérir les tissus, « sa spécialité depuis l’apprentissage »557, Richard et trois autres acheteurs s’occupent du reste des marchandises. André est chargé du contrôle des succursales et, accessoirement, des achats pour quelques rayons.

Quant à l’épouse de Charles « senior », Elsa (surnom d’Élisabeth), elle est membre du conseil d’administration de la société d’Yverdon depuis la démission d’Ernest Oberhänsli, parti en 1928 pour reprendre un commerce à Gossau558. Elle dirige également l’atelier de couture et de tailleurs d’Yverdon, fondé la même année. Lorsque les retouches à apporter aux vêtements ne sont pas trop nombreuses, l’établissement fabrique des tabliers. Il supervise aussi la production de layettes, tricotées par des ouvrières à domicile559.

Grâce à cette réorganisation, Charles a davantage de temps à consacrer à la direction et à l’expansion de la chaîne. Il s’attache à en étendre le maillage malgré – ou grâce à – l’éclatement de la crise économique mondiale. De fait, la bonne situation financière du groupe lui permet de fonder des succursales, et surtout de reprendre des petits commerces mis en difficulté par l’érosion des chiffres d’affaires560.

C’est ainsi qu’en 1930, Gonset s’implante à Martigny et à Sainte-Croix561. La même année, Charles et sa famille s’associent à d’autres entrepreneurs pour ouvrir des points de vente supplémentaires. En septembre, la société Francina & Cie est constituée : elle reprend un commerce de tissus à Nyon, propriété de Célestin Ferraris et de Louis et

554 BCUL, Richard Gonset, « Cent ans Gonset (1875-1975) », s.l., s.n., 1975, p. 7. 555 AGO, SA Yverdon, A2/E5/C10, PV de l’assemblée constitutive, 23.09.1922, p. 3. 556 BCUL, Richard Gonset, « Cent ans Gonset (1875-1975) », s.l., s.n., 1975, p. 12. 557 Ibid., p. 8.

558 AGO, SA Yverdon, A2/E1/C3, PVAG, 04.06.1928. A2/E5/C16, Richard Gonset, « Une maison se

penche sur son passé », op. cit., p. 4.

559 AGO, SA Yverdon, A2/E1/C3, PVCA, 01.09.1934. A2/E5/C16, Richard Gonset, « Une maison se

penche sur son passé », op. cit., pp. 8-9.

560 Sur l’impact de la crise sur le commerce de détail, cf. infra, p. 155 sq.

Anselme Francina562. Tous trois cèdent leur affaire, qui comprend aussi un atelier de tailleurs et deux voyageurs (Hermann Baenziger, beau-fils d’Anselme, et M. Meyer)563. Ils reçoivent en contrepartie des actions de la nouvelle société. Ensemble, ils détiennent un tiers du capital (cent actions sur trois cents) qui se monte à 300 000 francs. Les deux autres tiers se répartissent entre la SA P. Gonset-Henrioud et la famille Gonset, soit Charles, Elsa et leurs fils Richard et André (Annexe 3 p. 349). Les Gonset, actionnaires majoritaires, dominent aussi le conseil d’administration : Charles en est le président. Les deux autres membres sont André Gonset et Louis Francina564. Louis et Anselme continuent d’assumer différentes tâches au sein du magasin, pour lesquelles ils sont salariés565.

En novembre 1930, la famille s’intéresse à un commerce situé à Monthey, qui comprend deux petites succursales dans les villages voisins d’Ollon et d’Evionnaz566. Il appartient à Yvonne Musy et à Raphaël Pernollet. Les Gonset et les propriétaires décident de s’associer pour exploiter l’affaire conjointement567. Le 5 mars de l’année suivante, ils créent la SA Hoirie Pernollet, dont le capital s’élève à 135 000 francs568. Mme Musy et M. Pernollet reçoivent chacun une dizaine d’actions en échange de leur fonds de commerce. Le reste du capital est aux mains de la société d’Yverdon P. Gonset-Henrioud et de la famille Gonset (Annexe 4 p. 350). Le conseil d’administration est composé de Charles Gonset, président, d’André Gonset et de Raphaël Pernollet569.

