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3.5 Production de photons uniques

4.1.1 L’intrication

4.1.1.1 L’intrication et l’information quantique . . . 75 4.1.1.2 Mesure de l’intrication . . . 77 4.1.1.3 Etats de Bell . . . .´ 78 4.1.2 Principe de l’exp´erience . . . 79

4.2 R´ealisation exp´erimentale . . . 81 4.2.1 Montage . . . 81 4.2.2 Mod´elisation . . . 82 4.2.3 R´esultats . . . 84

4.3 Comparaison avec un ´etat de Bell discret . . . 86 4.3.1 Montage . . . 86 4.3.2 Mod´elisation . . . 87 4.3.3 R´esultats . . . 87

4.4 Discussion . . . 89 4.4.1 Communications `a longues distances . . . 89 4.4.2 Calcul quantique et syst`emes hybrides . . . 90 4.4.3 Conclusion . . . 94

4.1

Introduction

4.1.1 L’intrication

4.1.1.1 L’intrication et l’information quantique

Nous pouvons d´egager quatre particularit´es principales `a la physique quantique : la dualit´e onde corpuscule, le principe de superposition, l’intrication et l’incertitude sur les mesures. Nous avons d´ej`a ´evoqu´es les rˆoles importants tenus par la superposition d’´etats et le principe d’in- certitude dans l’information quantique. La dualit´e onde-corpuscule est au cœur mˆeme de notre

approche qui marie les deux visions, permettant ainsi la r´ealisation de certaines tˆaches de l’in- formation quantique impossible avec les ´etats gaussiens d’une approche purement ondulatoire. Mais quel est celui de l’intrication ? Jusqu’ici nous l’avons uniquement utilis´e pour produire des ´

etats de Fock mais nous n’avons par encore mentionn´e ses liens avec l’information quantique.

Communication quantique Les syst`emes de communication quantique mis au point ac- tuellement, et mˆeme commercialis´es pour certains, n’utilisent pas l’intrication. Il leur suffit en effet de pr´eparer un ´etat quantique bien d´efini et de le transmettre. Mais les ´etats quantiques sont tr`es fragiles et deviennent donc rapidemment un m´elange statistique lors des transmissions, ce qui implique que ces syst`emes ont des port´es limit´ees (au mieux la centaine de kilom`etre [103]).

Afin de palier `a ce probl`eme, il faudrait des r´ep´eteurs quantiques qui permettraient de trans- f´erer les ´etats quantiques sur de longues distances avec une d´egradation la plus faible possible. Leur principe repose sur la t´el´eportation quantique [104, 52], qui n´ecessite de l’intrication. Celle- ci consiste `a partager un ´etat intriqu´e entre les deux interlocuteurs, Alice et Bob. Alice va ensuite effectuer une mesure conjointe entre sa « partie » de l’´etat intriqu´e et l’´etat qu’elle veut trans- mettre. Suivant le r´esultat de cette mesure, transmis par un canal classique, Bob va pouvoir modifier l’autre partie de l’´etat intriqu´e afin qu’elle reproduise l’´etat `a transmettre [105, 106].

Bob

Alice

L

État

intriqué

Modulation

Modulation

Mesure

conjointe

Figure 4.1: T´el´eportation quantique

En pratique l’intrication est elle aussi d´egrad´ee, conduisant `a une d´et´erioration de l’´etat t´e- l´eport´e, mais cette d´egradation peut ˆetre contr´ee par un ensemble de techniques. Les r´ep´eteurs quantiques sont des interm´ediaires qui, d’une mani`ere analogue aux r´ep´eteurs classiques (qui amplifient le signal afin de compenser les pertes), vont permettre d’augmenter encore la port´ee de la transmission. Commen¸cons donc par introduire l’un de ces interm´ediaires, que l’on nom- mera Charlie. Au lieu de partager un ´etat intriqu´e entre Alice et Bob, nous allons en partager un premier entre Alice et Charlie et un second entre Charlie et Bob. En effectuant une mesure conjointe entre les deux parties qu’il poss`ede Charlie va r´ealiser un transfert d’intrication (ou entanglement swapping) : l’intrication qu’il poss´edait avec chacun de ses partenaires et transf´er´ee entre ceux-ci [107, 108]. Alice et Bob, qui avaient initialement des ´etats ind´ependants, partagent alors un ´etat intriqu´e. Il est bien entendu possible d’´etendre ce principe `a autant d’interm´ediaires que l’on veut. Si la longueur de ces tron¸cons est correctement choisie, le temps pour effectuer une

