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CHAPITRE 1. L'IMAGERIE PAR RESONANCE MAGNETIQUE ET LA SCLEROSE EN PLAQUES

1.2. LA PLACE DE L’IRM DANS LE CADRE DE LA SEP

1.2.3. Evaluation et suivi de la SEP à partir de l’IRM

1.2.3.1. Les biomarqueurs

Comme nous l’avons vu précédemment, chaque patient présente un phénotype de la maladie qui lui est propre. Cette variabilité des phénotypes d’expression de la maladie résulte de la combinaison, à des degrés divers, de mécanismes d’inflammation-démyélinisation, de neuro- dégénérescence due à l’atteinte axonale, de gliose et de réparation par remyélinisation. L’identification de ces facteurs idiosyncratiques, ainsi que la distinction de biomarqueurs fiables concernant chacun des facteurs pathogènes de la sclérose en plaques sont des étapes primordiales.

Un biomarqueur est une « caractéristique qui est mesurée et évaluée objectivement en tant qu’indicateur de processus biologiques normaux, de processus pathogènes ou de réponses pharmacologiques à une intervention thérapeutique » (34). Actuellement, les biomarqueurs utilisés

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ne reflètent pas entièrement la diversité des mécanismes physiopathologiques retrouvés chez les patients atteints de la SEP.

Katsavos et Anagnostouli ont défini dans leur étude différents critères auxquels doit répondre un biomarqueur de la SEP (35) :

- (i) Le rationnel biologique : un degré de corrélation entre le biomarqueur et un mécanisme pathologique identifié ;

- (ii) Le rationnel clinique : une précision pour représenter un statut clinique ;

- (iii) La prédictibilité d’initiation, de réactivation ou progression de la maladie ou de la différenciation de la SEP avec une autre maladie démyélinisante (la NeuroMyélite Optique —NMO— par exemple) ;

- (iv) La sensibilité et la spécificité : taux de faux négatifs ou faux positifs à représenter un événement ;

- (v) La reproductibilité des résultats ;

- (vi) L’applicabilité de la méthode utilisée pour la mesure ;

- (vii) La corrélation avec la réponse thérapeutique, reflétant la réponse positive ou négative du traitement ;

- (viii) La corrélation avec le pronostique et les handicaps des patients mesurés objectivement à l’aide d’outils tels que l’échelle EDSS.

De plus, les auteurs ont regroupé les biomarqueurs selon leur implication physiopathologique dans la SEP. Ils différencient alors les biomarqueurs issus de techniques génomiques et immunogénomiques, de ceux mesurés au sein des fluides corporels et de ceux fournis par des techniques d’imagerie.

1.2.3.2. Les biomarqueurs de la SEP en IRM conventionnelle

Plusieurs marqueurs obtenus à partir de l'acquisition de séquences d'IRM dites conventionnelles sont ainsi utilisés dans le suivi de la SEP en tant que corollaires cliniques des deux principaux processus retrouvés dans la SEP : l'inflammation et la neuro-dégénérescence (36). Afin de caractériser ces processus, différents paramètres IRM sont largement utilisés actuellement parmi lesquels (37) :

- la charge lésionnelle en pondération T2,

- la charge lésionnelle en pondération T1 avant injection de Gd,

- l’activité inflammatoire mesurée sur les images pondérées T1 après injection de Gd, - l'atrophie cérébrale.

1.2.3.2.1. Mesures IRM de l'inflammation

Comme nous l’avons vu dans la Partie 1.2.1.1.1., les mesures IRM de l'inflammation (lésions actives) correspondent, sur des images pondérées T2, au nombre de lésions nouvellement apparues

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ou à celles dont le volume a augmenté ; et, sur des images pondérées T1, aux lésions au contraste rehaussé suite à l'injection de gadolinium.