En 1932, la société d’Yverdon établit un magasin à Vallorbe570. Cette année, une quatrième société voit le jour, la SA P. Gonset à Martigny. Elle « a pour but la reprise et

562 AGO, SA Nyon, A2/E1/C9, Statuts, 05.09.1930, pp. 1-2.

563 AGO, SA Nyon, A2/E1/C10, PVCA, 28.07.1931 ; Bail à loyer entre Monsieur Célestin Ferraris et la

SA Francina & Cie, 01.10.1931, p. 1. A2/E5/C16, Richard Gonset, « Une maison se penche sur son passé », op. cit., p. 67.

564 AGO, SA Nyon, A2/E1/C9, PV de l’assemblée constitutive, 05.09.1930, pp. 7-8. A2/E1/C10, PVCA,

05.09.1930.

565 AGO, SA Nyon, A2/E1/C10, PVCA, 07.03.1932, 08.06.1934, 14.12.1934. 566 AGO, SA Monthey, A1/E4/C2, PVCA, 04.08.1931, 28.03.1932.

567 AGO, SA Monthey, A1/E4/C1, Contrat entre P. Gonset-Henrioud Yverdon SA et Hoirie Pernollet

Monthey Société en nom collectif, 05.11.1930.

568 AGO, SA Monthey, A2/E1/C13, PV de l’assemblée constitutive, 05.03.1931, p. 1.

569 AGO, SA Monthey, A1/E4/C1, Contrat entre P. Gonset-Henrioud Yverdon SA et Hoirie Pernollet

Monthey Société en nom collectif, 05.11.1930, p. 2.

la continuation des affaires de la succursale » de ce village571. Elle est dirigée par Charles, président du conseil, et par André. Si l’on excepte les deux actions dévolues statutairement à chaque administrateur572, la totalité de son capital est détenue par la société d’Yverdon (Annexe 5 p. 351).

Tableau 2. Les succursales de Gonset (1871-1933)

Ouverture Succursale 1871 Yverdon 1920 Neuchâtel 1923 Genève 1925 Delémont 1926 Fleurier 1928 Orbe 1929 Château-d’Œx 1930 Martigny 1930 Sainte-Croix 1930 Nyon 1931 Monthey 1931 Ollon 1931 Evionnaz 1932 Vallorbe 1933 Laufon 1933 Saxon 1933 Sion 1933 Brigue 1933 Viège

Source. AGO, A2/E5/C16, Richard Gonset, « Une maison se penche sur son passé », op. cit., pp. 1 sq.

En 1933, la chaîne compte cinq nouveaux points de vente. Le premier est fondé à Laufon par la société d’Yverdon. Les autres sont créés par la société de Martigny à Saxon, Sion, Brigue et Viège573. L’ouverture de ces quatre magasins dans le canton du Valais est directement liée à une nouvelle disposition législative574 : les 13 et 14 octobre

571 AGO, SA Martigny, A1/E2/C3, Canton du Valais, Bureau du Registre du commerce, Extrait du

Journal, 22.10.1932.

572 AGO, SA Martigny, A1/E2/C3, Statuts, 10.08.1932, p. 6.

573 AGO, SA Martigny, A2/E1/C14, Extrait PVAG, 30.03.1933 ; PVAG, 29.12.1933, p. 1. A2/E5/C16,

Richard Gonset, « Une maison se penche sur son passé », op. cit., pp. 10, 84.

Figure 3. Les sociétés anonymes de Gonset et leurs succursales (1922-1933) 1922 P. Gonset-Henrioud Yverdon Yverdon, Neuchâtel 1923 Genève 1924 1925 Delémont 1926 Fleurier 1927 1928 Orbe 1929 Château-d’Œx 1930 Martigny (jusqu'en 1932),

Sainte-Croix Francina & Cie Nyon Nyon

1931 Hoirie Pernollet Monthey

Monthey, Ollon, Evionnaz

1932 Vallorbe P. Gonset Martigny

Martigny

1933 Laufon Saxon, Sion, Brigue, Viège

1933, les Chambres parlementaires fédérales votent un arrêté urgent qui entrave l’expansion des grands magasins et des maisons à succursales en Suisse575. Le texte prend effet immédiatement576. Les magasins valaisans sont inaugurés juste avant : ayant eu vent des discussions du Parlement durant les mois précédents, les Gonset se sont hâtés de les ouvrir577.

