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L’ OPERATION DU STADE M AURICE B OYAU

Dans le document Le Président Bordeaux, le 29 novembre 2013 (Page 30-35)

4.2.1 Origine et consistance du projet

Le stade Maurice-Boyau, inauguré le 11 novembre 1958 et implanté à proximité immédiate du centre-ville de Dax, est notamment dédié à l’accueil des compétitions auxquelles participe l’US Dax Rugby Landes. Son inadaptation aux exigences du rugby professionnel avait d’abord conduit la commune à envisager sa reconstruction en périphérie. Des terrains avaient même été acquis à cet effet en février 2008 par la municipalité alors en fonction (à un prix de 6,4 M€ très supérieur à l’estimation des services des Domaines fixée entre 3,6 et 4 M€). La nouvelle équipe élue en mars 2008, ayant considéré que ce projet n’était pas financé et souhaitant en tout état de cause maintenir le stade à son emplacement actuel, avait pu obtenir d’un syndicat mixte constitué pour l’occasion avec le département des Landes et la Communauté d’agglomération du Grand Dax qu’il rachète les terrains en cause à la ville de Dax à prix coûtant pour y implanter un pôle technologique.

39 Cour administrative d’appel de Lyon, 12 juillet 2007, n° 06LY02105 et 06LY02107, ville de Lyon ; il est préconisé, pour calculer la redevance, de prendre en compte la valeur locative de l’équipement mis à disposition (éventuellement affectée d’un abattement destiné à prendre en compte la précarité de la mise à disposition consubstantielle à toute occupation du domaine public) et les coûts de toute nature supportés par la collectivité pour son fonctionnement (entretien, gardiennage, amortissement), ainsi que les avantages retirés par le club de l’exploitation du stade (éventuel intéressement de la collectivité aux recettes procurées par la billetterie, la vente de produits dérivés ainsi que la commercialisation de loges et d’espaces publicitaires).

40 le projet de BEA communiqué à la chambre prévoit le versement à la commune d'une redevance de 50 000 € HT par la SAS Maurice-Boyau, preneur du bail, laquelle refacturera ce montant au club résident, c'est-à-dire à la SASP

Le 25 juin 2009, le conseil municipal de Dax a donc voté le principe du réaménagement sur place du stade Maurice-Boyau, avec une capacité portée à 10 000 places assises et couvertes41, ainsi que des espaces spécifiques dédiés aux partenaires (loges « VIP », salles de réception), aux médias, à l’administration du club, à l’entraînement de l’équipe professionnelle et à la formation des jeunes espoirs.

Cependant, faute de moyens suffisants pour porter elle-même ce projet, la commune a choisi d’en confier la réalisation et le financement à des opérateurs privés, tout en l’intégrant à une opération urbanistique plus large (la revitalisation du « cœur de ville »), selon un montage complexe décrit ci-après.

4.2.2 Un montage complexe de l’opération

Le montage retenu à l’origine pour l’opération « Maurice-Boyau » se caractérise par une logique économique globale, même s’il comporte deux volets sur le plan juridique :

- un volet qualifié de public par la commune, réalisé sur son domaine public, associe une délégation de service public (DSP) et un bail emphytéotique administratif (BEA) régissant respectivement l’exploitation et la mise à disposition du stade en vue de sa reconstruction;

- un volet qualifié de privé par la commune, réalisé sur son domaine privé, prévoit la délivrance d’un bail à construction en vue de l’aménagement d’une zone de développement économique multi-activités (commerces, bureaux, équipements de sport, loisirs et culture) sur des terrains attenants au stade accueillant jusqu’ici diverses installations sportives42, afin de renforcer l’offre commerciale en centre-ville.

Afin d’assurer « une parfaite cohérence entre le projet sportif et le projet économique », selon les termes mêmes de la délibération du conseil municipal du 30 juillet 2009, le titulaire de la DSP, également preneur du BEA, se voit reconnaître par la commune un « droit de préférence » pour l’attribution du bail à construction.

