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Chapitre I : Etude bibliographique

4. PHYSIOPATHOLOGIE DES MAMMITES CAPRINES

4.2.1. La concentration de cellules somatiques (CCS)

Comme nous l’avons vu, le dénombrement des cellules somatiques dans le lait est une technique indirecte couramment utilisée en élevage laitier pour suivre l’état de santé mammaire à l’échelle individuelle ou du troupeau, si elle est appliquée au lait de tank. Les valeurs de CCS sont plus élevées chez la chèvre, même lorsque la mamelle est considérée comme saine. Elles varient entre 270.10³ cellules/mL et 2 000.10³ cellules/mL, alors que chez la vache et la brebis, elles se situent entre 10.10³ et 200.10³ cellules/mL (27). Aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration a défini un seuil réglementaire de 1 000.10³ cellules/mL à ne pas dépasser chez la chèvre (117). Dans l’Union Européenne, il n’existe pas de vrai consensus pour la chèvre. Cependant, le Règlement (CE) N°853/2004 fixe un seuil maximal de 1 500.10³ cellules/mL pour le lait cru des autres espèces que la vache, et ce seuil est de 500.10³ cellules/mL pour le lait cru destiné à la fabrication de produits sans traitement thermique (143).

4.2.1.1. Différenciation des cellules somatiques chez la

chèvre

Pour une mamelle indemne d’infection sur la base du résultat d’une analyse bactériologique, on estime selon les techniques de comptage utilisées et les études, que les

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neutrophiles représentent entre 45 et 90% des cellules somatiques du lait de chèvre, les macrophages 15 à 41% et les lymphocytes 7 à 20% (42, 117, 144). Les nouvelles technologies associant la cytométrie de flux et des marqueurs fluorescents, permettent même de différencier les neutrophiles vivants, qui représentent de 49 à 82% des CCS, des neutrophiles morts dont la proportion est comprise entre 4 et 22% (42). Enfin selon les études et les techniques utilisées, les cellules épithéliales représentent 1 à 6% des cellules somatiques totales.

Dans l’espèce bovine, l’évolution de la CCS a été mise en relation avec l’évolution relative des différentes populations cellulaires (145). Ainsi les analyses statistiques ont révélé une corrélation significative entre le pourcentage de neutrophiles et la CCS. A l’inverse, la corrélation est négative pour le pourcentage de lymphocytes et aucune corrélation significative entre le pourcentage de macrophages et la CCS n’a été établie (Annexes 7 et 8).

4.2.1.2. Facteurs de variation physiologiques

En élevage bovin, de nombreuses études ont montré que le résultat du comptage des cellules somatiques était un bon indicateur de la santé mammaire, car une infection bactérienne est une cause majeure d’augmentation de la CCS. Cependant en élevage caprin, la relation entre infection bactérienne et augmentation de la CCS n’est pas aussi simple, car de nombreux facteurs non infectieux ont un impact important sur les fluctuations de CCS. Pour certains auteurs, 90% des variations des CCS ne seraient pas dues à des infections mammaires (146). Les principaux facteurs de variation sont, par ordre décroissant : le stade de lactation, le rang de lactation, la variabilité journalière et la fraction de lait analysée.

4.2.1.2.1. Les fa teu s li s à l’a i al

Le stade de lactation est le principal facteur de variation. Le CCS augmente au fur et à mesure de l’avancée de la lactation (1). La moyenne de CCS pour une mamelle saine peut rester aux alentours de 200.10³ cellules/mL durant les trois premiers mois de lactation et augmenter progressivement pour atteindre à la fin de la lactation, des valeurs autour de 1000.10³ cellules/mL (Annexe 9).

Certains auteurs expliquent ce phénomène par un effet de concentration, car la production de lait baisse au fur et à mesure des semaines, et ainsi la concentration des cellules somatiques augmente de manière opposée (146).

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D’autres études ont montré que ce facteur était modifié par le rang de lactation de la chèvre. Ainsi, les CCS étaient relativement basses en début de lactation avec une moyenne de 200.10³ cellules/mL à 15 jours de lactation pour les chèvres en première lactation et de 250.10³ cellules/mL pour les chèvres en 5ème lactation. À 285 jours de lactation les chèvres en première lactation atteignaient des CCS autour de 500.10³ cellules/mL alors que l’augmentation de la CCS était beaucoup plus importante chez les chèvres en 5ème

lactation avec une moyenne de 1 150.10³ cellules/mL (117).

