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d'approvisionnement des villes en venaison sont soumises à des contraintes fortes qui

1.1 Définition et analyse du vocabulaire utilisé

1.1.5 La biodiversité ordinaire et la faune commune

1.1.5.2 La biodiversité remarquable et la biodiversité ordinaire

Les politiques de promotion de la nature sauvage sont souvent cristallisées autour d'une espèce emblématique, capable de mobiliser l'affectivité du grand public. Ce n'est pas un hasard si le symbole du WWF est le panda, petit animal sympathique et inoffensif. Bambi, le dessin animé de Walt Disney, continue, depuis 1942, à façonner la vision de la nature sauvage des enfants citadins. Il est cependant difficile de concevoir une politique durable de gestion de la biodiversité uniquement sur des bases liées à la sensibilité humaine.

Nous allons donc, tout d'abord, analyser, à partir de la bibliographie existante, l'évolution de la conception des rapports entre l'homme et la nature, puis nous verrons comment l'analyse du concept de biodiversité a fait émerger les notions de biodiversité remarquable et de biodiversité ordinaire.

1.1.5.2.1 Les rapports de l’homme et de la nature

Dans leur ouvrage Du bon usage de la nature. Pour une philosophie de l'environnement, C. et R. Larrère (Larrère and Larrère 2009), par l'analyse des concepts de Natura naturans et de Natura

naturata, précisent les visions de la nature de la philosophie grecque, puis ils montrent comment, au

Moyen Âge, les Pères de l'Église ont associé la vision d'Aristote et l'héritage biblique. En poursuivant cette approche, la pensée cartésienne, le Siècle des Lumières, les encyclopédistes et la pensée moderne se sont appuyés sur la vision de la nature-objet, extérieure à l'homme, la Natura naturata, qu'il peut s'approprier par la connaissance. C'est toujours la vision classique d'un ingénieur.

La révolution darwiniste, à la fin du XIXe siècle, a relancé une approche de la nature comme processus, héritée de la Natura naturans des Grecs anciens. Elle s'accorde également avec des réflexions scientifiques nées des progrès de l'écologie et avec les actuelles inquiétudes sur l'impact des activités humaines sur la biosphère.

Il semble en fait que ces deux approches ne sont pas incompatibles, mais révèlent deux faces d'une même réalité. La comparaison du Tableau 19, résumant les propositions de C. et R. Larrère, et du Tableau 16, élaboré à partir des travaux du MEA (Chevassus-Au-Louis, Salles et al. 2009; Commission_Européenne 2009; Gunnell 2009), montre bien une forte cohérence entre, d'une part, la Natura naturans et les grands cycles naturels bio-géochimiques, qui ne sont pas susceptibles de forçage intentionnel par l'homme (même s'ils peuvent être perturbés par les activités humaines) et, d'autre part, l'ensemble des biens et services à la disposition de l'humanité, qui correspondrait à la Natura naturata d'Aristote.

Par exemple, Karsenty et Pirard (Karsenty and Pirard 2007), s'interrogeant sur la valeur de bien public mondial des forêts tropicales, distinguent clairement « les forêts en tant qu'écosystèmes fournisseurs de services écologiques » et « les forêts en tant que ressources, ancrées dans un territoire, soumises à la logique de la souveraineté des États et utilisées comme actif économique ».

On considère généralement, en langage économique, que tous les produits issus de la biodiversité et ayant une valeur monétaire constituent des biens, les services étant des fonctions remplies par la biodiversité. Par contre, dans le cadre adopté par le MEA, la notion de service est extrêmement englobante. Il semble cependant pertinent de séparer les services d'auto-entretien, qui peuvent être comparés à des « infrastructures naturelles », indispensables à la Vie, mais échappant au contrôle de l'homme (Lévêque 2008), qui constitueraient la Natura naturans évoquée plus haut.

Nous allons voir maintenant comment la biodiversité et, en particulier, la faune sauvage peuvent être analysées, selon cette grille, en matière socio-économique.

