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L’usage de soi au travail : tension entre la reconnaissance de soi par soi-

autres

Dans ce chapitre, nous chercherons à comprendre la notion de continuité identitaire à partir du développement des activités, à la lumière des différentes théories de la clinique du travail, mais aussi de l’ergologie et de la philosophie. Nous explorerons les différentes conceptions du sujet et les instances de jugement dans la reconnaissance de soi, médiatisées par les activités. La problématique de la constitution des instances de jugement sera le point fort de ce chapitre.

Les contributions théoriques de la reconnaissance de soi médiatisée par l’activité

La perspective de la Psychodynamique du Travail

La question de la construction et de la continuité identitaire ou de la reconnaissance au travail a été initialement posée par la psychodynamique du travail. Son cadre théorique originairement constitué par l’alliance entre la psychopathologie du travail et la psychanalyse, s’éloigne de la première et redéfinit l’objet de sa recherche. Elle s’énonce alors psychodynamique du travail, en opérant un retournement épistémologique qui ne prend plus uniquement en compte les symptômes de pathologie et de souffrance au travail, mais davantage la « souffrance compatible avec la normalité et avec la sauvegarde de l’équilibre psychique (mais) impliquant toute une série de procédures de régulation » (Dejours, 1990 in Lhuilier, 2002 :28). Christophe Dejours (2007) inscrit ainsi la « centralité du travail », autant théoriquement qu'épistémologiquement, dans la formulation de sa discipline, comme « objet scientifique de la psychodynamique du Travail » (p.12). Ch. Dejours (1996) affirme la centralité théorique du travail autour de trois arguments :

- « D’abord parce que l’identité elle-même est le résultat d’une conquête qui passe par le travail, …. Reconnaissance qui inscrit le vécu du travail dans le registre de l’accomplissement de soi dans le champ social … »;- « Ensuite, parce que la subjectivité

57 même n’est pas donnée à la naissance. Elle est construite au prix d’une activité sur soi-même, sur son expérience vécue et sur ses déterminations inconscientes, que la psychanalyse désigne précisément par le concept d’Arbeit présent dans plusieurs concepts clefs : élaboration, perlaboration, travail du deuil, travail du rêve, etc.…. ;

- « Enfin parce que la psychodynamique du travail n’est pas une psychologie d’objet. Le travail ne figure pas ici au même titre que les objets spécifiques aux autres domaines de la psychologie… (Mais) précisément, la psychodynamique du travail n’est pas une psychologie du travail mais une psychologie du sujet ». (pp.7-8).

Pour les approches théoriques en clinique du travail, le travail serait « médiateur privilégié, sinon unique entre inconscient et champ social, d’une part et ordre singulier et ordre collectif d’autre part » (Lhuilier, 2002 : 29) permettant la compréhension du développement du sujet lui-même.

En s’appropriant le modèle de l’identité proposé par François Sigaut (1990), dans lequel l’identité subjective est construite à travers les interactions avec autrui, par l’intermédiaire du réel - le travail -, Ch. Dejours opère un dégagement de la dichotomie sujet-autrui, psychologique-sociologique, pour établir une dialectique à trois pôles qui introduit « le réel ». Selon Ch. Dejours (1996), « … le travail jusqu’ici repéré dans sa dimension d’objectivation et dans un système de coordonnées essentiellement sociales, …, apparaît maintenant comme central dans la réappropriation et la production de la subjectivité dans le monde psychique » (p.11).

Selon Pascale Molinier (2006), « le travail et sa reconnaissance par autrui occupent une place centrale dans la construction de l’identité » (p139). « En psychodynamique du travail,

l’identité est l’armature de la santé mentale… le concept d’identité a permis de problématiser le pouvoir mutatif du travail sur le sujet… » (Molinier, 2006 :131). C’est grâce à la confrontation au réel et à sa résistance, par la médiation du travail, que le sujet forge son identité. « L’identité qui est un vécu subjectif, a besoin d’objectivation pour être assurée….L’identité est indexée au réel. C’est à travers des actes instrumentés sur le réel que s’éprouve le lien entre le corps et le réel, parce que c’est au travers de ces actes que, s’objectivent et s’authentifient la nature et la qualité de ce lien, grâce auquel le sujet évite la folie » (Molinier, 2006 :139). Dans l’aliénation sociale, où le sujet rompt le lien avec le

