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CHAPITRE 1. L'IMAGERIE PAR RESONANCE MAGNETIQUE ET LA SCLEROSE EN PLAQUES

1.2. LA PLACE DE L’IRM DANS LE CADRE DE LA SEP

1.2.2. L’IRM, le suivi et le pronostic de la maladie

L’IRM conventionnelle se révèle néanmoins peu informative pour l’établissement du pronostic du patient. Ainsi de nombreuses nouvelles techniques dites « non conventionnelles » se sont développées.

1.2.2.1. Le paradoxe clinico-radiologique

La sensibilité importante de l’IRM pour détecter des lésions responsables des symptômes rencontrés dans la maladie pouvait laisser espérer des corrélations entre les données issues de l’IRM et les marqueurs d’évolution clinique de la maladie. Malheureusement, les techniques d’IRM conventionnelles utilisées de façon routinière ont montré leurs limites, voire leurs insuffisances, pour approcher de façon précise les liens existants entre anomalies IRM identifiées et les marqueurs cliniques, notamment pronostiques. On parle de «paradoxe clinico-radiologique» (24).

Plusieurs hypothèses ont été formulées pour expliquer le caractère décevant des corrélations entre la clinique et les données de l’IRM conventionnelle.

Certaines lésions ne touchent que des zones cérébrales non fonctionnelles et ainsi restent silencieuses d’un point de vue clinique. De ce fait, l’activité inflammatoire retrouvée à l’IRM (c’est-à-dire les nouvelles lésions détectées) et la rapidité d’apparition des lésions (caractère dynamique) restent largement supérieurs aux critères d’évolution de la maladie (poussées évolutives). Aussi, l’aggravation progressive du handicap peut être, au moins en partie, indépendante des lésions macroscopiques visibles sur les séquences conventionnelles IRM et être directement liée à l’atteinte de la SB et de la SG qui n’est pas (ou partiellement) accessible au techniques IRM conventionnelles. Enfin, les séquences conventionnelles permettent essentiellement d’évaluer, soit le caractère inflammatoire focal de l’affection, soit la destruction tissulaire globale. Ces séquences ne reflètent alors que de manière insuffisante les différents processus physiopathologiques mis en jeu dans la maladie.

1.2.2.2. De nouvelles mesures grâce à l’IRM non conventionnelle

Dans ces conditions, un des défis actuels a consisté à développer des techniques d’IRM permettant d’observer et de quantifier les différentes atteintes tissulaires, qu’elles soient focales ou diffuses, au sein de la substance blanche et de la substance grise, pour ensuite mieux comprendre et contrôler leur évolution tout au long de la maladie.

Depuis plusieurs années, de nouvelles techniques IRM basées sur la pondération du signal, soit par le mouvement des molécules d’eau (imagerie de diffusion), soit par l’organisation architecturale moléculaire (imagerie de transfert d’aimantation), soit enfin par les modifications biochimiques (imagerie spectroscopique) (26) ont permis de mieux appréhender aux niveaux structural et

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métabolique les différents types d’atteintes tissulaires, à la fois globales et focales. Ces techniques permettent en particulier d’approcher l’atteinte de la substance blanche et de la substance grise d’apparence normale (respectivement SGAN et SBAN), c'est-à-dire indemne de lésions macroscopiquement visibles en IRM conventionnelle. Cette approche est importante afin de permettre une meilleure connaissance in vivo des mécanismes physiopathologiques impliqués. Cela est d'autant plus vrai au stade précoce de la maladie, stade où les données histologiques font défaut.

1.2.2.2.1. L’IRM de diffusion

Le phénomène de diffusion explore les mouvements des molécules d'eau. En effet, ce phénomène résulte de la mobilité aléatoire (mouvement brownien) de ces molécules. Ainsi, la diffusion est élevée dans le LCR du fait d'une mobilité non restreinte par les tissus, et au contraire elle est moindre au sein des faisceaux myélinisés de SB par exemple. Afin d'obtenir une pondération des images en diffusion on applique des gradients bipolaires de champ magnétique. La pondération peut être modulée. Le degré de mobilité des molécules d’eau est exprimé par le coefficient apparent de diffusion. Au sein du tissu cérébral, la diffusion ne se fait pas uniformément dans toutes les directions de l’espace et il est possible de définir la directionnalité de cette diffusion en multipliant les directions de sensibilisation du signal à la diffusion. La modélisation mathématique de la diffusion des molécules d’eau par un tenseur (imagerie tensorielle de diffusion) permet de déterminer la direction prépondérante de diffusion moyennée à l’échelle du voxel. On peut ainsi visualiser préférentiellement les structures qui, comme les fibres nerveuses et les faisceaux de substance blanche, sont caractérisées par une orientation commune. À partir de ces paramètres quantitatifs issus des acquisitions IRM pondérées en diffusion, l’application d’algorithmes mathématiques permet de calculer la cohérence directionnelle de la diffusion des molécules d’eau appartenant à des voxels voisins et ainsi de visualiser artificiellement le trajet des fibres de substance blanche. C’est le principe de la tractographie.

Dans la SEP, des anomalies diffuses représentées par une diminution de la fraction d’anisotropie et une augmentation du coefficient de diffusion ont été rapportées, en faveur d’une atteinte tissulaire diffuse rencontrée dès le stade le plus précoce de la maladie. Cette atteinte diffuse a aussi pu être approchée par l’étude des faisceaux de substance blanche par tractographie.