communication passe d’une croissance exponentielle en fonction de la distance `a une croissance polynomiale [109, 110]. Maintenant que nous avons s´epar´e notre canal de transmission en tron- ¸cons ayant des pertes raisonnables, il convient, tout comme pour les communications classiques, de les corriger. Ceci est r´ealis´e par un processus appel´e distillation d’intrication[111, 112, 113] qui transforme un grand nombre d’´etats faiblement intriqu´es en un petit nombre d’´etats fortement intriqu´es : l’intrication est concentr´ee dans un sous-ensemble des ´etats de d´epart [114, 102, 115]. Ce processus peut ˆetre r´ealis´e en utilisant uniquement des op´erations locales et des communica- tions classiques (LOCC). Enfin, au moins une partie de ces op´erations ne r´eussissent pas `a tous les coups : c’est le cas de la mesure conjointe pour les variables discr`etes et de la distillation d’intrication (qui n´ecessite des ´etats et/ou des op´erations non gaussiennes) pour le cas continu. Il est donc indispensable de pouvoir stocker les ´etats quantiques [116, 117, 118, 119] correspondant aux r´eussites si l’on ne veut pas avoir un taux de succ`es ridiculement faible, et c’est actuellement le point qui pr´esente le plus de difficult´es.

L’ordinateur quantique L’intrication est aussi li´ee au calcul quantique : en effet les portes `

a plusieurs qubit permettent d’intriquer des qubits ind´ependants. Mais elle peut aussi y avoir un rˆole plus direct. Nous savons que ces portes sont tr`es difficiles `a r´ealiser avec la lumi`ere, et une id´ee astucieuse consiste alors `a inverser les relations entre ces portes et l’intrication : au lieu que les portes cr´eent l’intrication nous pouvons utiliser cette intrication pour r´ealiser les portes. L’id´ee consiste `a partir d’un tr`es grand ´etat intriqu´e, appel´e ´etat cluster, et `a r´ealiser les portes `a l’aide de mesures projectives correctement choisies en fonction du calcul d´esir´e. Cette technique est nomm´e one-way quantum computing (car les mesures projectives sont irr´eversibles contrairement aux op´erations unitaires normalement utilis´ees) [120].

4.1.1.2 Mesure de l’intrication

Un ´etat est intriqu´e s’il n’est pas s´eparable, c’est-`a-dire qu’on ne peut pas d´ecrire s´epar´ement les objets qui le composent. Une d´efinition plus stricte pour les ´etats bipartites est que deux syst`emes sont intriqu´es si leurs corr´elations ne peuvent pas ˆetre obtenues par des LOCC. Il est bien plus difficile de d´efinir l’intrication pour des ´etats contenant plus de deux objets, aussi nous nous restreindrons au cas bipartite.

Pour un ´etat pur l’intrication peut-ˆetre quantifi´ee par l’entropie apr`es r´eduction `a un seul mode. C’est-`a-dire, pour un ´etat ˆρAB avec ˆρA= TrB( ˆρAB) et ˆρB= TrA( ˆρB) :

E = −Tr ( ˆρAlog2( ˆρA)) = −Tr ( ˆρBlog2( ˆρB)) (4.1)

L’entropie mesure notre m´econnaissance de l’objet ; dans ce cas particulier elle provient de l’in- trication entre les deux objets : si on ne regarde qu’une partie du syst`eme, plus cette partie sera ind´ependante de la seconde plus on sera sˆur de son ´etat. Au contraire s’il y a une grande d´ependance, c’est-`a-dire une forte intrication, alors le fait de ne pas connaˆıtre la seconde par- tie « propage » cette m´econnaissance sur la premi`ere partie. Cette mesure est appel´e entropie d’intrication. Pour deux qubits maximalement intriqu´es nous avons E = 1, cette quantit´e d’in- trication est appel´ee ebit.

