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CHAPITRE 3 CONCLUSIONS ET BASES DE REFLEXION POUR LA REALISATION

2.2 L’intervention publique à échelle locale sur le secteur laitier

Le secteur laitier a longtemps été encadré par les instances nationales voire supranationales comme l’Europe. Pourtant aujourd’hui, ces institutions semblent délaisser le rôle qu’elles s’étaient fixées, fragilisant ainsi l’économie laitière. Leur retrait met alors les collectivités locales au premier plan pour intervenir dans ce domaine.

La fin de la régulation européenne des marchés laitiers

Avec la réforme de l’Agenda 2000, l’Europe modifie en profondeur son intervention sur le secteur laitier et semble se désengager de la régulation des marchés. Cette orientation répond plutôt à une logique libérale de “ convergence ”, prônant le détachement entre l’économie et le territoire (Pecqueur, Torre, Vandecandelaere, 2003).

Tout d’abord, l’institution européenne a choisi de maintenir ses subventions à un niveau équivalent à celui existant jusque-là. Cependant, elle a également décidé de les “ verdir ” en les soumettant à des conditions de sécurité sanitaires et environnementales. Ainsi, la communauté paraît jouer sur deux tableaux. D’une part elle calme les ardeurs d’une communauté internationale particulièrement revendicatrice envers la PAC, en faisant passer ses aides dans la “ boite verte ” des interventions autorisées sur le marché. Ensuite, elle ne provoque pas de rupture brutale avec sa politique de soutien, ce qui permet d’éviter un éventuel soulèvement social agricole. Pourtant, sa décision aura un impact certain. Elle accélérera la professionnalisation et la spécialisation du secteur en écartant les exploitations

qui ne pourront se mettre aux normes et suivre l’évolution laitière (Conseil Général du Génie Rural des eaux et forêts, Juillet 2004, Institut de l’Elevage, 2004 b). Il semble que l’on ait affaire à une sorte de “ plan social de licenciement ” d’une agriculture “ presque fonctionnaire ”.

Par ailleurs, en parallèle du levier d’action sur le secteur agricole, la diminution des prix d’intervention et l’augmentation des quotas permet de laisser la « main invisible » du marché restructurer naturellement (et en silence) la filière laitière. Au final, la fin de la régulation publique européenne laisse libre cours aux stratégies des grandes entreprises laitières. Les producteurs et transformateurs laitiers sont alors beaucoup plus liés aux évolutions des marchés (Entretien Lescheraines).

Le renforcement du soutien des collectivités locales

Le désengagement de l’Europe et de l’Etat dans la gestion de l’économie laitière laisse place à de nouveaux acteurs : les collectivités locales. Ces institutions ont un rôle fondamental aujourd’hui dans les actions de développement138. Elles mènent des politiques à l’échelle locale et tentent par là même de concilier le développement de leur territoire avec les attentes de leurs citoyens. Aujourd’hui, ces attentes sont importantes en termes sociaux (création d’emploi, conditions de travail, etc.), économiques (création et répartition de richesse) et environnementaux (préservation de la biodiversité, des paysages, de la qualité de l’eau, etc.).

Aujourd’hui, la multifonctionnalité de l’agriculture est reconnue. Ainsi, on admet que cette dernière apporte de services collectifs socioéconomiques et environnementaux. De nombreuses institutions locales décident donc de la préserver afin qu’elle poursuive son action positive sur leur territoire. Par ailleurs, la production de biens de qualité étant fortement plébiscitée139, le soutien des démarches de qualité fait parfois partie intégrante de la politique des acteurs publics locaux. Ainsi, les politiques de “ divergence ” mises en place par l’Europe (Indications Géographiques) sont alors soutenues par des collectivités locales (Berriet-Solliec et al, 2005).

Sur notre terrain d’étude nous avons pu observer les actions de Communautés de Communes (CdC) et d’un Parc naturel régional. Il apparaît très clairement que ces acteurs se

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Dans les années 1970, les méthodes de développement se basaient systématiquement sur l’intervention de l’Etat. Avec la diminution progressive des ressources du pouvoir central, ce rôle a été transféré aux collectivités locales lors des mouvements de décentralisation des années 1980 (Santamaria, 2002).

sentent investis d’une mission de préservation de leur agriculture, laquelle est très présente sur le territoire. La principale orientation agricole étant la production et la transformation de lait sous IG, c’est l’ensemble de l’économie laitière qui est visé par leurs actions de développement.

Le PNR-MB réalise de nombreuses opérations en vue de consolider les filières laitières de son territoire (animation, investissement en infrastructure). Il cherche à leur donner les moyens de valoriser leurs caractéristiques (actifs spécifiques), de les rapprocher des consommateurs potentiels, et de les soutenir pour leur impact territorial (entretiens d’espaces naturels, impact culturel, etc.). Les programmes du Parc se font systématiquement en faveur de filières engagées dans un Modèle Productif Laitier de type “ Q ” (fromages sous IG, filières courtes). Ce faisant, le PNR s’assure de fortes retombées en terme d’image, ce qui est favorable au développement du tourisme. De plus, il ancre fortement le secteur laitier sur son territoire et assure ainsi la durabilité de son développement.

De leur côté, les Communautés de Communes bénéficient de moins de moyens que le Parc naturel régional. Pourtant, elles aussi s’investissent à leur échelle dans l’économie laitière. Ainsi, la “ CdC du Pays des bauges ” située dans le cœur des Bauges a accordé il y a quelques années une subvention aux fruitières de sa circonscription. Ensuite, la “ CdC du Canton d’Albens ” située dans la plaine de l’Albanais a construit les bâtiments de la nouvelle fromagerie de St Ours avec l’aide de subventions départementales. La coopérative de vente de lait lui paie depuis un “ loyer ” permettant de rembourser les prêts effectués. Lorsque les échéances seront terminées, le bâtiment appartiendra aux coopérateurs. Ce système, basé sur le modèle des “ pépinières d’entreprises ” permet d’assurer la pérennité de la fruitière en allégeant ses charges140. Ainsi, la Communauté de Commune peut ainsi installer une entreprise sur son territoire et donc créer des emplois, percevoir une taxe professionnelle, etc.

Au final, les collectivités agissent à petite, voire très petite échelle. Leurs actions sont réduites et présentent des limites en termes de moyens. De plus, elles sont fortement dépendantes des décisions politiques des acteurs locaux. Ainsi, leur action n’est pas en mesure de contrer les politiques de “ convergence ” de l’Europe. Néanmoins, elles apportent une action parfois cruciale dans le soutien de l’économie laitière, comme le prouve l’aide du PNR-MB à la mise en place de l’AOC tome des Bauges.

Les observations que nous présentons ici mériteraient d’être réalisées en d’autres terrains d’étude dans le cadre d’une thèse. Nous pensons ainsi au Vercors, lieu de production d’AOC mais également PNR. Nous pensons aussi au Parc naturel régional du Pilat, lieu de production du “ pavé d’Affinois ”, fromage industriel aux rapports au territoire ambigus et de l’AOC “ rigotte de Condrieu ”. D’autres lieux devraient également être trouvés en d’autres régions de la France, et avec d’autres types de collectivités locales. Enfin, l’étude pourrait s’étendre également à l’analyse de l’économie laitière caprine.