À l’entrée en vigueur de l’arrêté, la maison Gonset comprend dix-neuf succursales (Tableau 2). Celles-ci sont exploitées par quatre sociétés basées à Yverdon, Nyon, Monthey et Martigny (Figure 3). Ces sociétés forment un tout : la famille Gonset contrôle l’essentiel des capitaux (Annexe 2 à Annexe 5 pp. 348-351) et dirige les affaires (Annexe 6 à Annexe 9 pp. 352-355). Malgré le nombre d’entités, on peut donc parler d’une seule et même entreprise familiale. Cette notion est invoquée par la business history quand « une famille possède assez de capitaux pour pouvoir exercer un contrôle sur la stratégie et [quand elle] est impliquée dans des postes de direction »578.

2.2. Le choix des petites localités

En 1920, on l’a vu, l’entreprise familiale Gonset commence à étendre son maillage sur la Suisse occidentale. Elle est basée à Yverdon, qui rassemble alors un peu moins de 9 000 habitants. Son expansion se déroule en deux phases. Dans un premier temps, Gonset s’établit dans deux localités plus importantes qu’Yverdon : Neuchâtel, petite ville de 20 000 habitants, et Genève, la première ville de Suisse romande avec plus de 120 000 personnes. Dans un deuxième temps, dès 1925, la chaîne ouvre quinze magasins dans des villages de 700 à 6 000 habitants, et un à Sion, petite ville qui en compte 8 000 (Tableau 3)579.

Les raisons qui motivent Charles Gonset et ses collègues à faire ces choix ne sont pas évoquées dans les archives : les documents relatifs à cette période sont pratiquement

575 JAGGI, Le phénomène de concentration, op. cit., 1970, p. 322.

576 « Arrêté fédéral interdisant l’ouverture et l’agrandissement de grands magasins, de maisons

d’assortiment, de magasins à prix uniques et de maisons à succursales multiples (du 14 octobre 1933) »,

RO 49, 1933, p. 848.

577 AGO, A2/E5/C16, Richard Gonset, « Une maison se penche sur son passé », op. cit., pp. 76-77. 578 COLLI Andrea et ROSE Mary, « Family business », in: JONES Geoffrey et ZEITLIN Jonathan (éds), The

Oxford Handbook of Business History, Oxford, Oxford University Press, 2008, p. 194, traduction de

l’auteur.

inexistants. On peut tout de même avancer des éléments d’explication, en examinant les caractéristiques des localités où sont implantées les succursales.

La démarche permet de dégager trois facteurs principaux qui guident les dirigeants dans leurs décisions. Premièrement, la localité doit être facilement accessible pour y acheminer les marchandises. Deuxièmement, il faut que les clients soient suffisamment nombreux pour justifier la création d’une succursale. Troisièmement, il est préférable que la population présente des profils socioprofessionnels assez proches de ceux d’Yverdon et des environs.

Tableau 3. Localités d’implantation de Gonset : population (1920-1930)

Ouverture Localité Population 1920 Population 1930

1870 Yverdon 8 865 9 715 1920 Neuchâtel 23 592 22 668 1923 Genève 126 626 124 121 1925 Delémont 6 583 6 393 1926 Fleurier 4 100 3 726 1928 Orbe 3 657 3 422 1929 Château-d’Œx 3 464 3 840 1930 Martigny* 4 828 1930 Nyon 5 107 1930 Sainte-Croix 6 340 1931 Monthey 4 901 1931 Ollon 4 023 1931 Evionnaz 675 1932 Vallorbe 4 112 1933 Brigue 2 961 1933 Laufon 2 570 1933 Saxon 1 813 1933 Sion 7 944 1933 Viège 2 023

*Les données des communes de Martigny-Bourg et de Martigny-Ville, indiquées séparément dans les recensements, ont été agrégées.

Source. BUREAU FÉDÉRAL DE STATISTIQUE, Recensement fédéral de la population 1er

décembre 1960, vol. 7, 9, 13, 23-24, Berne, Bureau fédéral de statistique, 1964 (Statistiques de la Suisse 359-360, 364- 365, 373).

2.2.1. L’approvisionnement des succursales

Yverdon constitue une bonne base pour créer une chaîne de magasins. La cité du bout du lac de Neuchâtel se situe sur les grandes voies de transport qui sillonnent le Plateau

suisse. Elle se trouve sur une ligne ferroviaire importante580, et elle est traversée par une route principale581.

Pour ravitailler son réseau de vente à partir d’Yverdon, la maison Gonset utilise d’abord le train. C’est ce qu’on peut déduire de la manière dont elle maille le territoire : toutes ses succursales sont établies dans des localités où passent des lignes ferroviaires (Figure 4).

