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L ES TROUBLES OBSESSIONNELS COMPULSIFS CHEZ LES T ERRIERS

1. Définition

(Weiss 2002, Dodman et al., 1993 et 1996)

On décrit chez le chien, ainsi que chez d'autres mammifères, un syndrome caractérisé par des comportements répétitifs que l'on a nommé troubles compulsifs.

Une compulsion, au sens psychiatrique du terme, est un comportement qui doit associer les deux conditions suivantes :

- être un comportement que le sujet se sent poussé à accomplir en réponse à une obsession ou selon certaines règles qui doivent être appliquées de manière inflexible

- être destiné à neutraliser ou à empêcher un évènement ou une situation redoutée; cependant, ce comportement ou cet acte mental est soit sans relation réaliste avec ce qu'il propose de neutraliser ou de prévenir, soit manifestement excessif.

Les troubles obsessionnels compulsifs chez le chien ont été classés en deux catégories : - les comportements ambulatoires : tourner en rond, tournis autour de la queue

- les comportements oraux : sucement de flancs, mâchonnement de tissu, happement de mouches invisibles, pica, certains aboiements, certaines formes d'agressions (autoagressions, agressions d'objets inanimés), de polyphagie ou de polydispsie et granulome de léchage.

Un chien peut présenter un ou plusieurs de ces troubles compulsifs.

Par comparaison avec les stéréotypies des animaux de zoo, Goldberger, Rapoport et Luescher, cités par Weiss (2002), ont proposé une définition plus adaptée :

"Comportements qui apparaissent en général suite à des conflits, mais qui se manifestent en dehors des contextes normaux. Ces comportements peuvent partager une pathophysiologie commune (c'est-à-dire perturbations dans les systèmes sérotoninergique, dopaminergique et béta-endorphinique). Les troubles compulsifs paraissent anormaux car ils ont lieu en dehors de situations habituelles et normales, sont répétitifs, exagérés ou persistants."

L'apparition des comportements compulsifs serait donc initiée par une frustration ou un conflit, puis avec l'évolution du trouble, ces comportements surviendraient sans rapport avec l'état émotionnel primitif.

2. Description du trouble

(Moon-Fanelli et al., 1998)

Le trouble se traduit par un comportement qui peut être lent ou rapide. Par exemple, pour le tournis, le chien décrit des cercles avec une attention complètement dirigée sur la base de la queue ou il décrit des petits cercles très rapides sans que, cette fois, l'attention soit portée sur la queue.

Certains chiens ont une telle activité compulsive qu'ils ne s'arrêtent que pour manger ou dormir. C'est un comportement très gênant, avec beaucoup d'implications dans la vie familiale. C'est un comportement dérangeant pour toute la famille, réduisant les moments de jeu et d'exercice, conduisant à des chiens inattentifs, difficilement dressables, peu affectueux, parfois irritables et qui peuvent même s'automutiler. Beaucoup de propriétaires décrivent d'ailleurs que leur chien souffre, est anxieux ou frustré.

Ainsi, durant les épisodes de crise, le tournis est accompagné de gémissements ou d'aboiements.

Blackshaw et al. (1994) ont rapporté que dans leur activité de consultations comportementales, 4% des consultations avaient rapport avec une activité compulsive de tournis.

3. Relevé d'une étude rétrospective menée en Australie par Blackshaw, Sutton et Boyhan (1994)

A l'université de Queensland, en Australie, 809 chiens référés ont été amenés à la consultation pour des troubles comportementaux ; 32 cas (donc 4%) correspondaient à une activité de tournis (ce pourcentage est sans doute surestimé étant donné qu'il s'agit de cas référés). La distribution des cas selon le type racial figure dans le tableau 32.

Cette étude montre qu'il existe une prédisposition raciale car 56% des chiens examinés étaient des Bull terriers ou des croisements de Bull terrier.

Il a également été noté que 73% des Bull terriers étaient de couleur blanche, comme le Jack Russel terrier, le Caniche et le Westie. 55% des cas étaient des mâles non stérilisés et, à 69%, ce comportement anormal a commencé entre 3 et 4 mois d'âge, et tous avant l'âge d'un an.

