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5.1 Qui sont-ils?

Selon Anne Coppel58, le statut du toxicomane a bien changé au fil des années.

Jadis, on donnait au toxicomane un statut de délinquant, souvent dangereux, sans foi ni loi, toujours à la recherche de son « shoot ». L’unique solution était de le conduire en prison ou alors de lui permettre de se sevrer et de suivre une thérapie.

Durant les années 80, les actions de réductions de risques ont bouleversé nos propres croyances. Le statut du toxicomane change. Il devient une personne malade qu’il faut aider.

En Suisse romande, la drogue (hashisch) a d’abord touché les jeunes issus d’un milieu plus aisé et culturellement plus riche. Ces fils de « bonne famille » vivent souvent une sorte de parenthèse avant de reprendre leurs études et obtenir un travail. Cette vie de « marginal » va attirer d’autres jeunes issus du milieu populaire qui ont de la peine à rentrer dans le « moule ». Ces jeunes en rupture vont rejoindre le sous-prolétariat. « On a ainsi passé en quelques années (de 1970 à 1975 grosso modo), d’une situation où les « drogués » sont des fumeurs de haschisch issus de classe moyenne et supérieure – avec les moyens culturels que l’on sait – à une situation où les « drogués » comprennent quelques fils de « bonne famille » déclassés, et une masse d’enfants de milieux populaires, dont beaucoup sont accrochés aux drogues dures. » (ROY Louis-Pierre [et al.], 1978, p.60)

Chaque consommateur de drogues doit maintenir un équilibre entre la consommation et les activités de la vie quotidienne (travail, relation familiale, sociale,…). Pour certains, cet équilibre est difficile et les périodes d’accalmie sont peu nombreuses.

D’autres y arrivent après quelques années et avec l’aide des traitements de substitutions. D’autres encore, trouvent dès le début un équilibre stable et peuvent le maintenir sur la durée. Certains usagers d’héroïne peuvent avoir un emploi précaire et d’autres sont journaliste ou médecin. Tant que la consommation est contrôlée par l’usager, elle reste invisible.

Il y a donc des personnes toxicodépendantes qui échappent à la prison, aux hospitalisations, aux overdoses, aux tentatives de suicide, mais aussi aux différents

« systèmes de soins ». « Des recherches ethnographiques ont décrit le mode de vie très organisé des héroïnomanes des ghettos américains, dont une part n’est connue ni des services de police ni des services de soins. Ces héroïnomanes se lèvent le matin comme tout un chacun, ils s’habillent, sortent de chez eux, vaquent à leurs

58COPPEL Anne. Peut-on civiliser les drogues ? De la guerre à la drogue à la réduction des risques.

Paris : Edition La Découverte, 2002, 382p.

activités qui sont souvent aussi routinières que celles de la plupart des gens. » (COPPEL Anne, 2002, p.214-215)

Ces « (…) personnes dépendantes et socialement intégrées doivent faire face à leur maladie en silence, éviter la confrontation avec les regards désapprobateurs et éviter de courir le risque de perdre leur emploi ou d’avoir des démêlées avec la justice. » (MANI Christophe, Première Ligne n°4, janvier 2007) Ces personnes, les organismes d’aide les rencontrent très peu.

Tous les consommateurs n’ont pas non plus tous un comportement

« autodestructeur ». « Pour un grand nombre, fréquentant des salles d’injections, la consommation de psychotropes a surtout une fonction d’automédication, visant à soulager un certain nombre de souffrances physiques ou psychologiques. » (BAUDIN Martine, 2002, p.5)

A l’heure actuelle, qui sont les « nouveaux » consommateurs ? Est-ce que les professionnels de la réduction des risques arrivent à entrer en contact avec eux ? Si oui, comment ?

5.2 L’évolution des modes de consommation

Ce chapitre a été rédigé en se basant sur les écrits du site SRG SSR idée suisse59.

