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Partie I : Les patients sous anticoagulants antivitamines K et leur traitement : 1ère

2.1 L’observance thérapeutique et l’adhésion du patient

La loi du 4 mars 2002 énonce au titre de son article L.1111-4 que « toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables. Aucun acte médical ni aucun traitement ne peuvent être pratiqués sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. » Le patient est donc en droit de ne pas se traiter. Selon le Health Belief Model (HBM) ou Modèle des croyances liées à la santé de Rosenstock53, pour se soigner le patient doit :

- Etre persuadé qu’il est malade

- Savoir qu’il existe un traitement

- Etre sûr que le traitement est efficace

- Voir que les avantages du traitement sont supérieurs aux inconvénients du traitement.

Une fois le patient convaincu du bienfondé de son traitement, il faut pour que cette thérapeutique soit le plus efficace possible qu’il demeure observant. L’observance thérapeutique est la résultante de la concordance entre les comportements du patient et les recommandations médicales qui lui ont été faites. Elle concerne aussi bien le simple fait de venir aux consultations médicales que de prendre les médicaments conformément à la

60 prescription, de réaliser une auto-mesure ou des examens complémentaires, voire de modifier son mode de vie. Dans la plupart des traitements médicamenteux, l’observance des patients est mauvaise, en effet, en moyenne un patient sur deux ne suit pas correctement son traitement.54 La non-observance touche le plus souvent les malades atteints de pathologies chroniques, asymptomatiques et dont le traitement, préventif plus que curatif, est relativement contraignant.55 Cette non-observance du traitement chez le patient sous AVK est une cause d’instabilité de l’INR.56 Elle a été identifiée comme une cause importante de rechutes et de réhospitalisations.57 Si elle peut avoir de graves conséquences pour le patient, il ne faut pas négliger l’impact important qu’elle peut aussi avoir sur le plan pharmaco-économique. Dans l’union européenne, 194 500 personnes décèdent par an suite des erreurs de posologie et à la non observance des traitements prescrits. Le coût de la non-observance serait évalué à 125 milliards d’euros par an.58

Dans un de ses rapports, l’Organisation Mondiale de la Santé déclare que «améliorer l’adhésion du patient à un traitement chronique devrait s’avérer plus bénéfique que n’importe quelle découverte biomédicale»59 L’adhésion thérapeutique signifie qu’en plus d’être observant, le patient collabore à la proposition thérapeutique élaborée par le médecin.60 Le malade est alors motivé par les recommandations médicales et devient réellement acteur de sa propre santé. Il est, en effet, convaincu du bien fondé des thérapeutiques tout en ayant estimé les contraintes et les inconvénients du traitement. 61 Chez le patient traité par AVK, il apparaît que la variabilité de la qualité de l’anticoagulation dépend, pour une part non négligeable, d’une adhésion insuffisante aux recommandations de prise du médicament voire au suivi alimentaire.57 Tant que le patient ne verra pas l’utilité et la faisabilité dans son quotidien, son adhésion thérapeutique sera faible. En fait, plusieurs facteurs peuvent influencer l’adhésion au traitement: 5762

- les caractéristiques du patient (troubles cognitifs, visuels, état dépressif, situation sociale…)

- les particularités de la maladie (symptomatique ou asymptomatique),

- les modalités du traitement (complexité du plan de prise, voie d’administration,

durée de traitement,…),

- les attitudes du médecin (confiance, empathie,…),

- l’organisation des soins de santé (disponibilités des professionnels de santé,

61 En effet, l’observance et l’adhésion au traitement vont varier en fonction des patients. Nous avons vu précédemment que l’âge moyen du patient sous AVK est de 72,5 ans. Françoise Haramburu, coordinatrice de l’étude EMIR et responsable du CRPV de Bordeaux soulève le fait que « les malades hospitalisés pour des effets indésirables de médicaments ont en moyenne dix ans de plus que ceux hospitalisés pour un autre motif » 63 Chez la personne âgée, le sujet du traitement par AVK fait l'objet d'un débat important et continu. Il est vrai que ces malades sont particulièrement enclins à souffrir de troubles visuels ou cognitifs. On remarque que le RCP (résumé des caractéristiques produit) de chaque spécialité d’AVK (PREVISCAN®, COUMADINE® et SINTROM® ou MINISINTROM®) porte la mention suivante : Avant de décider l’instauration d’un traitement par AVK, une attention particulière sera portée aux fonctions cognitives du patient ainsi qu’au contexte psychologique et social, en

raison des contraintes liées au traitement.12 C’est pourquoi, chez le sujet âgé, la décision

d’un traitement et son suivi doivent particulièrement prendre en compte :