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Tableau 19 : La nature processus et la nature ressource

D’après C. et R. Larrère (Larrère and Larrère 2009)

Natura naturans Natura naturata

Chez les Présocratiques, le monde est un processus qui s’accomplit de

lui-même, sans causalité extérieure. Chez Platon et Aristote, le monde a une finalité ; c’est un dessein intelligent

Nature-processus Nature objet, nature artefact,

Il ne peut y avoir d’artefacts que parce qu’il y a des processus pour les

maintenir Nature créée, extérieure à l’homme et dont il s’est arraché en l’instrumentalisant ;

Diversité même. Multiplicité des procédés. Maîtrise conceptuelle et technique partielle.

Nature prévisible parce qu’elle obéit à des lois éternelles, parce qu’elle est infinie répétition du même => enquête sur les formes et les procédés de la vie, histoire naturelle des modernes La nature se produit elle-même, elle est en train de se faire, avec des lois et

des processus en action. C’est quelque chose qui existe par soi-même, qui entretient son propre mouvement (dont la vie humaine fait partie)

La nature est vue comme une machine dont on peut comprendre les rouages. C’est un matériau inerte, décomposable à volonté, parce qu’il n’est fait que de parties extérieures les

unes aux autres, que l’homme peut utiliser selon ses fins. La nature est une force en activité, auto-productrice et que l’on peut expliquer

sans faire appel à des causes extérieures La nature est créée, soutenue par Dieu dans son existence

« nature » = nature sauvage, « qui ne se copie pas », qui nous échappe « Art » = jardins à la française = nature travaillée, reconstruite, que nous maitrisons

Vision moderne ; la nature n’a pas besoin de l’homme, c’est un processus se déroulant nécessairement lorsqu’il est enclenché.

Puissance de l’homme et dépendance de la nature à son égard. La connaissance est appropriation du monde.

L’homme est à l’extérieur de la nature qui existe sans lui, qu’il affronte comme une puissance menaçante, car cette nature neutre, cet automate, n’a pas de

souci de lui.

L’empire de l’homme sur les choses n’a d’autre base que les arts et les sciences, car on ne peut commander à la nature qu’en lui obéissant (Bacon).

Vision darwinienne, l’homme doit composer avec les processus naturels

complexes et imprévisibles. Vision cartésienne, l’homme imite, maîtrise, puis domine les mécanismes.

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1.1.5.2.2 La biodiversité remarquable, une réalité biologique et un miroir social

La politique de gestion de la biodiversité s'est longtemps organisée autour de la protection de certaines espèces dites « remarquables » ; même le réseau européen Natura 2000, qui se veut un schéma cohérent de protection des écosystèmes fragiles, reste mobilisé autour d'un nombre limité d'espèces animales ou végétales (le vison d'Europe, le râle des genêts ou les orchidées). Dans certains cas, ce qualificatif d'espèces « remarquables » correspond à une réalité biologique, mais c'est également une construction sociale.

Une réalité biologique.

Les espèces ingénieurs sont susceptibles de modifier l'état physique de leur environnement et elles peuvent avoir un impact sur la disponibilité en ressources pour les autres espèces ; ces organismes sont donc plus que les maillons de la chaîne trophique. Un exemple classique est le rôle des vers de terre dans la fertilité des sols ; le castor américain également, par les barrages qu'il construit, va modifier les conditions hydrologiques dans les régions qu'il colonise et, par le fait, l'ensemble de l'écosystème (Levrel 2007; Lévêque 2008; Gunnell 2009).

Les espèces clés de voûte jouent un rôle stratégique dans le fonctionnement des écosystèmes et leur disparition peut avoir des conséquences immédiatement visibles (Larrère 2005; Lévêque 2008). Ce concept a été proposé par Paine (1969), qui a observé le fonctionnement de l'écosystème littoral, sur les grèves de la côte Est des États-Unis, avant et après la disparition d'une étoile de mer, prédateur de l'ensemble des coquillages. Il a mis en évidence que les prédateurs empêchent la monopolisation des ressources par une seule espèce et favorisent ainsi la diversité spécifique locale (Barbault and Weber 2010). L'impact d'une espèce clef de voûte sur la communauté dont elle fait partie sera, par définition, plus grand que ce que l'on pourrait supposer à partir de sa seule abondance numérique, qui est souvent faible ; les espèces clés de voûte se trouvent en principe impliquées dans de multiples interactions, au sein de l'écosystème. Ce sont généralement, soit des prédateurs, soit, au contraire, des espèces à la base des chaînes trophiques (Levrel 2007; Gunnell 2009).