1.2.2.2.2. La spectroscopie de résonance magnétique

La spectroscopie de résonance magnétique (SRM) est une technique d’analyse performante et non invasive pour l’exploration métabolique du cerveau. La SRM in vivo permet de quantifier les signaux de Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) de différents métabolites cérébraux et médullaires possédant des noyaux de même type (tel que le proton) et de fréquence de résonance différente en fonction de leur environnement chimique. Parmi les techniques quantitatives, cette dernière semble être la méthode la plus directe permettant de mesurer les atteintes tissulaires.

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Ainsi, les principaux métabolites détectés en SRM protonique cérébrale à temps d’écho long (TE = 135-270 ms) sont le N-acétylaspartate (NAA) observé à 2 ppm, reflet de la fonction et de la densité neuronale, la créatine/phosphocréatine (Cr) observée à 3 ppm, reflet de la cellularité et des réserves énergétiques, et les dérivés de la choline (Cho) observés à 3,2 ppm, marqueurs entre autres des membranes et de l’inflammation. Aux temps d’échos courts ( < 40 ms), d’autres métabolites peuvent être observés, comme le myo-inositol (mlno) à 3,54 ppm, reflet de l’activité gliale et microgliale, le massif de glutamate/glutamine observé entre 2,1-2,3 ppm, marqueur de l’excitoxité, et les macromolécules observées entre 1,1-1,4 ppm, qui reflètent notamment les produits de dégradation membranaire.

Des anomalies métaboliques localisées (notamment dans les lésions) et diffuses ont été mises en évidence dans la SEP et sont principalement représentées par une augmentation de la choline et une diminution du NAA. Ces perturbations sont constatées dès le stade précoce de la maladie et dans la SBAN et la SGAN.

1.2.2.2.3. IRM fonctionnelle

L’IRM fonctionnelle (IRMf) est basée sur la détection des variations temporelles de susceptibilité magnétique induite par les variations locales d’oxygénation du sang au cours de la réponse neurovasculaire. Elle permet de déterminer les régions cérébrales impliquées dans la réalisation d’une tâche (motrice, visuelle, cognitive, etc.) adaptée aux contraintes techniques imposées par le confinement dans la machine. Les phénomènes observés en IRMf sont liés aux variations locales de volume et de flux sanguins provoquées par l’activation neuronale. Une augmentation de signal de 4 à 6 % est observable sur des séquences sensibles aux différences de susceptibilité magnétique (séquence pondérée en T2) pour un champ magnétique principal de 1,5T.

Les méthodes d’IRMf utilisées sont classiquement effectuées en mode bloqué, reposant sur la comparaison d’images moyennes obtenues lors de périodes successives pendant laquelle le sujet est alternativement passif et stimulé. La détermination de la carte d’activation cérébrale pendant la tâche étudiée correspond à la localisation des différentes régions impliquées dans la réalisation de la tâche.

Dans la SEP, des processus de réorganisation fonctionnelle ont été mis en évidence par l’étude d’Audoin et al. en 2006 (27), dès le stade le plus précoce de la maladie. Ces processus compensatoires permettraient de limiter l’expression clinique de certains symptômes liés à la maladie (troubles moteurs, visuels, cognitifs).

1.2.2.2.4. IRM de transfert d’aimantation

Le signal IRM provient principalement des protons de l’eau dont les mouvements sont peu ou pas restreints (pool libre). Bien que le signal des protons liés (protons des macromolécules de myéline

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et autres molécules membranaires) ne soit pas directement observable, il influence le signal IRM par le biais d’échanges chimiques et physiques entre protons liés et protons libres du voisinage.

La technique de transfert d’aimantation est basée sur la quantification indirecte de ces interactions. L’application d’une impulsion de radiofréquence sélective sature le signal des protons liés et va provoquer une variation de l’aimantation des protons libres, se traduisant par une baisse relative du signal IRM. Cette baisse relative du signal, quantifiée par le taux de transfert d’aimantation (TTA ou MTR pour Magnetization Transfert Ratio en anglais), dépend du nombre de sites d’échange, et donc du degré de structuration du tissu. Plus le tissu est structuré, plus ces échanges sont importants. Cependant, pour que les résultats quantitatifs soient fiables, une procédure d’acquisition standardisée doit être appliquée. Les valeurs cérébrales de TTA sont fréquemment considérées comme étant un marqueur du contenu cérébral en myéline. Des augmentations ou diminutions significatives du transfert d'aimantation au cours du temps peut donc être utilisé pour mesurer les processus de remyélinisation et démyélinisation respectivement (28)(29). Chez des patients sclérose en plaques, une diminution du TTA reflète l'existence d'œdème ou d'inflammation (diminution relative de la proportion d'eau liée) ainsi qu'une démyélinisation (30) et une perte axonale (31). Ces processus pathologiques peuvent être réversibles.

Des diminutions de valeur du TTA ont été retrouvées pour tous les sous-types de scléroses en plaques en comparaison aux valeurs retrouvées chez des sujets contrôles (32). Cependant Di Perri et al. ne retrouve aucune différence significative de ce paramètre entre des sujets SEP-PP et SEP-RR (33).