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4.1 L’évolution des pratiques (tour d’horizon des quatre piliers).

L’essentiel de ce chapitre est tiré de l’ouvrage de BOGGIO Yann, 1997, 105p.

Au fil des années, la prévention a pu faire ses preuves et s’est attachée à suivre l’évolution en matière de dépendance.

Pendant un certain temps, elle se basait sur la « dissuasion ». A l’heure actuelle, elle aborde la situation de manière différente : Les mesures visent à informer et développer un réseau d’aide envers la personne toxicodépendante. Et la dépendance regroupe maintenant une large palette de drogues : alcool, tranquillisants, héroïne, jeux vidéo, achats compulsifs,…

54 Informations tirées à partir de la page web : OFSP : Traitement avec prescription d’héroïne (HeGeBe). Questions et réponses 2006 [En ligne], Downloads PDF, Adresse URL : http://www.bag.admin.ch/themen/drogen/00042/00629/00798/01191/index.html?lang=fr (Page consultée le 2 octobre 2007)

Quant à la répression, elle vise à différencier les consommateurs des commerçants.

L’évolution du statut du toxicomane a eu une répercussion sur le comportement des différents acteurs du domaine de la toxicomanie. Pour la police, la personne toxicomane devient une personne « qui a fait fausse route » et il faut donc adopter une attitude de tolérance vis-à-vis de celle-ci. Mais par contre, la lutte contre le trafic est intensifiée.

La thérapie reste un pilier important et elle vise à offrir une offre variée, afin de répondre aux besoins de tous les consommateurs (sevrage sous narcose, prescription médicale contrôlée d’héroïne considérée à long terme,…).

Et pour terminer, la réduction des risques. Celle-ci s’est tout d’abord développée pour parer l’explosion de l’épidémie du SIDA, et les nombreuses maladies transmissibles. Ces associations de réduction des risques, qui n’existent que depuis peu d’années en Suisse, ont continué leur « combat » et ont élargi leurs objectifs.

Depuis l’ouverture de ces centres, les professionnels ont actuellement pu se confronter à la réalité de la pratique.

Ma recherche aura pour but de partir de leurs connaissances du terrain, afin de mieux cerner ce qu’il en est à l’heure actuelle de ces centres. Correspondent-ils à la demande actuelle ? Répondent-ils aux besoins des différents usagers? Quelles sont les avancées dans ce domaine ou quelles sont les limites auxquelles les professionnels se sont heurtés dans leur pratique professionnelle ? Et encore, est-ce que la notion de réduction des risques est actuellement reconnue ou non, par l’ensemble des travailleurs sociaux et sanitaires ?

4.2 Limites, enjeux

Deux articles rédigés en 200255 (après 8 mois de fonctionnement) et 200356 par des professionnels travaillant à Quai9 (Genève) nous font part des enjeux et des limites qu’ils rencontrent dans leur pratique.

Quelles sont, par exemple, les conduites à adopter face à des personnes qui se

« suicident à petit feu » ? Que faire face à des usagers de drogues, à peine relevés d’une complication sérieuse due à leur consommation, désireux de s’injecter à nouveau leur produit ? Et que faire encore face à des femmes enceintes s’injectant régulièrement de la drogue avec tous les risques que cela peut faire encourir à leur enfant ?

Mais encore, comment vivre avec l’usager le rituel de l’injection ?

Selon Martine Baudin, il est important de se mettre en position d’apprentissage, d’observer et d’entrer en contact avec l’usager. C’est l’enjeu de la relation dans l’ici et

55 BAUDIN, Martine. Les enjeux de la salle d’injection autour des comportements à risques et des messages de prévention, 2002.

56 FRANCOIS, A. Quai9, espace d’accueil et d’injections pour usagers de drogues à Genève : bilan et

réflexions après 18 mois de fonctionnement, 2003.

le maintenant ; il faut essayer de comprendre et d’accepter la pratique de l’usager dans une attitude de non-jugement pour ainsi pouvoir échanger avec lui des messages de préventions qui auront plus de chance d’aboutir. Il est également important de définir le sens du mot « aider », puisqu’il faut évoluer en adéquation avec les demandes des usagers.

L’équipe ressent également le besoin « d’affirmer le bien-fondé de cette nouvelle structure et d’y asseoir une existence reconnue dans le paysage socio-sanitaire de Genève ».

Lors de ce bilan en 2002, un certain nombre de questionnements, de limites et d’objectifs sont ressortis, mais aucune réponse précise et catégorique n’a pu être donnée. Fin 2007, où en sont-ils ?

« Avoir beaucoup de questionnements permet de rester en éveil et d’approfondir les points sensibles. C’est aussi offrir des repères aux gens avec lesquels nous travaillons. »

BAUDIN Martine, 2002, p.6

4.3 Leurs compétences

Selon Anne Coppel57, un acteur « crédible » de la réduction des risques doit maîtriser des informations scientifiques sur les effets des produits et leurs interactions. Il doit sans cesse actualiser ses connaissances (nouvelles drogues, nouveaux types d’usagers, etc.).

Il doit également être capable de tisser une bonne collaboration avec l’usager. Le professionnel doit pouvoir s’appuyer sur l’expérience de l’usager afin de faire passer au mieux son message de prévention. Ils élaboreront ensemble une solution afin d’éviter le maximum de risques lié à la consommation. La réduction des risques c’est : connaître les usagers, leurs pratiques et les risques qu’ils prennent.

« Connaître les façons de faire mais aussi les façons de dire et les façons de penser de l’usager de drogue, c’est se donner les moyens d’une communication sans laquelle on ne peut prétendre avoir une quelconque action sur les comportements. »

« Pour comprendre ce qu’il dit, il faut connaître ce qu’il vit ».

COPPEL Anne, 2002, p.66 et p. 342

Son travail, c’est aussi de comprendre et d’accepter la toxicodépendance de l’autre pour pouvoir entrer en relation avec lui. « Il y a toutes les chances que celui qui s’injecte taise ses pratiques aussi longtemps que le médecin ou l’acteur de prévention donne à la parole le statut d’aveu, c’est-à-dire de reconnaissance d’un acte honteux ou pathologique. L’évitement, le silence ou le mensonge sont les réponses les plus probables, si la distance entre ce que pensent les uns des autres est infranchissable. » (COPPEL, 2002, p.96)

57 COPPEL, Anne. 2002, p.39 + p.55

Mais aussi, le statut de «non-consommateurs » de l’acteur de la réduction des risques va agir comme un miroir sur la personne toxicodépendante. Cela peut les aider à prendre du recul par rapport à leur consommation.