Les espèces parapluie (Levrel 2007), qui sont souvent de grands prédateurs ayant besoin d'un territoire de très grande taille, ont donné naissance au concept d'espèces-paysage24, développé par l'ONG américaine WCS. Ces espèces ont besoin de grands territoires diversifiés ; en matière d'habitat, leurs besoins variables dans le temps et dans l'espace les rendent particulièrement sensibles aux différents phénomènes d’anthropisation. Les espèces-paysage sont généralement discrètes et elles se déplacent beaucoup ; il est donc difficile de les compter et, de ce fait, ce ne sont pas de bons indicateurs des menaces pesant sur les milieux naturels. Pour poursuivre la comparaison avec les espèces-parapluie, on peut considérer que le parapluie le plus robuste et le plus complet serait constitué par une palette d'espèces avec des besoins en habitat différents et complémentaires (WCS 2002).

Les espèces indicatrices ne structurent pas les relations interspécifiques dans un écosystème mais elles sont sensibles aux changements qui apparaissent au sein de cet écosystème. Elles renseignent donc indirectement soit sur la qualité du milieu, soit sur le niveau de biodiversité à l'intérieur d'un groupe taxonomique (Larrère 2005).

Les espèces considérées comme remarquables sont souvent des espèces spécialistes, avec une niche écologique très étroite. Ces spécialistes s'opposent aux généralistes, qui ont un comportement éthologique beaucoup plus diversifié. Ces caractères sont importants pour comprendre la dynamique de développement des espèces introduites dans un nouveau milieu. Généralement,

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http://s3.amazonaws.com/WCSResources/file_20110518_073531_Bulletin_AToolForSiteBasedConservation_Fr_xjcAA.pdf

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l'introduction de généralistes a un impact plus fort sur l'écosystème dans son ensemble que celle de spécialistes. D'autre part, si le milieu contient divers prédateurs généralistes, l'introduction d'espèces exotiques devrait avoir un impact plus faible que si les prédateurs présents dans le milieu sont fortement spécialisés (Gunnell 2009).

En règle générale, les espèces remarquables s'opposent aux espèces dominantes, qui ont, par rapport aux autres espèces, de meilleures capacités pour utiliser les ressources du milieu (Lévêque 2008). On peut également les mettre en opposition avec la faune et la flore banales et ubiquistes, peu exigeantes vis-à-vis des conditions du milieu et présentant souvent une forte capacité de multiplication.

Mais, aussi, un miroir social.

Si certaines espèces remarquables sont identifiées à partir de caractéristiques biologiques réelles, dans bien des cas, ce caractère « remarquable » est purement une construction sociale. En effet, chaque société et chaque groupe à l'intérieur de la société a ses représentations et, sur cette base, ses espèces « nobles » et ses espèces vulgaires (Weber 1995). De même, une parcelle de terrain n’est pas vue de la même façon par le paysan qui la cultive, par le promeneur qui l'admirera à la période des labours ou avant la moisson et par le promoteur immobilier, qui envisage de la lotir.

Dans le milieu naturel, certaines espèces de grande taille et/ou difficiles ou dangereuses à chasser procurent un grand prestige au chasseur qui se les approprie. L'abattage d'un éléphant est un facteur de grande notoriété pour un chasseur Pygmée tout comme, au Moyen Âge, l’aristocratie ne s'intéressait qu'au gibier « noble », par excellence le cerf. Les modes de chasse influent également sur la notoriété de la proie ; en Afrique, les chasses collectives au grand gibier sont bien valorisées socialement et, pour reprendre l'exemple du Moyen Âge européen, la chasse « noble » suppose des techniques permettant l'affrontement direct du chasseur et du fauve ou exigeant des qualités de cavalier. Par contre, le piégeage, qui est une activité solitaire et discrète, est rarement considéré comme une source de prestige, alors qu'il demande une connaissance approfondie de la nature ; les espèces capturées par piégeage ne sont pas, non plus, valorisées socialement (Lescureux and Bournery 2006).

