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Partie I : Les patients sous anticoagulants antivitamines K et leur traitement : 1ère

3.5 Les cliniques d’anticoagulants

Pour diminuer les complications liées à l’utilisation des AVK, certains pays ont créé des structures spécialisées dans la gestion des traitements anticoagulants nommées cliniques d’anticoagulants (CAC) ou centre de surveillance des traitements antithrombotiques (CESTA).

72 Une étude économique des années 1998, exposait qu’une CAC permettait de réaliser une économie de 1500€ par patient et par an du fait de la réduction du nombre d’hospitalisation lié à la iatrogénie hémorragique et aux récidives thrombotiques.8384 La première CAC a vu le jour aux Pays-Bas en 1949. Actuellement, il existe prés de 80 cliniques dans ce pays qui suivent plus de 90 % des patients traités par AVK. Ensuite l’Italie a également fondé sa première clinique en 1989 et à ce jour la fédération italienne de cliniques d’anticoagulants regroupe 255 cliniques accompagnant environ 30 % des patients traités par AVK. L’Amérique du Nord, l’Espagne, l’Allemagne et l’Angleterre possèdent aussi ce type de structure.68

En France c’est à Toulouse que la première CAC a été crée en 1998. Ce fut une collaboration avec le Laboratoire d'Hématologie Biologique du CHU.84

Une clinique d’anticoagulants est une structure sanitaire spécialisée ayant pour but d’assurer l’information et l’éducation du patient ainsi que de planifier la conduite pratique du traitement c'est-à-dire l’adaptation de posologie et les dates de contrôles de l’INR. Ses objectifs sont in fine d’améliorer la qualité de vie des patients et de réduire les complications hémorragiques et/ou thrombotiques. L’ajustement des doses d’AVK est réalisé par un médecin spécialisé de la CAC assisté d’un logiciel. En effet, depuis les années 80, des logiciels d’aide à la prescription des AVK permettent de faciliter l’adaptation de la posologie et proposent la date du prochain contrôle de l’INR.68 Une étude multicentrique menée par POLLER, a mis en évidence que l’utilisation du logiciel Dawn AC augmente chez le patient le temps passé dans la zone thérapeutique d’INR définie (63,3% vs 53,2%) et ce quelque soit l’indication.85 Le même constat est démontré dans une méta-analyse qui établit une hausse du temps passé dans l’intervalle cible de 29% chez les patients dont la posologie d’AVK a été ajusté par le logiciel.86 Une étude de grande ampleur menée en 2008 utilisant les logiciel DANW AC et PARMA-5 comptait 13219 patients avec environ 200 000 adaptations posologiques réalisées par logiciel et 200 000 faites classiquement. Les résultats ont démontré une réduction significative des évènements iatrogènes et un accroissement du temps passé dans la zone d’INR thérapeutique ciblée pour les patients dont les ajustements posologiques étaient faits par logiciel.87 Le respect de l'organisation du système de soins, de la déontologie médicale et de l'acceptation de la responsabilisation des malades conduisent à un mode de fonctionnement spécifique de la CAC, différent de celui des autres pays. En effet, à l’étranger la CAC communique directement avec le patient lors d’un ajustement de dosage de l’AVK.84 En France, l’adaptation de posologie de l’AVK respecte le suivi habituel du

73 patient concernant la prise de sang au laboratoire de proximité choisi par le malade et les recommandations thérapeutiques par le médecin traitant. En effet, un véritable partenariat a été établi avec les biologistes libéraux qui se sont engagés, en signant une charte, à respecter certains critères de qualité dont dépend la fiabilité de l’INR.68 En réalité c’est le circuit qui va être modifié : le résultat de l’INR est faxé par le laboratoire d’analyses médicales du patient à la CAC qui va à l’aide du logiciel et d’un médecin adapter si besoin la posologie. La CAC va alors contacter le médecin traitant pour lui proposer cette nouvelle posologie et le médecin prendra contact, avec son patient, pour lui indiquer l’ajustement qu’il aura décidé. Ainsi, les repères médicaux du malade demeurent inchangés. Le patient ne peut être pris en charge par la CAC qu’après le consentement de son médecin traitant. La prise en charge du patient au sein de la CAC comprend :

