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Partie 2. Phénomène d’émission induite par agrégation moléculaire (AIE) des complexes à

1.2 L’AIE

1.2.1 Introduction et mécanisme

L’efficacité d’un dispositif OLED est en partie limité pas le rendement quantique du pigment sur sa couche d’émission. Le rendement quantique (FPL) nous indique avec quelle efficacité le pigment produit de photons et il est défini à l’équation 2. On s’en sert pour évaluer le caractère luminescent d’un pigment en solution, en poudre et en couche mince.

FPL= "#$%. ()*+*", 0#,*$#é,"#$%. ()*+*", é./, (équation 2)

Les luminophores sont souvent de molécules possédant une structure chimique avec cycles aromatiques ayant une délocalisation π étendue, ce qui leur donne une géométrie plane et rigide. Ce type de molécule a un FPL élevé lorsque les molécules sont dans une solution diluée. Cependant, leur luminescence diminue et peut disparaitre complètement lorsque la concentration de ces molécules augmente. Ce phénomène est connu comme l’auto-désactivation de l’émission par agrégation ou aggregation-caused quenching (ACQ). À l’état solide, l’ACQ est un problème majeur, car le FPL diminue; ceci rend plus difficile leur utilisation dans des applications d’émission à l’état solide comme les OLEDs. Il est donc prioritaire d’empêcher ce type de désactivation pour obtenir de dispositifs de haute efficacité. Comme mentionné antérieurement, une des techniques les plus employées pour contrecarrer l’ACQ est l’utilisation d’une matrice dans la couche d’émission. Cette dernière distribue les molécules sur le film en les éloignant les unes des autres en empêchant leur autodésactivation.1 Un autre moyen très

intéressant est l’utilisation des composés capables d’émission induite par agrégation moléculaire ou aggregation-induced emission (AIE). Ce type de molécules sont habituellement peu ou pas luminescentes en solution, mais à l’état solide leur luminescence est activée.2

Figure 12. Différence entre ACQ et AIE. Inspiré de référence 3.

La Figure 12 nous résume qualitativement ce qui se passe lors de la formation d’agrégats. Dans le cas de l’ACQ, favorise la désactivation de l’émission par collision entre les molécules. À l’état solide la planéité des molécules favorise l’empilement π des cycles aromatiques, les agrégats seront donc formés de façon très organisée et les anneaux aromatiques seront très proches les uns des autres. Ce type d’interaction est très stabilisante car une meilleure délocalisation électronique est possible. Cette proximité des molécules augmente les possibilités de désactiver l’état excité des luminophores ACQ de façon non radiative. À l’opposé les luminogènes AIE ont souvent une géométrie plus flexible. Ceci permet à la molécule une grande liberté de mouvements de rotation et vibration en solution. Ce type de mouvements permettent la facile désactivation de la luminescence. Les molécules avec ce type de géométrie sont donc très peu ou pas émissives en solution et auront un bas FPL. Lorsque ce type de molécule forme des agrégats, cette nouvelle conformation à l’état solide impose des restrictions de mouvement intramoléculaire limitant alors la probabilité de rotation et vibration moléculaire. Ainsi, les voies pouvant désactiver la luminescence par ces chemins non radiatifs sont bloquées et ces agrégats deviennent donc émissifs. L’AIE offre donc la possibilité aux molécules normalement non émissives en solution d’émettre à l’état solide. Un luminophore ACQ se différencie donc d’un luminogène AIE par le fait que le premier est émissif uniquement sous forme d’une molécule unique. L’AIE comparativement à l’ACQ est un phénomène observé récemment et dont il reste encore beaucoup de recherche à faire.4

Molécules

émissives Désactivation de la luminescenceACQ

Molécules non-émissives AIE Activation de la luminescence Agrégation Agrégation Favorise l’empilement π à l’état solide Géometrie plane et rigide Géometrie flexible et torsionée Empilement π non-efficace et restrictions de mouvement moléculaire à l’état solide

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1.2.2 Design moléculaire

Figure 13. Comportement ACQ du complexe Alq3. Les mesures ont été effectuées dans

un mélange MeOH/eau à différents ratios. La concentration est de 10-4 M avec

lexc = 310 nm.