En effet, la reconstruction du stade mise à la charge du délégataire ne pouvant (compte tenu de son coût évalué à 21 M€) être financée par les seuls revenus de l’exploitation de l’équipement43, il était « indispensable », aux dires mêmes des autorités municipales, de permettre à cet opérateur de réaliser également l’opération commerciale voisine sous bail à construction, afin qu’il puisse affecter les profits de cette dernière (tirés de la location des immeubles construits) au remboursement des emprunts souscrits par lui pour financer les travaux du stade.

Le « droit de préférence » ainsi consenti par la commune au délégataire pour l’obtention future d’un bail à construction lui offrant la possibilité d’aménager 8 000 m² de surfaces commerciales et tertiaires constitue incontestablement un avantage financier participant pleinement de l’équilibre économique du contrat de DSP-BEA.

41 au lieu des 15 000 places existantes, majoritairement debout et non couvertes (6 000 places assises)

42 « friche sportive » comprenant l'ancienne piscine municipale fermée en raison de sa vétusté, un jaï-alaï et un fronton ; un nouvel espace multisports sera réalisé sous maîtrise d’ouvrage communale dans le quartier de Saubagnacq pour accueillir l’ensemble des activités sportives amateurs appelées à quitter le site Maurice Boyau

43 revenus au premier rang desquels on trouvera la redevance qui sera versée au délégataire par la SASP US Dax Rugby Landes, club résident du stade, une fois ce dernier rénové ; elle pourrait atteindre 500 K€ par an

4.2.3 Une réalisation à ce jour contrariée

Le projet de réhabilitation du stade Maurice Boyau, pourtant présenté comme urgent lors de son lancement en 2009, a subi des vicissitudes diverses et variées, au point que les travaux n’ont toujours pas commencé à ce jour.

Bail emphytéotique administratif et délégation de service public relevant d’un même ensemble contractuel, ils ont fait l’objet d’un même appel à la concurrence44, le délégataire devant être chargé à la fois de la reconstruction du stade et de son exploitation.

En vertu de l'article L.1311-2 du CGCT, dans sa rédaction en vigueur en 2009, « un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale » peut, en effet, « faire l'objet d'un bail emphytéotique prévu à l'article L.451-1 du code rural en vue de l'accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d'une mission de service public ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence (…) ou en vue de la réalisation d'enceintes sportives ». Un tel bail emphytéotique administratif, d’une durée légale comprise entre 18 et 99 ans, peut porter sur une dépendance du domaine public comme un stade45.

En l’espèce, le bail emphytéotique administratif envisagé pour une durée de 30 ans devait avoir pour objet la mise à disposition, moyennant redevance à la charge du preneur46, du stade Maurice Boyau en vue de sa réhabilitation, l’ensemble des constructions et aménagements réalisés revenant gratuitement à la collectivité à l’expiration dudit bail.

Dans un premier temps, la délégation de service public47 confiant à la « Société par actions simplifiée [SAS] Maurice-Boyau » l’exploitation du stade a été approuvée par le conseil municipal le 30 septembre 2010, suite à un appel à la concurrence n’ayant suscité que deux candidatures, aux profils très hétérogènes. En effet, alors que l’opérateur finalement retenu est un groupement constitué spécialement pour l’occasion sous forme de SAS entre la SASP US DAX Rugby Landes (club résident du stade) et un leader du BTP la société VINCI48, le seul autre candidat à avoir présenté une offre était un petit bureau d’études de la région parisienne, faiblement pourvu en collaborateurs et en expérience.

44 aux termes de l'article R.1311-2 du CGCT (résultant du décret n° 2011-2065 du 30 décembre 2011 qui n’existait pas à l’époque des faits de l’espèce mais qui est venu codifier une jurisprudence antérieure [avis CE 356101 du 16 juin 1994 ; CE, 10 juin 1994, Ville de Cabourg 141633), la conclusion d’un BEA doit être précédée de mesures de publicité et de mise en concurrence lorsque ce dernier est accompagné d'une convention non détachable constituant un marché public, une délégation de service public, un contrat de partenariat ou une concession de travaux publics

45 la domanialité publique des stades est reconnue par le juge administratif en raison de leur affectation à l’usage du public (CE, 13 juillet 1961, Ville de Toulouse).