58 jugement d’autrui, dans le triangle psychodynamique de l’identité, selon F. Sigaut (1990 ; in Dejours, 2003), « … le risque est de perdre ses repères, de vaciller et de basculer dans une pathologie mentale » (p.41). Cette reconnaissance par autrui autour des activités de traitement du réel est manifestement importante autant pour l’appartenance du sujet à un collectif, que pour son accès à l’accomplissement de soi et à l’identité.

L’enjeu de la reconnaissance par les autres au plan identitaire se situe tient à ce que la connaissance mobilisée pour travailler n’est pas toujours consciente pour le travailleur lui-même. Selon Ch. Dejours (2003), « [l]a connaissance du travail et du métier est une connaissance par corps, même si elle n’est pas symbolisée, si elle n’est pas visible, pas aisément transmissible, … et je pense que le plus insolite, il faut y insister, c’est que cette intelligence du corps est méconnue par ceux-là mêmes qui pourtant la mettent en œuvre constamment » (p. 23). Mettre en avant son savoir-faire à l’épreuve du regard des autres, c’est aussi exprimer la demande d’une place, d’une reconnaissance au sein du collectif de travail.

La construction identitaire proposée en psychodynamique du travail trouve ses racines dans le concept hégélien : ici, la base sociale est constitutive de la prise de conscience de soi. La constitution de la conscience de soi dérive d’une reconnaissance de l’autre, et de l’identification avec le désir de l’autre, formulations empruntées par la psychodynamique du travail dans la mobilisation du concept de la reconnaissance. Ces concepts seront explorés plus loin. Pour le dire autrement, « La théorie de l’identité en psychodynamique du travail a laissé de côté le registre intrapsychique... pour s’intéresser davantage au registre de l’intersubjectivité …. Dans cette perspective, l’identité personnelle est relationnelle. Le sujet, en effet, ne peut tenir sa cohérence seulement de lui-même. Ce qui confère le sentiment d’être soi passe par la confirmation des autres externes » (Molinier, 2006 :133).

Le rapport entre le sujet et le réel est indirect et passe ainsi par la reconnaissance (par autrui) du « faire » au travail (réel). La reconnaissance de ce faire est alors rapatrier vers l’ « être » (identité), ce qui participe ainsi à la fois à la construction identitaire du sujet et à son appartenance sociale/ collective. Pour ce faire, deux critères sont cruciaux dans la composition de la reconnaissance au travail : celui d’utilité et celui de beauté. Ces deux critères sont constitués dans des interactions, notamment avec la hiérarchie et entre les pairs. Le premier « … porte sur l’utilité technique sociale ou économique de la contribution ». Le

59 second « … porte cette fois sur la conformité avec les règles de l’art, avec les règles de métier, et est proféré par ceux-là même qui connaissent le travail de l’intérieur. C’est le jugement des pairs, le jugement, cette fois, est fondé bel et bien sur la référence au réel du travail, aux difficultés de la tâche et aux efforts déployés par le travailleur… » (Dejours, 2003 : 52).

Les manières de faire de chacun ne deviendront légitimes et source de subjectivation que s’ils ne sont mis en partage au sein du collectif de travail (Cru, 1995). Le collectif de travail serait un espace transitionnel ou encore « un système abstrait qui organise les signifiants » (Oury, 1986 : 136 ; in Cru, 1995 : 61) qui aurait pour fonction l’élaboration et l’intégration des règles, référées à une loi, pour affronter le réel. Cet espace permettrait que la contribution individuelle, ou « transgression » initiale, puisse acquérir une valeur symbolique, car assisse sur une reconnaissance sociale. Ainsi, ces échanges ont une valeur et une fonction symbolique et symboligène (Cru, 1995), c’est-à-dire, qu’ils créent un espace d’élaboration langagière face au réel du travail.