L’affaire se complique pour les ´etats mixtes. La mesure pr´ec´edente ne peut pas ˆetre utilis´ee car elle ne fait pas la diff´erence entre la m´econnaissance due `a l’intrication et celle due au m´elange statistique. Comment alors quantifier l’intrication ? On pourrait penser `a utiliser des processus n´ecessitant l’intrication : plus ils sont r´ealis´es efficacement plus l’intrication serait grande. Cette m´ethode conduit `a de nombreuses mesures de l’intrication (comme par exemple le crit`ere de Reid-EPR li´e au « paradoxe EPR » [121, 122] ou la fid´elit´e de t´el´eportation quantique

[123, 124]). L’ennui est que ces mesures donnent des r´esultats diff´erents : un ´etat |ψi peut ˆetre plus intriqu´e qu’un autre ´etat |ϕi pour une mesure donn´ee alors qu’une seconde mesure donnera le r´esultat inverse.

Il existe en r´ealit´e un tr`es grand nombre de mesures diff´erentes, leur sens physique n’´etant pas toujours aussi ´evident. Et parmi celles-ci beaucoup n´ecessitent des proc´edures d’optimisation complexes les rendant peu, voire pas du tout, utilisables en pratique. Dans ce chapitre nous utiliserons une des rares mesures calculables : la n´egativit´e [125]. Elle est d´efinie par

N = ρˆ TA AB 1− 1 2 (4.2) ˆ ρTA

AB´etant la matrice densit´e obtenue par transpos´ee partielle dans le sous-espace A de l’op´erateur

densit´e de l’´etat bipartite ˆρAB :

A, ψB| ˆρTABA |ϕA, ϕBi = hϕA, ψB| ˆρAB|ψA, ϕBi (4.3)

La norme || ˆρ||1 vaut

||ˆρ||1= Trpρˆ†ρˆ (4.4)

La fonction racine n’est pas analytique nous devrons donc, comme pour l’entropie, revenir `a la matrice densit´e et la diagonaliser afin d’obtenir la n´egativit´e. Celle-ci est en fait ´egale `a la somme des valeurs propres n´egatives de ˆρTA

AB (en valeur absolue). Nous pouvons alors v´erifier que

pour un ´etat s´eparable la n´egativit´e est nulle : en effet nous avons dans ce cas ˆρTA

AB = ˆρAB, et les

valeurs propres restent donc positives. La n´egativit´e des deux qubits maximalement intriqu´es ´

evoqu´es pr´ec´edemment, dont l’entropie d’intrication ´etait de 1ebit, est de 1/2.

4.1.1.3 Etats de Bell´

Les ´etats de Bell sont les ´etats maximalement intriqu´es entre deux qubits. Dans le cas discret ils valent :

|φ±i =

|0i |0i ± |1i |1i √

2 (4.5)

|ψ±i =

|0i |1i ± |1i |0i √

2 (4.6)

L’´equivalent en terme de variables continues avec un codage sur des ´etats coh´erents de phases oppos´es donne

|φ±,coheri =

|αi |αi ± |−αi |−αi r

21 ± e−4|α|2

(4.7)

|ψ±,coheri =

|αi |−αi ± |−αi |αi r

21 ± e−4|α|2

Il est aussi possible de coder les qubit sur la parit´e d’´etats chats de Schr¨odinger, les ´etats de Bell ´etant alors uniquement une permutation des pr´ec´edents

|φ+,chati = |C+i |C+i + |C−i |C−i √ 2 = |φ+,coheri (4.9) |φ−,chati = |C+i |C+i − |C−i |C−i √ 2 = |ψ+,coheri (4.10) |ψ+,chati = |C+i |C−i + |C −i |C+i 2 = |φ−,coheri (4.11) |ψ−,chati = |C+i |C−i − |C −i |C+i 2 = |ψ−,coheri (4.12)

Si nous voulons r´ealiser des protocoles d’information quantique avec des qubits `a variables continues, c’est donc ces ´etats que nous devons utiliser, mais comment les produire ? Le plus simple consiste `a envoyer un chat de Schr¨odinger monomode (

2α ±

−√2α )/√2 sur une lame s´eparatrice 50/50 : suivant la parit´e du chat et la face d’entr´ee on obtient alors les quatre combinaisons possibles (l’intrication venant du fait que la phase des deux faisceaux en sortie d´epend de la phase en entr´ee).

Cependant ces ´etats se d´egradent tr`es rapidement avec les pertes, et mˆeme d’autant plus vite que les chats sont grands. Nous l’avons dit la distillation d’intrication permet d’y rem´edier, mais ce n’est pas le seul moyen. Il est aussi possible de contourner le probl`eme en cr´eant l’intrication `

a distance, et c’est cette derni`ere m´ethode que nous nous proposons d’´etudier.