46 50 000 € HT par an

47 il appartiendrait au juge administratif, s’il en était saisi, de se prononcer sur la pertinence de la qualification de délégation de service public retenue en l’espèce compte tenu de l’affectation prédominante du stade Maurice Boyau à l’accueil de spectacles de sport professionnel (même si la commune envisage qu’y soient également organisés d’autres

« événements sportifs, culturels et économiques ») ; en effet, le Conseil d’Etat a récemment écarté cette qualification de délégation de service public au profit de celle de convention d’occupation domaniale dans une affaire voisine portant sur les conditions d’occupation d’un stade appartenant à la ville de Paris par un club de rugby professionnel (CE, 3 décembre 2010, «ville de Paris et Association Paris Jean Bouin », 338272 et 338527)

48 détenteurs respectivement de 99,9% (SASP) et 0,1% (VINCI) du capital de la SAS, alors limité à 10 000 €

Il est vrai que ni l'avis d'appel public à candidatures lancé le 12 août 2009 en vue de l’exploitation et de la réhabilitation du stade Maurice Boyau ni d’ailleurs le cahier des charges afférent à cette délégation49 ne faisaient mention de la préférence susceptible d'être donnée au futur délégataire du stade pour l'obtention d'un bail à construction portant sur les terrains voisins en vue de la réalisation d’une zone multi-activités. Le silence ainsi gardé sur un paramètre aussi essentiel à l’équilibre financier de l’opération n’était sûrement pas de nature à favoriser les candidatures extérieures alors que les acteurs locaux en étaient, pour leur part, parfaitement informés, le conseil municipal ayant acté ce « droit de préférence » par une délibération du 30 juillet 2009 dont la presse locale s’était faite l’écho50.

En tout état de cause, alors qu’il était prévu que le bail emphytéotique administratif appelé à régir la reconstruction du stade soit attribué concomitamment à la convention d’exploitation constituant son complément « indissociable »51, seule la délégation de service public afférente à cette exploitation a été formalisée à ce jour, la signature du bail précité se faisant toujours attendre. Si les contraintes résultant de diverses prescriptions d’urbanisme ont pu différer la délivrance de l’autorisation de construire et donc la signature du BEA, comme le soutient la commune dans sa réponse au rapport d’observations provisoires, il apparaît que l’absence de démarrage de ce chantier trouve surtout son origine dans les difficultés de l’opérateur retenu à dégager le financement nécessaire à l’ensemble de l’opération.

On observe un retard analogue dans le lancement de l’opération d’aménagement commercial qui devait contribuer au financement des travaux du stade (cf. supra). Aucune réalisation n’a, en effet, été engagée à ce dernier titre depuis que, le 15 décembre 2010, le conseil municipal a émis « un avis favorable de principe » à la signature d’un bail à construction avec la SAS Maurice Boyau en vue de la mise à disposition des terrains jouxtant le stade aux fins d’y aménager une zone multi-activités52.

La réponse produite à la chambre par la commune le 30 mai 2013 tirait d’ailleurs argument de ces difficultés de la SAS Maurice Boyau à se procurer « les financements bancaires nécessaires au bouclage de l’opération » pour justifier l’absence de signature du bail emphytéotique administratif, la commune indiquant toutefois que « cette recherche de financement devrait cependant aboutir prochainement grâce à l’entrée au capital de la SAS Maurice Boyau de la société REDADIM et par la substitution de cette société à la SAS Maurice Boyau pour la signature du bail à construction de la partie commerciale du projet ». Elle précisait également que cette substitution avait été soumise à l’approbation du conseil municipal le 29 mai 2013 et qu’une convention tripartite à intervenir entre la commune de Dax, la SAS Maurice Boyau et la société REDADIM fixerait « les obligations de chacune des parties ».