Selon Ch. Dejours (2003) « [t]ravailler n’est pas seulement produire, c’est aussi se transformer soi-même. Le ressort fondamental de la mobilisation dans le travail, c’est l’attente du sujet par rapport à l’accomplissement de soi » (pp. 51-2). La mobilisation de la subjectivité contribue à une double production : production d’objets (qui ne serait pas possible par la simple application des consignes et des règles) et production de soi (le sujet advenant à travers l’acte qui le rend présent). Travailler, selon Ch. Dejours (2003 :14) « c’est combler l’écart entre le prescrit et l’effectif … le travail se définit-il comme ce que le sujet doit ajouter aux prescriptions pour pouvoir atteindre les objectifs qui lui sont assignés ». En définitive, le sujet fait l’épreuve du réel dans ce qui lui résiste ; cela est ressenti affectivement. Ainsi, « travailler, c’est échouer » (Dejours, 2003 :14).

C’est bien l’échec des techniques face au réel, qui pousse le sujet dans sa créativité et son imagination, afin d’appréhender le réel (ce qui échappe à la symbolisation). « Le chemin à parcourir entre le prescrit et le réel doit être à chaque fois inventé ou découvert par le sujet qui travaille. Ainsi, (…) le travail se définit-il comme ce que le sujet doit ajouter aux prescriptions pour pouvoir atteindre les objectifs qui lui sont assignés » (Dejours, 2003 :14). En s’impliquant subjectivement, l’auteur déduit qu’« il n’existe pas de travail d’exécution »

60 (p.13), mais que travailler relève d’une dynamique qui repose sur le couple contribution- rétribution. « En échange de la contribution qu’il apporte à l’organisation du travail, chacun attend une rétribution… La rétribution qui compte le plus n’est pas sa dimension matérielle (salaire, primes, avancement, etc.) mais sa dimension symbolique. Cette dimension symbolique, celle qui nous fait travailler, s’exprime sous une forme majeure : la reconnaissance » (p.51). Ainsi, le processus d’appropriation subjective et créative des activités est possible à condition qu’elles prennent du sens pour le sujet, en se réalisant sous le regard d’autrui, où il est soumis à un jugement dans un espace public.

Cette relecture de la théorie de la psychodynamique du travail, et ses présupposés, nous conduit à souligner la fonction essentielle du réel comme tiers pour permettre une dialectique entre l’individuel et le collectif, l’intra-psychique et l’inter-psychique. Ce réel serait dialectiquement à la base de l’objectivation du sujet, de la production et de la transformation du monde ; il est constitutif de son identité, par le regard d’autrui sur son action (base matérielle sur laquelle portent les symbolisations sur le réel et qui sont capitalisés sur l’identité même du sujet de l’action).

Mais nous soulignerons ici la nécessité de ne pas réduire le travail à la sphère de l’emploi, ou aux activités circonscrites au monde du travail. D. Lhuilier (2002) signale pertinemment qu’on « ne peut pas dater la naissance du travail de celle d’une économie de marché qui fait de lui une entité abstraite indépendante de son contenu et conçue comme une marchandise échangée contre un salaire… Le salariat ne recouvre pas le tout du travail : le travail domestique, le travail bénévole, le travail syndical, politique… constituant autant de rappels de la nécessité d’une distinction entre les notions de travail et d’emploi. La question du travail ne s’arrête pas à la porte du monde du travail » (p.34). Ainsi, le hors travail théorisé dans la psychodynamique du travail nous semble limité : il n’est vu que comme susceptible d’ « être affecté » par l’activité professionnelle, ne constituant pas une source de transformation, d’objectivation de la subjectivité des sujets.

Ayant posé la non-exclusivité du travail salarié comme espace unique de rencontre avec le réel, médiateur entre le sujet et autrui, deux autres discordances également importantes apparaissent. D’une part, la place accordée à d’autres activités, sur lesquelles le sujet peut s’accomplir, en dehors du travail salarié (Lhuilier, 2002). Comment alors les inscrire dans

61 l’articulation entre la reconnaissance et la constitution identitaire ? Pour le formuler autrement, comment concevoir « la problématique de la reconnaissance comme rétribution morale-symbolique accordée au sujet en échange de l’engagement de sa subjectivité et de son intelligence » ? (Lhuilier, 2002 : 29). Ainsi, il nous semble important de signaler que le « travailler » qui porte sur le faire, doit être élargi à d’autres sphères de vie, mais aussi précisé dans une unité analysable des contributions diverses des sujets par la mobilisation de leur subjectivité.

