CHAPITRE 8 : COOPERATION HOMME-‐MACHINE POUR L’ORDONNANCEMENT : LE
2 L A PLANIFICATION DE LA MAINTENANCE DE LA SIGNALISATION A LA SNCF 184
Au partir d’entretiens menés pendant la thèse (Guerin, 2009), nous avons cherché à décrire la réalité de cette situation d’ordonnancement pour les dirigeants de proximité du service de signalisation électrique générale (DPX SEG). Nous proposons ici d’en décrire les principales caractéristiques.
2.1 L’ACTIVITE D’ORDONNANCEMENT S’ARTICULE AUTOUR DE PLUSIEURS TACHES
L’activité d’ordonnancement du DPX SEG, au sens de l’affectation de ressources à des opérations de maintenance, est distribuée dans le temps. Cette tâche s’insère entre des appels téléphoniques (effectués ou reçus), des consultations et envois d’emails, des consultations de différents logiciels, des déplacements sur des chantiers, diverses réunions, etc. Toutes ces tâches permettent notamment au DPX SEG de :
− Recueillir des informations. Par exemple, au cours d’une réunion de coordination, il apprend que des travaux prévus par le service de la voie vont nécessiter une procédure d’arrêt de circulation des trains. A partir de cette information, il va ordonnancer certains travaux de signalisation en parallèle. De l’information est également recueillie lorsqu’un courriel indique au DPX SEG qu’un de ses agents est convoqué pour une visite médicale. Le jour de la visite, cet agent ne pourra donc pas être affecté à une opération de maintenance.
− Négocier. Par exemple, il négocie par téléphone avec un de ses agents SEG pour qu’il intervienne sur un incident technique. Il peut aussi négocier avec son collègue de la voie la disponibilité d’un agent voie (annonceur)25 pour les besoins d’un chantier qu’il coordonne, etc.
2.2 L’INCERTITUDE DES INFORMATIONS ET LA GESTION DES ALEAS
L’activité d’ordonnancement du DPX SEG est réalisée dans un contexte où des informations peuvent être incomplètes voire incertaines. Au cours d’une réunion par exemple, le DPX peut apprendre que des travaux d’investissement26 sont prévus, et qu’ils nécessiteront des besoins en agents SEG. Toutefois ni la période ni le nombre d’agents SEG ne lui sont
25 Agent de la voie habilité pour annoncer l’arrivée d’un train.
26 Par exemple les GOP (grosse opérations programmées : renouvellement de voie et de ballast,
précisés. Il va devoir considérer ces informations incomplètes, puisqu’il existe un risque pour que la réalisation de ce chantier d’investissement remette en question l’état actuel (ou futur) de son ordonnancement.
Le contexte de l’ordonnancement ferroviaire est également marqué par la gestion de nombreux aléas qui peuvent conduire à des modifications plus ou moins profondes de l’ordonnancement en cours :
− Aléas liés à des incidents techniques. Il s’agit de dysfonctionnements d’installations de signalisation liés par exemple à un phénomène climatique ou à des actes de vandalisme. Ce type d’aléa nécessite pour le DPX SEG d’ordonnancer une maintenance corrective27. Par ailleurs, au cours de la maintenance préventive systématique3, les agents de terrain peuvent repérer sur les infrastructures ferroviaires des éléments défaillants qui n’ont pas d’effet sur la sécurité des trains. L’information est alors transmise au DPX qui ordonnancera ensuite des opérations de maintenance préventive conditionnelle3. − Aléas liés à l’indisponibilité de ressources (matérielles ou humaines). Du point de vue des
ressources humaines on peut citer par exemple : un agent SEG absent pour congé maladie, un agent SEG devenu indisponible car “prêté” pour des besoins externes à la maintenance de la signalisation28. Du point de vue des ressources matérielles, le retard d’un train peut remettre en cause la disponibilité d’une voie pour réaliser des opérations de maintenance.
2.3 LA GESTION DE CONTRAINTES DANS L’ORDONNANCEMENT DES OPERATIONS DE MAINTENANCE
L’activité d’ordonnancement nécessite pour le DPX SEG de gérer une multitude de contraintes, essentiellement de nature temporelle :
− Date d’échéance. Par exemple, la liste des opérations de maintenance préventive systématique (MPS) est générée automatiquement par un logiciel qui prescrit la date d’échéance29.
− Succession d’opérations. Par exemple, certains travaux nécessitent au préalable la réalisation de plusieurs opérations.
− Disponibilité de ressources. Par exemple, outre la disponibilité d’agent(s) SEG (ressources humaines), certaines opérations de MPS30 nécessitent la disponibilité de la voie (ressource matérielle). L’ordonnanceur doit donc mettre en place une procédure d’arrêt de circulation des trains en respectant des délais pour faire sa demande. Pour
27 Différents types de maintenances existent : corrective (suite à un incident), préventive systématique (selon
une périodicité), préventive conditionnelle (suite à une maintenance préventive systématique).
28 Par exemple pour les besoins du service de maintenance de la Voie, ou encore pour accompagner une visite
de sécurité qui nécessite un agent SEG habilité pour manipuler certaines installations électriques. Parfois ces demandes externes se font tardivement et sont alors subies par le DPX SEG.
29 Cette date n’est pas entièrement définie puisque le logiciel ne prescrit que le mois de réalisation. A cette
date prescrite s’ajoute une durée tolérée de dépassement. Trois durées permettent de distinguer des opérations “critiques” (30 jours), d’opérations “moins critiques” (60 ou 90 jours).
30 La plupart des opérations de MPS sont exécutées de manière autonome par les agents SEG, sans
Chapitre 9 : Perspectives : la planification des travaux de maintenance ferroviaire
certaines opérations, d’autres ressources matérielles (ex. : nacelle élévatrice) ou humaines (annonceurs, conducteurs travaux, etc.) peuvent également être requises. D’autres types de contraintes ont également été évoqués au cours des entretiens :
− Compétences d’un agent. L’affectation d’un agent SEG sur une opération nécessite de considérer son habilitation à réaliser l’opération (ex. : manipuler des installations électriques à très haute tension). Le maintien des compétences passe par des formations qui doivent être à jour.
− Contraintes “sociales”. Certaines opérations nécessitent que plusieurs agents travaillent en équipe. Dans la composition des équipes, l’ordonnanceur peut considérer les “incompatibilités d’humeurs”.
2.4 LE SYSTEME DE REPRESENTATION ET DE TRAITEMENT EXTERNE UTILISE
Pour représenter leur ordonnancement, la plupart des DPX SEG utilisent des planning “faits maison” sur Excel®. Sur ce type de représentation apparaît généralement en ligne le nom des agents et en colonne les jours de la semaine (figure 32).
Figure 32 : Exemple de SRT externe utilisé par un DPX SEG. En lignes apparaît le nom des agents SEG et en colonnes les jours de la semaine. Les cases du planning représentent l’affectation d’un agent à une tâche ou une indisponibilité (repos, congé, visite médicale, etc.). Il n’existe pas d’homogénéité entre DPX SEG quant à l’utilisation des intitulés et des
codes couleurs.
L’utilisation de ce Système de Représentation et de Traitement (SRT) externe n’est pas homogène chez tous les DPX SEG. Les entretiens et les observations réalisées nous ont permis de mettre en évidence la nécessité de rendre visibles certaines informations par un code couleur propre à chaque utilisateur (par ex. : surligner en rouge les opérations nécessitant une demande d’interception de la voie réalisée au moins 3 semaines avant la
date prévue). Ce type de comportement est lié à la problématique de la visibilité des contraintes que nous chercherons à examiner dans ce projet de recherche.