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Rappelons-nous du contexte territorial de Verdun, qui se caractérisait avant la crise par sa vocation essentiellement résidentielle et qui concentrait les sièges de plusieurs administrations publiques. Jadis, connue à Montréal par la rue Wellington, sa rue commerciale, celle-ci revêt plusieurs dimensions qui ont eu une portée stratégique dans le développement de ce territoire. La rue Wellington incarne l’identité du territoire qui le distingue du reste des territoires industriels de la zone du Sud-Ouest de Montréal à laquelle Verdun appartient sur le plan géographique. Frappée de plein fouet par les effets de la désindustrialisation de la zone Sud-Ouest de Montréal et par les conséquences plus globales de la crise du fordisme des années 1980, la rue Wellington à Verdun a subi la fermeture en série de ses magasins et la population du territoire a vécu la détresse généralisée de l’activité socioéconomique et la dégradation de son milieu de vie. Face à cette réalité, marquée également par l’augmentation importante du taux de chômage et par le départ massif des familles les mieux nanties, la SIDAC (Société d’initiative de développement commerciale) de la rue Wellington, appuyée par la municipalité de Verdun, ont entamé des actions qui se sont avérées vaines pour redynamiser cette rue.

Dans un climat de forte mobilisation dans les quartiers avoisinants à la fin des années 1980, où les résultats des initiatives lancées par des acteurs locaux commencent à faire écho et à souffler un air de changement inspirant, le responsable de la SIDAC, un notable de la ville de Verdun, a décidé d’agir autrement pour redonner vie à la rue commerçante et par conséquence à la ville. Il a lancé une invitation, pour une réflexion préliminaire, à quelques personnes actives dans le milieu local, qui faisaient partie de ses relations personnelles (amis, collègues, connaissances), notamment au directeur du département de la santé communautaire.

Celui-ci s’est démarqué par un engagement prononcé et par sa vision d’inscrire la solution à la dévitalisation de la rue commerçante dans une démarche plus globale de développement de la ville de Verdun.

On cherchait comment redynamiser Verdun, on a voulu faire cela en améliorant la qualité des commerces sur la rue Wellington ……C’est là que le Dr est intervenu et a dit : vous ne changerez jamais Verdun et la rue Wellington en améliorant les commerces. Il faut changer la clientèle, améliorer la clientèle et le commerce va suivre. C’est exactement cela qu’on a fait…. (Entrevue avec un dirigeant de l'ODL, décembre 2009)

Plus tard, une troisième figure est entrée en jeu et se place comme un incontournable dans la mobilisation pour la revitalisation du territoire de Verdun. Celui-ci va assurer la mission de commissaire au développement local par la suite.

J’ai animé le premier colloque. C’est là que le Dr m’a découvert et j’ai découvert le Dr; tout d’un entrepreneur, et il possédait beaucoup d’informations au Département de Santé Communautaire. Et pourtant, moi, j’ai été au journal et j’avais presque rien comparé à ce que lui avait comme information sur le territoire de Verdun et, dans le fond, il y a un eu un déclic qui s’est passé entre nous. Il avait besoin de moi et j’avais besoin de lui […] on avait des priorités qu’on s’était données d’améliorer Verdun, mais on ne savait pas comment (Entrevue avec un dirigeant de l'ODL, décembre 2009)

Ces trois leaders ont assuré le leadership de la nouvelle dynamique de revitalisation du milieu local à Verdun, celui de la concertation intersectorielle dans le cadre de l'ODL. Les trois instigateurs de l'ODL, en plus de leur statut social et des milieux professionnels auxquels ils appartenaient en leur qualité de commerçant, de médecin et de directeur de la presse locale, possédaient des expériences dans le domaine de l’entrepreneuriat, ce qui constituait un trait commun qui a favorisé le lancement de projets économiques et sociaux.

J’ai été directeur de la santé publique du [...]de Montréal, pendant 20 ans. J’étais

médecin dans une clinique. J’avais aussi ma clinique que j’avais fondée à Verdun. Parallèlement, j’avais une grosse compagnie de transport avec un collègue […] J’avais développé beaucoup de compagnies. Je me sentais à l’aise de travailler avec les gens d’affaires. (Entrevue avec un dirigeant de l'ODL, décembre 2009)

Les leaders initiateurs de l'ODL étaient également des personnalités connues au niveau local et reconnues pour leur implication dans le milieu au-delà de leur profession.

…peut-être parce que mon implication était bien au-delà de la rue Wellington. À l’époque, j’étais longtemps président de la caisse populaire et également président du manoir de Verdun, du centre hospitalier de Verdun, donc c’est une implication sociale qui probablement me donnait une ouverture d’esprit qui me permet de penser beaucoup plus large… (Entrevue avec un ancien dirigeant de l'ODL, mars 2010)

Ce capital social est lié à l’ancrage territorial de ces leaders qui se traduit par leur insertion dans divers réseaux locaux et extra locaux, notamment à travers des associations professionnelles (SIDAC, CCSO), des clubs d’affaires et diverses associations. Les rapports étroits entretenus avec l’élite locale à laquelle appartiennent les leaders de l'ODL demeurent le point saillant de leur capital social.

Les différents acteurs interviewés dans le cadre de notre étude s’accordent sur l’importance des dispositions personnelles et professionnelles des dirigeants de l'ODL, telles leurs qualifications relativement élevées (des diplômés, hauts cadres administratifs, longue expérience professionnelle) et sur leur capital social dans le lancement de la coordination interinstitutionnelle à Verdun. Ces acquis ont favorisé la légitimation de l’intervention des leaders de l'ODL et sont à la base des orientations de celui-ci dans la concertation des acteurs du milieu institutionnel local et ceux du milieu des affaires auxquels ils appartenaient.