D’autre part, on ne peut pas suivre Ch. Dejours lorsqu’il affirme qu’ « aucune continuité n’existe plus alors entre fonctionnement psychique individuel et fonctionnement de la société. Tout au plus, la continuité est-elle un idéal ou un fantasme individuel » (1996 in Lhuilier, 2002 : 30). La question de la reconnaissance dans la théorie de la psychodynamique du travail est subordonnée au regard d’autrui (par les critères de la beauté et de l’utilité). La reconnaissance de soi, dans le triangle proposé par Ch. Dejours (1996) « souffrance – tâche – reconnaissance » (p.11), n’est pas prise en compte: la dimension intra-psychique de la reconnaissance n’est pas traitée. Dans la dimension individuelle, la profondeur du sujet, son parcours, son histoire, d’autres groupes d’appartenance intériorisés comme des idéaux ne sont pas pris en compte dans la théorie de la reconnaissance que la Psychodynamique du Travail propose. La question d’une compatibilité entre la reconnaissance et les modalités de réalisation de soi n’est pas évoquée dans le triangle psychodynamique de l’identité. Le sujet inconscient semble être perdu dans la discussion de la reconnaissance, qui ne pèse que par sa dimension sociale. La dimension d’autrui équivaut à une extériorité du sujet, au prix d’un effacement de ses multiples identifications face à son action.

Ainsi, pouvons-nous revenir sur la question épistémologique dont Ch. Dejours nous semble faire l’économie ; en posant le tiers (réel = travail), la question de la primauté entre social et psychique est d’emblée résolue dans la psychodynamique du travail. Cette question nous semble délicate, puisque la dialectique ne peut être assurée que par une irréductibilité du psychique et du social. En cantonnant la reconnaissance comme composante externe à l’identité, dans le pôle « autrui », cette théorie nous semble opérer une réduction à la fois de la conception du social et de l’individuel.

62 De la même façon, la dimension sociale semble amputée dans la lecture de la psychodynamique du travail. Selon D. Lhuilier (2002) « Le social de la psychologie sociale clinique recouvre à la fois des rapports d’échanges (le symbolique) et des rapports de transformation de la réalité (praxis). Il ne vient pas qu’interdire, contraindre, réprimer. Il assure une fonction d’étayage essentielle à la construction du sujet et qui se révèle par défaut. Sur la scène sociale du travail, le « poids » du social ne se résume pas au cadre prescriptif. Le travail est réorganisé par ceux qui le réalisent et à cette occasion de nouvelles prescriptions sont construites, à la fois contraintes mais aussi ressources pour l’activité. Nous rejoignons ici la position de Yves Clot (1999/2006) qui souligne que « la vie sociale convoque le sujet plutôt qu’elle ne le repousse ». » (p. 30).

La reconnaissance de soi comme émancipation dans la perspective de l’Ecole de Frankfort

Axel Honneth (2007) se réfère à la pensée de Karl Marx en proposant une reprise du concept critique du travail. En délimitant la difficulté de K. Marx à mettre en lien les concepts de travail et d’émancipation, A. Honneth développe sa théorie dérivée des écrits de Jürgen Habermas, qui à son tour, propose l’agir communicationnel comme concept articulant travail et émancipation. Le concept d’agir communicationnel chez J. Habermas réhabilite la dimension de l’émancipation perdue dans les théories postmarxistes, mais il opère, du même coup, un déclin de la fonction du travail. Les dimensions économique et anthropologique que K. Marx attribuait au travail sont réappropriées dans le concept d’agir instrumental, chez J. Habermas. A. Honneth (2007) cherche à reprendre le concept critique du travail à partir des constructions de J. Habermas, mais également étant critique à son égard, en mettant en évidence les déplacements et les limites de sa théorie de l’agir communicationnel.