Ces localités appartiennent à cinq zones géographiques. La première zone est la plus proche d’Yverdon. Elle rassemble Orbe et Neuchâtel, sur le Plateau, et des villages de la chaîne montagneuse du Jura, soit Vallorbe, Sainte-Croix et Fleurier. Si Sainte-Croix et Orbe sont desservis par de petites lignes ferroviaires régionales582, les autres localités le sont par des lignes principales583. La deuxième zone se situe au bord du lac Léman, avec Nyon et Genève, et la troisième comprend Delémont et Laufon, dans le canton de Berne. Ces deux zones sont traversées par de grands axes de transport584. La quatrième ne comporte qu’un magasin à Château-d’Œx, dans les Préalpes vaudoises. Ce village est accessible par le chemin de fer de montagne du Montreux–Oberland bernois585. La cinquième zone correspond à la vallée du Rhône. Huit succursales s’y trouvent. L’une, à Ollon, est en territoire vaudois. Les autres, celles de Monthey, Evionnaz, Martigny, Saxon, Sion, Viège et Brigue, font partie du canton alpin du Valais. Toutes suivent le tracé du train qui mène au tunnel du Simplon586.

Arrivées à la gare de destination, les marchandises doivent être acheminées jusqu’aux points de vente : la route prend le relais du rail. Comme d’autres entreprises, Gonset profite de la diffusion de l’automobile : les véhicules à usage professionnel, qui

580 FRITZSCHE et al., Historischer Strukturatlas der Schweiz, op. cit., 2001, pp. 60 -61. AUDERSET Patrick

et WEIDMANN Denis, « Yverdon-les-Bains », in: DHS, 05.02.2014. En ligne: <http://www.hls-dhs-

dss.ch/textes/f/F2659.php>, consulté le 08.01.2015.

581 FRITZSCHE et al., Historischer Strukturatlas der Schweiz, op. cit., 2001, pp. 54 -55.

582 LAFONTANT Chantal, « Sainte-Croix (commune) », in: DHS, 08.02.2011. En ligne: <http://www.hls-

dhs-dss.ch/textes/f/F2400.php>, consulté le 16.06.2014. ABETEL-BÉGUELIN Fabienne, « Orbe

(commune) », in: DHS, 02.12.2010. En ligne: <http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F2540.php>, consulté le 16.06.2014.

583 FRITZSCHE et al., Historischer Strukturatlas der Schweiz, op. cit., 2001, p. 61. 584 Ibid.

585 BIRMINGHAM David, « Château-d’Œx », in: DHS, 14.07.2005. En ligne: <http://www.hls-dhs-

dss.ch/textes/f/F2593.php>, consulté le 23.06.2014. TISSOT Laurent, « À travers les Alpes. Le Montreux-

Oberland Bernois ou la construction d’un système touristique, 1900-1970 », Histoire des Alpes (9), 2004, pp. 227 -244.

circulaient déjà dans le pays avant la Première Guerre mondiale, se multiplient dès 1920587. Des employés de la succursale de Monthey, par exemple, se rendent régulièrement « en auto »588 jusqu’au magasin d’Evionnaz. Le magasin de Nyon dispose aussi d’une automobile589. En revanche, les camions n’apparaissent pas dans les archives avant les années 1940590. Mais cela ne signifie pas qu’ils n’ont pas été utilisés précédemment : les dirigeants ont pu faire appel à des sociétés de transport.

Figure 4. La répartition géographique des magasins Gonset (1933)

Source. Fond de carte (adapté par l’auteur) : FRITZSCHE et al., Historischer Strukturatlas der Schweiz,

2001, p. 61.

Grâce à la route et aux chemins de fer, la centrale d’Yverdon peut envoyer rapidement les marchandises là où elle le désire. Du point de vue juridique, elle fait partie de la société P. Gonset-Henrioud Yverdon591. Cependant, elle assume la fonction de grossiste

587 MERKI Christoph M., Der holprige Siegeszug des Automobils, 1895-1930. Zur Motorisierung des

Strassenverkehrs in Frankreich, Deutschland und der Schweiz, Wien & Köln & Weimar, Böhlau, 2002,

pp. 71, 77 -79, 111- 112.