Vers la fin des années 80, l’héroïne est devenue la principale drogue consommée dans les villes en Suisse. Face aux scènes ouvertes, à l’expansion du SIDA, etc., les villes touchées ont fermé leurs « Platzspitz » et ont ouvert des centres de prescription sous contrôle médical d’héroïne et de méthadone.

Mais pendant ce temps, d’autres drogues ont fait irruption sur le marché. L’ecstasy fait son apparition avec le mouvement techno lors des « raves party ». Le cannabis, quant à lui, revient en force. Des boutiques de chanvre fleurissent dans les zones frontalières. Mais les polices cantonales mettent fin à ce business en 2003.

La prohibition du cannabis va entraîner une baisse de prix de la cocaïne et celle-ci va devenir accessible aux consommateurs moins aisés.

Mais quels sont les modes de consommation actuels ? Qu’en est-il de l’usage de seringues ? Est-ce que les usagers de drogues ont renoncé à cette pratique ?

« Un des facteurs qui a une incidence sur l’évolution des consommations ce sont les politiques de santé ou de répression. »

COPPEL Anne, 2002, p.219

5.3 Difficultés rencontrées par les personnes souffrant de toxicomanie.

Actuellement, les personnes souffrant de dépendance à des produits illicites se retrouvent dans des logiques contradictoires. En effet, la politique des quatre piliers

59 SRG SSR idée suisse. Le débat sur la drogue [En ligne], Adresse URL : http://www.ideesuisse.ch/209.0.html?&L=1 (Page consultée le 26 septembre 2007)

comporte à elle seule 4 buts différents. Cette politique a été élaborée pour protéger la personne dépendante. Mais dès qu’une personne se trouve dans la spirale de la consommation de produits illicites, elle est immanquablement projetée dans la petite ou grande criminalité, et sera donc confrontée à la police, aux tribunaux et à effectuer des séjours en prison. La toxicomanie a pour conséquence de stigmatiser la personne et de la marginaliser.

« Les usagers de stupéfiants restent des hors-la-loi et ce statut les rend vulnérables. »

BOGGIO Yann, 1997, p.94

« La marginalité handicape bien plus que la dépendance »

MINO Annie, 1996, p.195

Que faudrait-il mettre en œuvre pour améliorer cet état de fait? Yann Boggio avance une solution. Celle de remplacer la politique répressive par une régulation de la distribution de stupéfiants. Police et justice pourraient donc se concentrer plus à fond sur la lutte contre le trafic illicite et les professionnels pourraient montrer les effets positifs d’une intégration sociale des usagers. (Boggio, 1997, p.95)

5.4 La parole aux personnes touchées par la toxicodépendance, sur la politique des quatre piliers.

En 2006, à Genève, Conseiller d’Etat, chef de la police, président de l’association Première Ligne et un usager se sont retrouvés pour un débat public. Un usager a revendiqué une place pour les usagers de drogues en tant que citoyens. Il a relevé la nécessité de développer des petits jobs de réinsertion accessibles malgré la consommation, ainsi qu’un besoin de cohérence entre les acteurs de la prévention et de la répression. Il existe un décalage entre autorités et terrain.

« J’accuse les spécialistes, les hommes politiques et les journalistes qui dissertent sur la drogue et ses méfaits sans prendre la peine de confronter leurs certitudes avec les faits de mensonge. »

MINO Annie, 1996, p.7

Les usagers présents à ce débat ont fait part de leurs difficultés à vivre dans un contexte les criminalisant pour leur situation de dépendance et de contradiction permanent entre accès aux soins et poursuites pénales. Certains ont suggéré une mise à disposition contrôlée de produits, afin qu’ils puissent sortir de la criminalité.

« Renoncer aux drogues, c’est se changer soi-même, c’est aussi changer de façon de vivre. »

Stanton Peel, cité par BOGGIO Yann, 1997, p.320

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