Des études ont été menées afin de valider l'utilisation de ces mesures en tant que biomarqueurs de l'effet d'un traitement sur les poussées et la progression du handicap (38)(39)(40). Sormani et al. ont ainsi constaté, lors de deux méta-analyses portant sur l'effet d'un traitement chez des patients SEP-RR, qu'environ 80 % de la variance de l'effet du traitement sur les poussées est expliqué par la variance de l'effet de la charge de lésions actives (41)(42). Ils montrent également qu'au cours des phases II et III des essais concernant les mêmes traitements, la mesure de la charge lésionnelle, pendant une période allant de 6 à 9 mois, permet de prédire la survenue de poussées sur une période de 12 à 24 mois. Cependant, la validation de leur utilité est spécifique au traitement étudié puisque dans le cas du fingolimod, l'effet du traitement sur les poussées est 67 % plus élevé que l'effet mesuré à partir des lésions identifiées à l'IRM (42). Aussi, bien que l'utilité de ces données dans le cadre de l'évaluation de l'efficacité de traitement immunomodulateur est actuellement reconnue chez les patients atteints de SEP-RR, leur efficacité concernant l'évaluation thérapeutique dans le cadre de traitements neuroprotecteurs reste cependant limitée, spécialement dans la phase progressive de la maladie (43). Enfin, une limite supplémentaire à ce type de mesure est la faiblesse de la corrélation mesurée entre l’état clinique et la charge lésionnelle T2 (T2-LL). Une des explications est l’absence de spécificité de ce paramètre. De même, les lésions se rehaussant lors de l'injection de produit de contraste apparaissent plus majoritairement lors des phases de poussées que lors des phases de rémission et peuvent rester asymptomatiques si elles n'affectent pas une région cliniquement significative telle que le nerf optique (44). Enfin, Molyneux et al. ont constaté que la mesure seule de la T2-LL, bien que cette dernière fut significativement corrélée à l'évolution du score EDDS (r = 0.18, p < 0.0001) et au taux de poussées (r = 0.24, p < 0,0001), ne peut suffire en tant qu'unique variable explicative primaire afin d'évaluer l'efficacité thérapeutique dans la phase progressive de la maladie (45).

Actuellement, ces paramètres sont utilisés, au cours d'essais cliniques de phase II, en tant que paramètre d'évaluation principal alors qu'ils sont utilisés, lors des essais de phase III, en tant que critère d'évaluation secondaire selement du fait de l'incertitude concernant leur capacité à prédire l'évolution clinique de la maladie (46).

1.2.3.2.2. Mesures IRM de la neuro-dégénérescence

Les marqueurs IRM de la neuro-dégénérescence correspondent au suivi de la transformation des lésions actives en lésions hypo-intenses en pondération T1 et à la quantification de l'atrophie cérébrale (47). On retrouve cependant peu d'essais dans la littérature ayant mesuré la transformation des lésions actives en lésions hypo-intenses (48)(49)(50)(51). De plus, il semblerait que la capacité des

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traitements à modifier l'évolution des lésions actives en lésions hypo-intenses chez des patients présentant une forme rémittente de la SEP dépende du traitement utilisé.

Parmi les mesures issues de l'IRM caractérisant le processus de neuro-dégénérescence, l'évaluation de la perte tissulaire (atrophie) est la plus couramment utilisée lors des essais thérapeutiques (36). Les axones représentant environ 45 % de volume de la substance blanche (52), la mesure de l'atrophie cérébrale au niveau de la substance blanche est considérée comme représentant la perte axonale. De même, les corps cellulaires neuronaux et les axones composant majoritairement la substance grise, une atrophie mesurée à ce niveau refléterait également une perte tissulaire par perte neuronale et axonale. L'utilisation de l'atrophie cérébrale afin d'évaluer l'effet d'un traitement ainsi que ses limites seront développées dans la Partie 3.3..

1.2.3.3. Les biomarqueurs de la SEP en IRM non conventionnelle

L'amélioration de l’état clinique d’un patient devrait entraîner une évolution dans le même sens des marqueurs IRM. Cependant, comme nous l'avons vu dans la Partie 1.2.2.1., la corrélation entre l’état clinique et les anomalies identifiées à l'aide de séquences IRM conventionnelles apparaît très faible. Il est donc probable que ces paramètres ne reflètent qu’une faible partie de l'hétérogénéité des processus physiopathologiques rencontrés aux différents stades de la maladie sans prendre en compte la neuro-dégénérescence et la neuro-protection. Ceci a poussé au développement de nouvelles techniques permettant d’observer et de quantifier les différentes atteintes focales ou diffuses et non visibles par les méthodes conventionnelles, qu’elles soient au sein de la SB ou de la SG. Ces différentes techniques ont été développées dans la Partie 1.2.2.2. et ont montré leur sensibilité et leur spécificité dans l'évaluation des différents processus physiopathologiques impliqués dans le cadre de la SEP. Bien que largement utilisés en recherche afin de mieux comprendre et caractériser ces processus, il n'existe actuellement à notre connaissance, aucune étude menée afin d'évaluer leur performance dans l'évaluation de nouvelles thérapeutiques.

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