Cette apparition précoce, touchant plus particulièrement certains types de chiens, suggère que l'influence environnementale n'apparaît pas comme un facteur majeur du développement de ce comportement.

Il n'a pas été noté de modification du tissu nerveux des chiens atteints autopsiés. Les hypothèses vont dans le sens d'une implication hormonale, biochimique et plus secondairement environnementale.

Tableau 32 : Répartition des cas de tournis au sein de plusieurs races de chiens (d'après Blackshaw, Sutton et Boyhan, 1994).

Bull

4. Origine des Troubles Obsessionnels Compulsifs

(Moon-Fanelli, 1998, Weiss, 2002)

D'un point de vue éthologique, il est possible que le tournis autour de la queue représente une forme de comportement de prédation ayant dérivé. Selon cette hypothèse, ce serait donc les races sélectionnées pour un comportement prédateur qui pourraient plus facilement développer ces images comportementales suite à une stimulation. Bien que le tournis autour de la queue puisse se développer dans plusieurs races, de nombreuses études rapportent la prédominance des races de terriers ou des chiens sélectionnés pour la garde des troupeaux. Il est intéressant de noter que sont parfois associés à ce comportement de tournis d'autres comportements qui apparaissent comme des composants de la séquence de prédation (tentative d'attraper des mouches inexistantes, mâchonnement, jeu obsessionnel avec une balle).

C'est un comportement qui apparaît généralement avec la puberté et qui n'est pas toujours pris au sérieux par les propriétaires qui interprètent au départ cette tendance comme un jeu.

D'autres causes de déclenchement peuvent aussi être mises en évidence; ce sont alors des expériences environnementales, psychologiques ou physiologiques :

- surstimulation : sons particuliers, expériences avec dépassement du seuil de tolérance

- situation stressante : défaut d'interactions sociales, d'activité, changements environnementaux.

Les chiens hyperactifs, excitables semblent être prédisposés à développer ces troubles.

Une autre hypothèse a été évoquée concernant l'origine de cette stéréotypie chez le Bull terrier. Le Bull terrier est la seule race atteinte de l'acrodermatite létale. Il s'agit d'une déficience héréditaire en zinc (caractère récessif). Une déficience en zinc durant la période prénatale et la période néo-natale du développement entraîne aussi des troubles du comportement (comportements d'agression, de fixation d'objet). Peut-on y voir ici un lien? La question est actuellement simplement posée.

5. Traitement des Troubles Obsessionnels Compulsifs

(Weiss, 2002)

La gestion des troubles compulsifs passe par des modifications comportementales et par l'emploi de substances pharmacologiques.

5.1 Thérapie comportementale

Dans un premier temps, il est conseillé aux propriétaires de supprimer toute interaction avec le chien pendant un laps de temps de 1 à 2 semaines et de n'interagir avec lui que pour le sortir et lui donner à manger.

Dans un deuxième temps, on réintroduira des relations avec le chien dans un cadre très strict, sur le modèle "commande-réponse-récompense". Toute tentative pour stopper le comportement répétitif comme les punitions ou les méthodes de contention qui ne peuvent qu'augmenter le stress de l'animal, seront abolies.

Il est fortement conseillé d'utiliser le contre-conditionnement : au moment précis où l'animal va effectuer son comportement compulsif, il est recommandé de le distraire et de lui donner un ordre incompatible avec le comportement compulsif (couché par exemple), et de récompenser le nouveau comportement.

5.2 Thérapie médicamenteuse

L'utilisation de substances pharmacologiques à cet effet n'a pas encore été beaucoup portée à l'étude. Les molécules les plus employées sont certainement les inhibiteurs du recaptage de la sérotonine, spécifiques ou non. La clomipramine, la fluoxétine, l'imipramine, la sertraline ont toutes démontrées leur action bénéfique. Luescher (cité par Weiss, 2002) recommande vivement un sevrage avant l'arrêt complet de la délivrance du psychotrope afin d'éviter un effet rebond qui pourrait faire réapparaître les symptômes d'une manière exacerbée.