Ces augmentations de CCS sont dues majoritairement à une augmentation du nombre de neutrophiles. En effet, au cours de la lactation, la proportion moyenne des neutrophiles augmente de 45,8% à 70,3%, alors que les autres populations cellulaires diminuent proportionnellement. De plus, les neutrophiles augmentent d’une proportion moyenne de 52% en première lactation à 69% à la 4ème lactation, alors que les pourcentages de macrophages et surtout de lymphocytes diminuent significativement (147).

De plus, il existe une très grande variabilité journalière. Certaines études ont montré que la valeur individuelle chez une chèvre pouvait varier d’une valeur de β00.10³ cellules/mL pendant plusieurs jours à plus de 2 000.10³ cellules/mL le lendemain, pour revenir vers 200.10³ cellules/mL le surlendemain. Ces fortes variations, peuvent être la source de biais majeur dans toutes les études sur les CCS dans cette espèce (148) (Annexe 10).

La majorité des études s’accordent pour dire qu’une forte prolificité augmente significativement la CCS (149), et que cela est indépendant du nombre de chevreaux que la mère allaite ; les lésions infligées au moment de la tétée en seraient la cause (106). Cependant certaines études ne trouvent pas d’effet significatif de la prolificité.

Enfin, une augmentation transitoire significative de la CCS durant l’œstrus est notée chez la chèvre, et cette augmentation est plus marquée chez les chèvres ayant déjà une infection mammaire (1). Le mécanisme n’est pas connu mais serait indépendant d’un effet concentration par diminution de la production laitière (150).

4.2.1.2.2. Les facteurs liés à la traite

On peut distinguer deux fractions de lait lors de la traite. La première extraite manuellement avant la traite, qui sert souvent pour le contrôle bactériologique et l’estimation visuelle de la CCS, puis la fraction de traite, sur laquelle les contrôles laitiers sont effectués. Les études concordent pour montrer que la seconde fraction est plus riche en cellules

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somatiques que la première (34, 96, 152). Par exemple, pour une collection de 600 échantillons, la moyenne était de 998.10³ cellules/mL pour la première fraction contre 1139.10³ cellules/mL pour la seconde (151).

La technique de traite, manuelle ou mécanique, ne semble pas avoir d’influence sur les résultats des CCS, contrairement au moment de la traite. En effet la CCS est de 17% à 78% plus élevée selon les études, lorsque le lait de la traite du soir est analysé par rapport à celui du matin. Une explication vient de l’effet dilution, car le volume de lait extrait de la traite du matin est plus grand et ainsi les cellules somatiques sont plus diluées (34).

4.2.1.2.3. Les fa teu s li s à la o duite d’ le age

L’alimentation peut avoir un impact sur la CCS, particulièrement lorsqu’elle est déséquilibrée en azote, énergie ou minéraux, ou lorsqu’elle provoque des désordres métaboliques tels que l’acidose (152, 153). De plus, il semble que les chèvres recevant une ration basée uniquement sur du pâturage auraient des valeurs de CCS significativement plus basses que celles recevant une ration distribuée en stabulation (152).

D’autres effets peuvent entraîner une augmentation de la CCS. Il s’agit du stress, lors de la manipulation des chèvres, de la saison, du statut parasitaire ou encore de la race (34).