49 au demeurant remis aux seuls candidats admis à présenter une offre

50 la circonstance que les sociétés admises à présenter une offre aient finalement été informées de ce « droit de préférence » par courrier du 7 décembre 2009 n’est pas de nature à purger l’atteinte portée initialement à l’égalité des candidats dès lors que cette information est intervenue postérieurement à la date limite de dépôt des candidatures fixée au 22 septembre 2009

51 selon réponse de la commune au rapport d’observations provisoires

52 bail à construction dont la durée devrait atteindre 50 ans et la redevance annuelle versée à la commune 50 000 € HT

La commune ajoutait qu’ « une fois ces formalités accomplies et l’autorisation de créer [l’]espace commercial obtenue de la CNAC53, la SAS Maurice Boyau et la société REDADIM pourront déposer le permis d’aménagement de la zone et les permis de construire correspondants » et que « l’opération pourrait débuter par la démolition de certains bâtiments dès la fin de l’année 2013, la réhabilitation du stade et la construction de l’espace multi-activités devant quant à elles débuter à l’été 2014 ».

Toute en confirmant le lien existant entre la partie « stade » et la partie « commerciale » du projet54, la réponse précitée répertoriait les aléas ayant d’ores-et-déjà affecté son déroulement55 et faisait surtout naître un certain nombre d’interrogations sur le devenir même de l’opération.

En effet, bien que le « droit de préférence » pour l’attribution d’un bail à construction en vue de l’aménagement d’une zone d’activités (cf. supra) ait été accordé par la commune à la SAS Maurice Boyau ou à « toute autre société non constituée à ce jour qu'elle se réserve le droit de substituer »56, la modification du capital de ladite SAS qui serait intervenue récemment57, marquée par l’arrivée de la société REDADIM58, ainsi que le transfert à cette dernière du « droit de préférence » précité ne risquent-ils pas de fragiliser la construction du stade ?

Quelle garantie existe-t-il en l’état que la SAS Maurice Boyau ainsi reconfigurée affecte bien au financement de l’équipement sportif les profits attendus de l’opération commerciale voisine, au demeurant fortement redimensionnée59 mais confrontée à de nombreux projets concurrents60 ?

Il conviendrait donc que la commune sécurise autant que possible le financement du nouveau stade par le délégataire à l’occasion de la convention qu’elle envisage de signer avec la SAS Maurice Boyau et la société REDADIM (cf. supra), l’audition du maire de Dax par la chambre le 14 octobre 2013 ayant révélé l’ignorance dans laquelle se trouvait alors la collectivité des conditions juridiques et financières du transfert61 à REDADIM du « droit de préférence » préalablement consenti à la SAS.

53 CNAC: commission nationale d’aménagement commercial

54 curieusement contesté par la commune dans sa réponse aux observations provisoires de la chambre

55 au nombre desquels il convient de ranger, outre la crise économique, les réticences des établissements de crédit à financer l’opération et les recours introduits par certains opposants à la partie commerciale du projet (contentieux actuellement pendant devant le Conseil d’Etat)

56 délibération du conseil municipal du 15 décembre 2010

57 dans leur réponse conjointe à la chambre en date du 11 octobre 2013, les présidents de la SAS Maurice Boyau et de la SASP US Dax Rugby Landes n’excluent pas l’éventualité d’une sortie complète de la SASP du capital de la SAS

58 filiale du groupe REDEIM, opérateur national en immobilier commercial

59 surfaces prévisionnelles portées de 8000 m2 à 15 740 m2

60 la commune affirme toutefois l’existence d’un réel potentiel de chalandise disponible en centre-ville de Dax, malgré les projets concurrents (extension du Grand Mail à Saint-Paul-lès-Dax, création d’Atlantisud à Saint-Geours-de-Marennes, Allées Shopping à Ondres, implantation d’Ikea à Bayonne)

61 faut-il dire cession ?

En fait, ce dossier « Maurice Boyau » illustre bien, comme d’ailleurs celui de la Compagnie thermale évoqué précédemment, les difficultés que rencontre la collectivité pour mener à bien les opérations que ses difficultés financières l’ont conduit à externaliser, les montages complexes mis en place se caractérisant en outre par leur manque de visibilité compte tenu de leur échéance très lointaine (30 ans pour le BEA du stade et 50 ans pour le bail à construction des espaces commerciaux contigus).

Dans le document Le Président Bordeaux, le 29 novembre 2013 (Page 30-35)

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