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CHAPITRE 3. PRÉSENTATION DES DONNÉES

3.1. Kangra

3.1.2. L’organisation territoriale

Les habitants du district de Kangra distinguent quatre micros-régions géographiques sur leur territoire : Palam, Changer, Dhar et Bir-Bangahal. Les deux premières, Palam et Changer, occupent l'essentiel de la vallée et bénéficient des terres les plus fertiles. Pallam est particulièrement avantagée en raison de l'irrigation de la moitié (49,4%) des surfaces agraires, une proportion élevée pour les environs.

Les quatre régions correspondent globalement aux talukas, les divisions administratives jadis imposés par les rajas. Dépourvues de toute fonctionnalité depuis la période coloniale, ces divisions n'en demeurent pas moins l'objet d'un certain patriotisme local. Parry note ainsi que

[…] de légères différences de vocabulaires et des variations mineures quant aux habitudes alimentaires distinguent les habitants de Dhar, par exemple, de ceux de Palam. Les résidents de Palam éprouvent une grande fierté à l'idée d'être plus « cultivés » que les paysans rustres de Dhar; tandis que les habitants de Dhar aiment à penser que les gens de Palam sont plutôt doux et efféminés. (p. 17, traduction libre)

L'importance accordée à ces différences, souligne toutefois l'auteur, serait minimisée en présence d'un étranger : « les gens de différentes parties du district tendent alors à resserrer les rangs et à mettre l'accent sur leur style de vie commun » (ibid, traduction libre).

Kangra ignore par ailleurs l'existence de villages nucléaires. La plus petite entité administrative à l'échelle locale est le tika – un hameau qui consiste en « un site résidentiel (abadi), une aire de terres arables (masrua) et une surface de terres en friche24 (shamlat) » (p. 18). Un notaire désigné (patwari) conserve le relevé des différents droits de propriété ainsi qu'une carte géographique pour chaque tika. Parry note cependant que les frontières de cette entité ne sont pas clairement définies. Il n'est pas rare, mentionne-t-il, de rencontrer des résidents qui ne savent pas exactement à quel tika ils appartiennent. Ce flou résulterait de ce que les frontières des tika, qui furent définies par les Britanniques, ne correspondaient que vaguement aux démarcations des unités administratives précédentes. Les administrateurs coloniaux tentèrent d'ailleurs d'imposer un titulaire (headman) responsable du tika, mais sans succès. Parry écrit enfin qu'il « n'est donc pas surprenant que le tika ne reçoive aucune reconnaissance sociale et qu'il n'y ait aucun rituel au cours duquel ses membres se réunissent. » (ibid.)

Les tikas (de deux à dix en moyenne) sont rassemblés sous un même mauza, ensemble responsable de la gestion fiscale. C'est le lambedar, un homme influent servant d'intermédiaire entre les locaux et la bureaucratie, qui s'occupe de collecter les impôts en plus de faciliter les enquêtes policières et de recommander les candidatures pour l'obtention d'emplois au sein de la fonction publique. Si son poste, mentionne Parry, est héréditaire, le lambedar est néanmoins toujours sélectionné parmi les plus importants propriétaires fonciers du mauza – le gouvernement s'assure ainsi de l'influence locale de son représentant (p. 26). Enfin, malgré son importance économique et sociale, le mauza ne serait l'objet d'aucun attachement identitaire notable (ibid.).

C'est le narar – un regroupement de ménages voisins (house-cluster) – qui s'avère beaucoup plus significatif sur le plan des relations sociales. Un tika comporte généralement plusieurs narar, chacun d'eux se composant de deux à vingt maisons. Les différents quartiers sont habituellement séparés les uns des autres par une friche. Encore une fois, Parry souligne que les frontières de ces entités sont souvent ambiguës. Nul représentant, nul office ne chapeaute le narar, et aucune propriété collective n'y est associée. Selon l'auteur, il s'agit donc « d'un groupe territorial plutôt indistinct qui se définit essentiellement par l'interaction de ses membres » (p. 20, traduction libre).

Les rapports de voisinage au sein d'un même narar joueraient néanmoins un rôle crucial dans la vie quotidienne des habitants. Parry mentionne ainsi que :

Peu importe leur caste, les membres d'un même quartier sont considérés comme voisins […] Advenant une mort, un mariage ou quelque rituel d'importance au sein du narar, chaque maisonnée doit prendre part aux préparatifs. Les membres doivent également pratiquer le bartan (des transactions basées sur des relations d'amitié qui s'expriment par l'échange réciproque de vêtements et d'argent lors des mariages et des funérailles). (p. 20, traduction libre)

Cette description présente cependant une vision plutôt idéalisée de la réalité : dans les faits, l'auteur souligne que les contentieux liés à propriété foncière et les accusations de sorcellerie sèment souvent la zizanie entre les membres du narar (p. 20).

Si les membres d'un narar appartiennent souvent à la même caste, mentionnons que ce n'est pas toujours le cas25. De manière générale, toutefois, un narar tendrait à être essentiellement composé d'un 25 À ce propos, le peu de détails fournis par Parry concernant la composition des narar est regrettable, car la composition

seul « lignage agnatique » ou encore d'un seul « groupe agnatique » (l'auteur utilise sans distinction les deux expressions). Ce « groupe agnatique », explique Parry, résulte des scissions répétées des familles- jointes : après la partition suivant (normalement) la mort du père, les enfants s'établissent à proximité de leurs plus proches agnats. Aussi, bien que le narar intègre parfois des non-agnats, c'est le « lignage » dominant qui lui donne généralement son nom. Bref, malgré certaines exceptions indéniables, un narar serait généralement composé d'un seul « groupe agnatique ».

Enfin, le flou entourant les frontières de chacune des entités territoriales et l'absence de propriété collective portent Parry à conclure que « les frontières territoriales ont généralement peu d'importance sur le plan social » (p. 21, traduction libre).

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