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La composante P200 : processus attentionnels primaires 104!

Chapitre 3 – Discussion 100!

4. Impact de la complexité des tics et du type de réponse sur les profils neurocognitifs

4.1 La composante P200 : processus attentionnels primaires 104!

Dans la tâche motrice, nous n’avons observé aucune différence entre les groupes au niveau de l’amplitude et de la latence de la P200. De plus, une distribution topographique antérieure similaire à ce qui est rapporté dans la recension des écrits scientifiques fut observée (Key et al., 2005). De manière intéressante, Thibault et al. (2008) ont observé une topographie similaire chez des patients SGT dans une tâche Oddball non-motrice.

36 Le temps de réaction est mesuré entre le moment où le stimulus est présenté et le moment

où le participant appuie sur le bouton (donne sa réponse).

37 Une bonne réponse est comptabilisée lorsque le participant a bien classifié le stimulus

présenté (i.e., rare ou fréquent).

38 Se référer à l’Annexe 6 pour un tableau sommaire des résultats statistiques des MANOVAs

À première vue, nos résultats concernant la tâche motrice suggèrent que la composante P200 ne semble pas être affectée par le type de réponse ou la complexité des tics. Cependant, nos résultats dans la tâche non-motrice complexifient et nuancent cette conclusion. En effet, nous avions initialement observé une réduction frontale de la P200 chez les patients présentant principalement des tics simples dans la tâche sans composante motrice. Toutefois, cette diminution frontale d’amplitude n’était plus significative suivant l’ajout des scores d’impulsivité à titre de covariable. Sachant que les participants présentant des tics simples étaient significativement plus impulsifs, ceci suggère qu’une plus grande partie de la variance pourrait être expliquée par des différences d’impulsivité attentionnelle, plutôt que des différences au niveau de la complexité des tics. Puisque l’impulsivité attentionnelle fut définie par Barratt comme représentant des difficultés à soutenir son attention ou à se concentrer (Stanford et al., 2009), ceci pourrait expliquer l’hétérogénéité des résultats rapportés dans les études ne contrôlant pas la présence concomitante de TDA/H. Effectivement, puisque nous avions porté une attention particulière à l’exclusion des patients présentant un double diagnostic, nos résultats suggèrent qu’une composante intrinsèque d’impulsivité pourrait être présente dans les troubles des tics. Cette impulsivité pourrait très bien avoir été interprétée comme étant des comportements d’hyperactivité dans les études précédentes. Cette hypothèse est en accord avec le modèle de O’Connor (2002) dans lequel la suractivation et la surpréparation motrice sont des composantes centrales dans les troubles des tics. Selon ce modèle, les croyances perfectionnistes provoqueraient des comportements pouvant facilement être vus comme de l’hyperactivité, comme par exemple : i) toujours en faire le plus possible, ii) ne pas perdre de temps, iii) essayer d’en accomplir trop à la fois, iv) abandonner prématurément des tâches entamées, v) incapacité à relaxer, vi) toujours tenter d’être en avance sur soi-même, etc. C’est notamment pour cette raison que l’auteur réfère au concept de suractivité afin de ne pas confondre ces comportements avec de l’hyperactivité. Ainsi, les comportements impulsifs et les croyances perfectionnistes seraient sous-tendus par un style d’action suractivé et surpréparé. Ces styles d’action seraient un élément clé dans le maintien des tics. Laverdure, O’Connor, et Lavoie (2013) ont notamment investigué les corrélats cognitifs de la sous-échelle de suractivité du questionnaire sur les styles d’action (STOP

questionnaire). Ils ont remarqué que la sous-échelle de suractivité était liée au perfectionnisme

tics ne soit pas rapportée, leur échantillon de patients présente des tics plus sévères que nos participants. Ceci pourrait expliquer pourquoi nous avons noté une modulation de la P200 suite à l’ajout de l’impulsivité comme covariable seulement pour notre groupe à prédominance de tics simples. En effet, non seulement le groupe de tics simples présentait-il des scores plus élevés à l’échelle d’impulsivité de Barratt, mais il démontrait aussi une plus grande diversité de tics de manière plus fréquente (tel que mesuré par le YGTSS). Les tics simples pourraient alors simplement interférer avec les capacités de concentration des participants par leur fréquence plus élevée.

De plus, l’interprétation fonctionnelle de la P200, telle que rapportée dans la recension des écrits scientifiques, lie cette composante à des processus d’attention sélective, de vigilance (Thibault et al., 2008), du traitement des attributs saillants (Potts & Tucker, 2001), de classification des stimuli (Garcia-Larrea et al., 1992) et plus globalement de l’orientation de l’attention (Potts et al., 1996). Ces interprétations vont donc de pair avec nos résultats selon lesquels le contrôle statistique de l’impulsivité attentionnelle, telle que décrite par Barratt, vient normaliser l’amplitude de notre P200 qui semble être globalement associée à des processus attentionnels. Cependant, il est intéressant de remarquer que l’impulsivité n’était pas associée avec la P200 dans notre tâche motrice. Ceci suggère donc que l’impulsivité attentionnelle pourrait être plus facilement contrôlée par les patients tics lorsqu’une composante motrice est impliquée. Cela évoque la possibilité que les déficits d’inhibition retrouvés dans les troubles des tics (e.g., dans des tâches de GoNogo39) pourraient sous-tendre des sources plutôt cognitives que motrices (Cavanna et al., 2009 ; Johannes et al., 2001 ; Osmon & Smerz, 2005 ; Thibault, O’Connor, Stip, & Lavoie, 2009).

En somme, nos résultats suggèrent que l’intégrité de la P200 soit robuste à la complexité des tics ainsi qu’à l’addition d’une composante motrice, seulement lorsque l’impulsivité est prise en compte.

39 Dans les tâches de GoNogo, les participants doivent effectuer une réponse motrice pour un

type de stimulus et inhiber cette réponse lorsqu’un autre type apparaît. Les temps de réaction et le nombre de réponses correctes représentent différentes mesures des capacités d’inhibition motrice.

Parallèlement, Oades et al. (1996) ont rapporté une P200 plus large chez des enfants tics. Ces résultats interprétés de manière conjointe avec les nôtres et ceux de Thibault et al. (2008) pourraient suggérer une normalisation des processus liés à la P200 à l’âge adulte. Il serait donc intéressant d’investiguer les profils électrophysiologiques d’individus ayant présenté des tics durant l’enfance, mais qui ne présentent plus de symptômes observables à l’âge adulte.