- les pathologies associées et des associations thérapeutiques,

- la fréquence et gravité des accidents hémorragiques, liés en particulier au risque de chute,

- le risque d’altération des fonctions cognitives entrainant un risque d’erreur de prise.24

En effet, l’observance du traitement est primordiale et le patient doit être en mesure de comprendre et intégrer la nécessité de :

- Prendre son traitement tous les jours à la même heure et sans oubli,

- Faire régulièrement le contrôle biologique (INR) dans le même laboratoire d’analyse.

- Savoir que de nombreux médicaments peuvent perturber l’équilibre du traitement.12 C’est pourquoi, tout patient doit posséder un carnet d’information et de suivi des AVK. Sachant que le risque hémorragique est le plus important lors des premiers mois de traitement, la surveillance est particulièrement impérative en début de traitement et lors du retour à domicile d’un patient hospitalisé. Il est recommandé au patient de porter une carte mentionnant qu’il est sous traitement AVK en cas d’accident ou d’éventuelles blessures. Le risque de chute chez le patient âgé est un élément en faveur de la réévaluation du rapport bénéfices/risques du traitement par AVK et peut donc conduire à l’arrêt du traitement. Tous les praticiens souhaitent des travaux complémentaires pour mieux définir les recommandations chez le patient âgé.64Notons que la personne âgée est aussi très

62 fréquemment polymédiquée, ce qui est encore un facteur en défaveur de l’observance. En pratique, ces malades sont, le plus souvent, accompagnés d’une infirmière à domicile qui effectue les prises de sang pour le contrôle de l’INR et qui réalise un pilulier dans le but de sécuriser la prise d’AVK.

Il a été montré, lors de deux enquêtes en 2000 et 2003 réalisées par l’Association Française des Centres Régionaux de Pharmacovigilance dans des pharmacies d’officine, qu’environ 30% des patients présentaient un schéma posologique compliqué c’est-à-dire avec un fractionnement des comprimés et/ou une posologie variable selon les jours.65 Ceci entame la qualité de vie du patient mais surtout peut constituer une source d’erreur. Les enquêtes françaises réalisées chez des patients traités par AVK ont mis en évidence que le manque d’information et d’éducation des patients sur leur pathologie et leur traitement, influence la surveillance de leur traitement. En effet, Il a par exemple été montré que les patients non-observants, se comptaient principalement parmi ceux qui ne savaient pas pourquoi un traitement anticoagulant oral leur avait été prescrit.66 De plus, un rapport de la Haute Autorité de Santé, avance que 25% des patients n’effectuent pas leur test INR au moins une fois par mois, près de 40 % des malades avouent ne pas connaître leur INR cible, plus de 50% ne connaissent pas les signes annonciateurs d’un surdosage et le pourcentage de temps passé en dehors de la zone thérapeutique est d’environ 40 %. En effet, selon les études randomisées récentes, en moyenne, le temps passé dans la zone thérapeutique ne dépasse jamais plus de 65%. En d’autres termes, le patient oscille entre des périodes où il est trop anticoagulé avec un risque hémorragique et celles où il ne l’est pas assez et alors il encourt un risque thrombotique.27 L’insuffisance de connaissance des AVK par les patients demeure depuis plus de dix ans en France, car déjà l’étude de Gras-Champel et Voyer avait montré que 76% des patients avaient des connaissances approximatives sur les AVK, 42% ne connaissaient pas le nom de leur maladie pour laquelle l’AVK leur avait été prescrit. Seulement 15% connaissaient la valeur de leur INR thérapeutique, 38% savaient qu’il y a des interactions avec la nourriture et 42% avaient lu la notice de la boîte de médicaments. D’autre part, il a été mis en évidence un défaut de communication dans la relation médecin-patient car seulement 47% des médecin-patients disaient avoir été informés par leur médecin sur l’utilisation et les risques de leur traitement et uniquement 17% de ces patients possédaient et utilisaient les carnets de suivi et d’information.67

63 Compte tenu de la non-observance thérapeutique et de la méconnaissance de leur traitement par les patients, et comme l’a énoncé l’OMS,62 cette dimension doit être intégrée dans l’organisation des soins de santé avec une approche multidisciplinaire.