Le développement actuel des médias audiovisuels conduit à une survalorisation de certaines espèces, « passant bien à l'écran » et permettant d'appuyer des discours mobilisateurs. Selon les auteurs, on les nommera espèces médiatiques, espèces emblématiques, espèces phares,… Elles serviront de base à la protection des milieux, en fonction de la mobilisation des amateurs et de leurs associations ; on peut citer, parmi ces espèces, les orchidées, les plantes carnivores, les grands prédateurs ou les chiroptères (Larrère 2005; Lévêque 2008; Gunnell 2009).

La rareté ne semble pas non plus un critère pertinent pour définir une espèce remarquable. En effet, une espèce peut être rare naturellement, du fait de son endémisme ou de ses caractéristiques biologiques (les consommateurs de fin de chaîne alimentaire ne sont jamais abondants), sans être pour cela en danger. Par contre, localement, une espèce peut être rare parce qu'elle est située en limite de son aire de répartition, parce qu'elle est liée à des pratiques agricoles abandonnées, parce qu'elle fait partie d'un stade pionnier antérieur et, dans ces cas également, la rareté n'est pas synonyme de danger de disparition (Larrère 2005).

Ce facteur de vulnérabilité et de menaces de disparition n'est pas non plus totalement objectif, car, dans bien des cas, il traduit davantage l'intérêt des scientifiques professionnels ou amateurs militants pour cette espèce que des faits rigoureusement établis.

La classification entre animaux nuisibles et animaux utiles est également relative au temps et à l'espace. Depuis le XIXème siècle, en Europe, les petits oiseaux sont protégés, car ils détruisent les insectes ravageurs des cultures ; à l'inverse, de nos jours, en Afrique, l'ensemble des oiseaux granivores sont toujours détruits par les agriculteurs pour protéger leurs récoltes. Cette classification

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utile / nuisible est donc datée historiquement et sociologiquement. Elle est liée à la plus ou moins forte domination de l'homme sur la nature sauvage, considérée comme un milieu hostile. Les animaux utiles sont, dans cette vision, les auxiliaires de l'homme et lui fournissent des aliments et des produits commerciaux ; les nuisibles ont alors les caractéristiques inverses. Cette vision utilitariste de la nature est celle du monde rural ; elle est aujourd'hui largement dominée et, d'ailleurs, le terme « nuisible » a disparu du vocabulaire scolaire et scientifique où l'on va parler de « prédateur ». Il ne subsiste qu'en matière juridique et le classement, dans la loi et dans le règlement, d'une espèce comme nuisible doit être motivé (Lévêque 2008).

1.1.5.2.3 La nature ordinaire et la conservation des fonctions écosystémiques

Après avoir examiné les particularités des espèces remarquables, nous allons maintenant nous intéresser, sur un plan plus général, aux caractéristiques de la nature ordinaire, par rapport aux propriétés de la nature remarquable. En matière de biodiversité, cette distinction remarquable/ordinaire est à la base de la réflexion du groupe de travail présidé par B. Chevassus-au-Louis, qui a essayé, pour le compte du Centre d’Analyses Stratégiques (CAS), d’estimer la valeur de la biodiversité (Chevassus-Au-Louis, Salles et al. 2009).

Ce travail propose de dissocier la biodiversité en deux composantes :

la biodiversité « remarquable » correspond à « des entités (des gènes, des espèces, des habitats, des paysages) que la société a identifiées comme ayant une valeur intrinsèque et fondée principalement sur d'autres valeurs qu'économiques » et

la biodiversité « générale » ou « ordinaire », « n'ayant pas de valeur intrinsèque identifiée comme telle mais qui, par l'abondance et les multiples interactions entre ses entités, contribue à des degrés divers au fonctionnement des écosystèmes et à la production de services qu'y trouvent nos sociétés ». Seule cette biodiversité fonctionnelle peut être évaluée

économiquement.

On peut s'interroger sur la définition de la valeur intrinsèque.