588 AGO, SA Monthey, A1/E4/C2, PV CA, 04.08.1931. 589 AGO, SA Nyon, A2/E1/C9, Statuts, 05.09.1930, p. 3.

590 Cf. par exemple AGO, SA Yverdon, A2/E1/C8, PVCA, 17.01.1947, p. 2. 591 AGO, SA Monthey, A1/E4/C2, PV CA, 04.08.1931.

pour l’ensemble du groupe592. Ainsi, les statuts de la SA de Monthey précisent qu’« En régle [sic] générale, la société achètera ses marchandises à la société P. Gonzet- Henrioud S.A. [sic] ou par son intermédiaire (…) »593. Une disposition similaire lie la société de Nyon à la centrale d’Yverdon594. Cette dernière est également le principal fournisseur de P. Gonset Martigny595.

Dans un premier temps, la centrale livre uniquement des produits textiles aux succursales. Par la suite, elle diversifie son offre. Les magasins se mettent aussi, pour la plupart, à élargir leur assortiment : c’est le cas à Yverdon vers 1925596, un peu plus tard à Neuchâtel et dans les plus petites localités. Les catalogues publicitaires des années 1930 proposent au public plusieurs catégories de biens d’usage courant : tissus, confection, mercerie, petit mobilier (tables, tabourets, lampes, tapis), malles et sacs, vaisselle, articles de nettoyage, outillage, papeterie, parfumerie, jouets597. Seules les boutiques de Genève et de Nyon restent spécialisées dans le textile598.

2.2.2. La présence des clients

Grâce aux réseaux de transport, Gonset parvient à approvisionner ses magasins de manière efficace. Une fois sur place, les marchandises doivent encore trouver preneur : cette question des clients est également déterminante dans le choix des localités d’implantation.

La maison Gonset s’établit d’abord là où les consommateurs sont les plus nombreux : dans les villes. En 1920 et en 1923, elle choisit des emplacements bien fréquentés au cœur de deux localités. La succursale de Neuchâtel donne sur la place du Marché599. Celle de Genève se situe aussi au centre-ville, au no 5 de la rue du Commerce600.

En 1925, l’entreprise change de stratégie : désormais, elle s’implante dans des villages. Malgré le nombre limité d’habitants de ces localités, elle peut gagner une clientèle substantielle. Ce choix s’explique de deux manières. Premièrement, la concurrence est

592 AGO, SA Monthey, A1/E4/C2, PV CA, 07.12.1931.

593 AGO, SA Monthey, A2/E1/C13, PV de l’assemblée constitutive, 5.3.1931, p. 9. 594 AGO, SA Nyon, A2/E1/C10, SA d’Yverdon, Lettre à SA Nyon, 05.11.1930, pp. 1-2. 595 AGO, SA Martigny, A2/E1/C12, PV CA, 04.08.1940 et 10.12.1940, notamment. 596 BCUL, Richard Gonset, « Cent ans Gonset (1875-1975) », s.l., s.n., 1975, p. 7. 597 AGO, A3/E1/C1, Catalogues, diverses succ., années 1930.

598 AGO, A2/E5/C16, Richard Gonset, « Une maison se penche sur son passé », op. cit., pp. 67, 79. 599 Ibid., p. 51.

nettement plus faible qu’en ville : la population est certes moins abondante, mais elle est courtisée par moins de commerces. Il y a donc de la place pour Gonset, comme on le verra plus loin.

Deuxièmement, ces villages fonctionnent comme des lieux d’approvisionnement pour leur région : ils attirent les personnes vivant aux alentours. Les transports jouent à cet égard un rôle fondamental. Les chemins de fer, essentiels pour l’acheminement des marchandises, le sont aussi pour la mobilité de la clientèle. Le fait, par exemple, que Gonset soit présente à Nyon et à Delémont, deux localités bien desservies, est révélateur. La première se situe sur la ligne Lausanne–Genève. Elle est également reliée à son arrière-pays par deux petites lignes franco-suisses : celles de Nyon–Crassier– Divonne et de Nyon–Saint-Cergue–Morez601. La deuxième, Delémont, est un centre ferroviaire : elle constitue « une plaque tournante au carrefour des lignes Bâle–Bienne et Berne–Paris »602.

La route revêt également une grande importance. La motorisation, dont les premiers balbutiements remontent au tournant du XIXe et du XXe siècles, permet aux

consommateurs de se déplacer plus vite, plus loin. C’est le cas grâce aux transports publics principalement, l’usage individuel de l’automobile étant, en Suisse comme dans

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