4.2.1.3. Facteurs de variation pathologiques : les infections

mammaires

Lorsqu’une hémi-mamelle est infectée, la CCS augmente significativement, à cause de la mobilisation des cellules immunitaires dans les tissus infectés, et également à cause de la diminution de la production de lait qui a un effet direct sur la concentration des cellules. Ainsi la moyenne peut changer de 417.10³ cellules/mL (SE=72) dans le lait de mamelles indemnes d’infection bactérienne à 1 750.10³ cellules/mL (SE=197) sur des mamelles infectées par un Staphylocoque Coagulase Négatif (SCN) (4). De plus, des modifications notables de la formule cellulaire ont été établies. Sur une étude comparant des mamelles saines à des mamelles infectées par un SCN, on obtient une augmentation significative du pourcentage de neutrophiles passant d’une moyenne de 80,9% (SD=9,γ) pour la première catégorie à 86,6% (SD= 6,7) lors d’inflammation. La moyenne du pourcentage de macrophages diminue significativement de 15,0% (SD=7,7) à 11,4% (SD=6,4). Enfin le pourcentage de lymphocytes diminue de façon non significative de 4,2% (SD=3,9) à 2,7% (SD=1,2) (42). Il a été montré chez la vache qu’une forte augmentation de PMN était le signe d’une infection à

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expression clinique (111), alors qu’une augmentation de PMN morts suggérait un processus subclinique (41).

Cependant l’évolution de la CCS et de la proportion des cellules qui la composent, est modulée par l’agent bactérien en jeu. Ainsi on obtient des différences non négligeables des valeurs de CCS, selon que l’infection est due à un SCN ou à d’autres bactéries (S. aureus,

Streptococcus spp., Corynebacterium pyogenes), avec des différences d’un facteur γ entre les

CCS (40).

Certains auteurs classent donc les bactéries associées aux mammites en deux catégories : les agents pathogènes majeurs (Staphylocoques Coagulase Positifs dont S. aureus, les Streptocoques et les Coliformes) responsables de mammites sévères, et les agents pathogènes mineurs dont les SCN, responsables de mammites modérées (154). Cette classification, établie pour les mammites bovines, a été largement reprise dans des études sur l’espèce caprine (1, 155). Chez la chèvre, S. aureus est reconnu comme un agent pathogène majeur, tout comme les Streptocoques (59, 94, 156–158). Cependant l’influence de l’espèce de SCN sur l’augmentation de la CCS reste un sujet de controverse dans l’espèce caprine. En effet, certaines études affirment qu’il n’y a pas de différence significative entre les différentes espèces de SCN (59, 97, 158). D’autres mettent en évidence l’effet de certains SCN qui se rapprochent de ceux d’un agent pathogène majeur. Cependant elles divergent sur la liste des espèces de SCN en cause. Une étude sur 359 échantillons collectés sur des glandes infectées a montré une augmentation significative des CCS avec S. simulans et S. epidermidis (94). D’autres études confirment cette tendance, mais seulement pour S. epidermidis (82, 95), alors même que l’on trouve dans d’autres études des CCS relativement basses pour cette espèce, même plus basses que pour S. simulans ou S. chromogenes (59). Enfin, une étude a montré que, contrairement à la brebis, il n’existe pas de différence chez la chèvre quant à l’augmentation de la CCS entre les SCN résistants et ceux sensibles à la novobiocine (159).

L’espèce de l’agent infectieux semble aussi avoir un effet sur la durée du pic de CCS chez la vache. Ainsi les mammites cliniques à E. coli sont associées à un pic significativement plus court de la concentration de cellules somatiques dans le lait, alors que les mammites associées à S. aureus provoquent une augmentation de la CCS longue (160). De plus, le temps de latence entre le moment de l’infection et le début du pic de la réponse immunitaire dépend de l’espèce bactérienne mise en jeu (22, 131).

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Lorsque l’on différencie les types cellulaires en les comparant aux CCS, on remarque alors que le pourcentage de neutrophiles augmente drastiquement lors d’une infection par un agent pathogène majeur, comme Streptococcus agalactiae, Staphylococcus intermedius ou

Staphylococcus aureus, par rapport aux échantillons non infectés ou infectés par un agent

pathogène mineur. Concernant les macrophages, leur pourcentage est plus élevé lors d’infection avec une forte concentration d’agents pathogènes mineurs. Et enfin, le type d’infection n’a pas d’effet significatif sur le pourcentage de lymphocytes. Dans cette étude, le pourcentage d’éosinophiles a aussi été étudié et évolue de façon similaire à celui de neutrophiles (157). Une autre étude chez la chèvre a monté quant à elle, que le recrutement de lymphocytes T était plus important lors d’une infection avec S. aureus qu’avec S. epidermidis (25).

4.2.2. Influence des mammites sur les autres paramètres du lait

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