D’après le Petit Larousse, l'adjectif intrinsèque vient du latin intrinsecus = au-dedans et signifie « qui appartient à l'objet lui-même, indépendamment des facteurs extérieurs ; inhérent, essentiel ». Le concept de valeur intrinsèque de la nature a été créé par l'école philosophique de la « deep ecology » sous l'influence d’Arne Naess et de ses successeurs. Pour ce courant, les organismes vivants possèdent une valeur qui leur est propre et qui n'est nullement le fruit d'une préférence humaine. Aucune espèce vivante n'a plus le droit de vivre et de s'étendre qu’une autre espèce, même l’espèce humaine.

En matière économique, la valeur est un concept complexe ; ce terme peut désigner la capacité que possède une chose à satisfaire un besoin, c'est-à-dire l'utilité de cette chose, ce que l'on appelle sa valeur d'usage. Il peut également désigner le pouvoir d'échange d'un bien par rapport à un autre, c'est-à-dire sa valeur d'échange, qui devient son prix lorsqu'on la mesure en unités monétaires.

Pour les Classiques et pour Marx, l'origine de la valeur d'une chose se trouve dans la quantité de travail qu'elle contient. Pour les économistes libéraux du début du XIXe siècle, la valeur d'une chose prend sa source dans l'utilité de ce bien, en analysant ce concept à partir de la demande et non plus de l'offre. Cette dernière conception se heurtait au « paradoxe de la valeur » qui remarque que certaines choses apparemment très utiles, comme l'eau, ne possèdent souvent aucune valeur d'échange, alors que des objets sans utilité pratique peuvent avoir une valeur considérable (diamants, objets d'art). À la fin du XIXème siècle, Walras propose la notion d'utilité marginale pour définir la valeur. La valeur d'échange d'une chose est déterminée par l'utilité de la dernière unité disponible. Si

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la chose est abondante, la satisfaction procurée par l'acquisition d'une unité supplémentaire de ce bien décroît très rapidement.

La définition de la biodiversité générale proposée par Chevassus-Au-Louis est basée essentiellement sur sa valeur d'usage et, en partie, sur sa valeur d'échange ; elle semble bien opérationnelle dans une approche économique. Par contre, on peut s'interroger sur la reconnaissance effective, dans les sociétés occidentales, d'une valeur intrinsèque à une partie de la biodiversité. Il suffit de voir les polémiques soulevées par la présence des grands prédateurs ou les politiques de wilderness ou, encore, les réactions de type NIMBY, lors de la mise en place d'infrastructures écologiques ou d'une fiscalité verte, pour douter de la réalité de cet accord sociétal sur la valeur intrinsèque de la nature. D'ailleurs, en dehors de quelques cercles scientifiques et activistes réduits, le courant philosophique de la « deep ecology » n'a pas une audience forte auprès du grand public et des décideurs.

Il semble plutôt que la catégorie de la biodiversité remarquable soit définie « en creux », par défaut. Elle correspondrait à une incapacité, actuelle certainement, mais peut-être également fondamentale, à intégrer dans le calcul économique les grands processus écologiques, c'est-à-dire les services d'auto entretien du MEA, présentés dans le Tableau 16, et la Natura naturans du Tableau 19. En effet, ces processus sont peut-être trop complexes pour être évalués avec les instruments économiques actuels ou bien il est impossible de séparer leur participation dans les cycles écosystémiques ; leur prise en compte entraînerait alors, sur le plan comptable, des risques de double comptage. Pour l'analyse économique, la biodiversité remarquable serait ainsi définie par défaut, comme le complémentaire de la biodiversité ordinaire.

C'est le point de vue que nous adopterons dans la suite de l'exposé.

Divers auteurs ont travaillé sur le concept de nature ordinaire. Godet (Godet 2010) se place au niveau du paysage : ce sont des paysages banals, familiers et quotidiens, formant la matrice paysagère. La nature ordinaire serait un « écotone », une zone de transition entre les espaces dominés par l'homme (espaces urbains, zones d'agriculture intensive) et ceux où il est pratiquement absent. Elle serait un espace tampon entre les espaces organisés, d'une part, par des forçages anthropiques et, d'autre part, par des forçages naturels.

On peut alors distinguer quatre classes de nature :

la nature spontanée, qui ne doit rien à l'homme et dont le fonctionnement est régi par des