J. Habermas, selon A. Honneth (2007) « envisage l’action sociale comme un processus de communication dans lequel deux sujets orientent leurs actions à partir d’un accord symbolique qui porte sur une définition commune de leur situation… » (p. 49). Selon A. Honneth, « le concept d’agir communicationnel devient le concept clé du matérialisme historique et remplace ainsi, le concept de travail dans la théorie marxiste » (p. 50). Cependant, A. Honneth dénonce la distinction épistémologique que J. Habermas propose

63 entre l’agir communicationnel et l’agir instrumental, détachant ainsi le processus d’expansion du savoir technique du processus théorique de la formation d’une conscience émancipatoire.

Selon J. Habermas, « dans les structures de l’interaction médiatisée symboliquement, la connaissance morale est construite à partir des réalisations communicationnelles intuitives des sujets de l’action. Ce savoir moral conduit à la conscience les buts de la compréhension mutuelle qui sont contraires à ceux qui sont acceptés par les structures de l’action sociale » (2007 : 54). Cependant, pour A. Honneth (2007), « …l’existence d’un type de connaissance morale-pratique … n’est pas basée sur la conscience des relations de communication systématiquement distordues, mais sur l’expérience de la destruction des actions de travail dans le cours de la rationalisation des techniques de production. Cette conscience de l’injustice sociale qui se construit sur l’expropriation systématique de la propre activité de travail est cependant complètement négligée par les catégories de J. Habermas… » (pp. 54-5).

Selon A. Honneth (2007), J. Habermas a abandonné « les moyens catégoriels qui lui auraient permis de saisir de manière analytique la dissociation systématique de tout contenu de travail à partir des modes d’action instrumentale … Il applique le concept d’agir instrumental de manière non critique, chaque forme d’activité qui a quelque chose à voir avec le fait de manier un objet…. » (p. 53). Comme chez K. Marx, J. Habermas n’a pas rendu évidente la différenciation entre les types d’activité de travail. « En effet, le concept d’agir instrumental est basé sur la représentation d’une activité dans laquelle le sujet qui travaille contrôle et régule les manipulations de l’objet de son travail, mais J. Habermas ne systématise pas l’emploi de cette implication conceptuelle » (Honneth, 2007 :53). Le processus de réflexion émancipatoire, que J. Habermas suppose dans les actes de communication, passe par une relation d’interaction socioculturelle qui a été déformée, de manière à retrouver la visée immanente d’intercompréhension qui s’oppose à sa forme répressive d’organisation.

A. Honneth (2007), en revanche, se démarque de J. Habermas en signalant que ce n’est pas « la suppression des modes communicationnels de compréhension mutuelle » qui résulte « d’une blessure morale potentielle … mais à partir de l’expropriation des travailleurs de leur propre activité de travail. La connaissance qui prend forme sur la base de telles expériences s’incarne dans les activités de travail qui réclament leur autonomie, y compris au sein d’une réalité organisationnelle de relations de travail hétéro déterminées. Cette rationalité pratique,

64 qui naît de la réaction contre la dissolution technique et productive du contenu du travail de l’agir instrumental, confère sa logique propre à l’atteinte envers les normes et aux pratiques de résistance qui sont devenues le lot quotidien dans l’industrie capitaliste. Mais cette logique ne coïncide ni avec la logique de l’agir communicationnel tourné vers la coordination des actions intentionnelles visant l’entente mutuelle, ni avec la logique de l’agir instrumental tourné vers la domination technique des processus naturels … La connaissance morale, qui est systématiquement incarnée dans ces transgressions pratiques des régulations du travail, ne vise pas à libérer les travailleurs des obstacles à l’agir communicationnel, mais plutôt à leur émancipation des blocages dans l’agir instrumental » (p. 55-6). Une partie de la question de la reconnaissance est ainsi posée par A. Honneth. La visée de la reconnaissance de soi dans la sphère sociale se rapproche de la tradition française en sociologie du travail.

A. Honneth (2007) propose qu’« alors le travail industriel taylorisé et dépourvu de sens sera toujours accompagné par des résistances dans lesquelles les sujets qui travaillent cherchent de manière collective à reprendre le contrôle de leur propre activité. Ce qui caractériserait alors

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