Pour obtenir les propriétés AIE désirés, le design des molécules s’avère une étape cruciale au développement des nouveaux luminogènes-AIE. À la Figure 13, il est possible d’observer le comportement ACQ du complexe Alq3. Pour ce dernier, l’émission est plus intense lorsque le

complexe est complètement soluble dans le méthanol à faible concentration; à l’ajout d’un non- solvant tel que l’eau, des agrégats se forment et l’intensité d’émission diminue. Lorsque l’on regarde en détail la géométrie du complexe Alq3, on remarque que le ligand est composé de

cycles aromatiques planaires qui à l’état solide pourraient favoriser l’empilement π et ainsi désactiver la luminescence.4 Les luminogènes-AIE de leur côté comportent souvent des torsions

qui empêchent ce type d’empilement à l’état solide. Ils peuvent aussi comporter des liaisons multiples, des hétéroatomes des tailles variées, ou des groupements stériquement encombrants qui pourraient à leur tour restreindre les mouvements de rotation et/ou de vibration intramoléculaires et favoriser l’émission à l’état solide. Pour trouver un bon luminogène-AIE, il faut trouver l’équilibre entre flexibilité et rigidité. Dans le cas plus spécifique des complexes métalliques, un ligand non émissif en solution possédant le bon type de géométrie pourrait tirer profit de la coordination avec le centre métallique pour rigidifier sa structure et restreindre ainsi ses mouvements intramoléculaires. Le complexe pourrait posséder des caractéristiques AIE et

0 100 200 300 400 500 600 700 800 420 470 520 570 620 670 720 In te nsit é (u.a .) Longueur d'onde (nm) 50% 70% 80% 85% 90% 95% Fraction d’eau (%) O O Al N N O N !max= 529nm

être émissif à l’état solide, car le ligand sera maintenant obligé de rester dans une certaine conformation.

Figure 14. Exemples de molécules ACQ et AIE.4-5

Quelques exemples de molécules ACQ et AIE sont présentés à la Figure 14. Pour trouver un bon design moléculaire favorisant l’AIE, il faut comprendre d’abord les mécanismes qui déclenchent l’ACQ. De cette façon, on peut apporter les modifications structurelles nécessaires aux molécules pour les rendre émissives à l’état solide. Les opportunités de trouver des excellents pigments pour OLED sont encore plus intéressantes si en plus de cela on utilise des stratégies de design moléculaire pour obtenir des complexes non seulement fluorescents, mais aussi phosphorescents ou ayant des propriétés TADF.6

1.2.3 Applications

Dans le domaine des dispositifs électroluminescents, les luminogènes-AIE sont d’un grand intérêt non seulement parce qu’ils permettent de simplifier le processus de fabrication des dispositifs (dopage non requis), mais aussi, car ce type de pigment permettrait d’obtenir une couleur d’émission plus stable et des films plus uniformes et reproductibles.6a Le comportement

des pigments AIE dans les dispositifs OLED n’est pas encore bien compris et reste relativement

N Ir N N O O Al N N O N Zn O N O N N N B F F N N ACQ-luminophores Zn O N O N N N O O N Ir N N N N B F F AIE- luminogènes

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peu étudié. L’émission des luminogènes-AIE peut être perturbée par les différents types d’interactions moléculaires à l’état solide et la morphologie des films nécessite d’une étude approfondie. Ce type de pigment ayant un comportement d’émission peu conventionnel ne devrait donc pas être traité et étudié de la même façon que les pigments couramment utilisés. D’autres types d’applications peuvent aussi être envisagés pour l’utilisation des luminogènes-

AIE et ce dans plusieurs domaines des sciences et technologies tels que l’imagerie médicale, les

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