- L’entretien individuel d’éducation de 45 minutes réalisé par une infirmière (parfois

binôme médecin–infirmière). L’objectif de cette entrevue est d’apprendre à connaître le patient et son environnement au travers de cinq dimensions : cognitive (connaissance de la maladie, du traitement), biologique (pathologie, antécédents), socioprofessionnelle (profession, loisirs), psychoaffective (stade d’acceptation de la maladie), projective (projets source de motivation). A la suite du recueil de ces informations, des objectifs thérapeutiques personnalisés seront fixés au patient, prenant en compte notamment ses points faibles et constituant un « contrat de soins ».Au cours de cet entretien, il sera abordé tous les éléments en rapport avec le traitement médicamenteux et les conduites à tenir dans certains cas. Pour finir un livret d’information, une carte et un carnet de surveillance AVK seront remis au patient et leur contenu sera détaillé avec l’infirmière.

- La séance éducative de groupe peut associer cinq à sept malades accompagnés ou non. Le but de cette séance est de créer une dynamique de groupe au travers de situations vécues, d’obstacles rencontrés, de mises en conditions concrètes et précises, d’ateliers de gestion du traitement, etc. Un nouveau point quant à la prise en charge du traitement AVK et une synthèse des discussions seront réalisés.88 Le médecin traitant est informé de telles séances.

Il est important que le langage et les écrits utilisés soient simples et compréhensibles par tous et que les outils pédagogiques et d’évaluation comportent des mises en situation avec

74 manipulation des comprimés et gestion de complications pour valider les pratiques du patient au quotidien.68

Le concept de clinique des anticoagulants (CAC), en plus de l’aspect d’éducation thérapeutique du patient, a pour objectif de sécuriser la prise d'un AVK. Lors d’une étude, CHIQUETTE et al. ont pu montrer que le recours à une CAC réduisait les hémorragies majeures de 3,9 à 1,3 %.83 Egalement, dans une étude non comparative PALARETI a retrouvé un faible taux d’hémorragies majeures et fatales (respectivement 1,1 et 0,25 pour 100 patients/ année) par rapport aux taux habituellement décrits dans la littérature. Ces bons résultats sur le taux d’hémorragies ne sont pas contrebalancés par une augmentation des taux d’évènements thrombotiques (3,5 pour 100 patients/année). De plus, le suivi des malades par ces cliniques diminuerait d’un facteur 3 à 4 la morbidité et la mortalité engendrées par la prise d’AVK.68 Une étude multicentrique mise en place en 2003 dans 7 centres français (Toulouse, Saint Etienne, Brest, Strasbourg, Lille, Limoges et Dôle) ayant pour but de comparer la survenue d’évènements cliniques (thrombotiques et hémorragiques) entre des patients traités de façon conventionnelle et des patients pris en charge dans des CAC, montre une amélioration des résultats en faveur de la CAC. Bien que les résultats ne soient pas significatifs, l’incidence des évènements (récidives hémorragiques et hémorragies majeurs) était de 6,8% dans le groupe suivi par la CAC et de 8,8% dans le groupe suivi conventionnel. Quant à la mortalité, elle était 2 fois plus importante dans le groupe conventionnel par rapport au groupe suivi par la CAC (6,8% vs 3,2% des patients).89 Au-delà de son efficacité sur les évènements cliniques, la CAC a également fait ses preuves au niveau biologique. Au cours d’une étude multicentrique, il a été mis en évidence que l'INR est maintenu à la valeur souhaitée pendant 50 à 60 % de la durée du traitement quand le patient est suivi hors CAC alors que cette durée est à plus de 70% lorsqu’une CAC est sollicitée pour accompagner le patient.85 De même, lors d’une étude française comparant le temps passé dans la fourchette thérapeutique d’INR prédéfini de 163 patients/année suivis par la CAC et de 149 patients/ année suivis de façon conventionnelle, les résultats sont en faveur des patients suivis par la CAC qui passent plus de temps dans la fourchette thérapeutique d’INR prédéfini (54,1 ± 19,7 versus 70,1 ± 12,5 ; p < 0,001).90

Toutes ces études confirment que, quelque soit le procédé, le recours à une éducation thérapeutique pour la prise d’AVK est indispensable.

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