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Notre méthodologie repose sur deux choix de travail principaux : la définition des objets de l’étude et le choix des critères permettant d’évaluer les liens entre le système productif laitier et son territoire. Par ailleurs, nous justifions ici le choix du type d’intervention institutionnelle qui a été étudié pour répondre à la problématique.

Le choix des objets d’étude et de la méthode utilisée

Nous parlons depuis le début de ce document des rapports au territoire de l’économie laitière. La mobilisation de cette terminologie nécessite une certaine clarification. Ainsi, on peut légitimement se poser les trois questions suivantes : Qu’est-ce que “ l’économie laitière ” ? Comment peut-on évaluer ses liens avec son territoire ? Comment collecter les informations nécessaires à cette évaluation ?

Qu’est-ce que “ l’économie laitière ” ?

Nous considérons dans cette étude le “ système productif laitier ” ou le “ secteur laitier ” ou l’“ économie laitière ” comme étant l’ensemble des personnes morales (entreprises) contribuant directement au travers de leur activité professionnelle à la fabrication de produits laitiers. Ainsi, cette entité est composée de filières. Ces chaînes économiques sont des successions d’entreprises reliées entre elles par des flux de matière première ou transformée. Dans notre cas, ce sont des flux de lait qui lient les entreprises considérées.

Nous proposons de diviser schématiquement les filières laitières en trois parties : P - la production de lait en exploitation agricole ; T – la transformation de lait26 ; D – la distribution

25 Ce dernier est présenté en ANNEXE 1 avec le détail des questions posées.

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Cette partie T pourra être divisée ensuite en plusieurs étapes en fonction du produit laitier réalisé. Dans l’exemple de la production fromagère on distinguera lorsque cela sera nécessaire la fabrication du fromage et son affinage. On aura donc une unité de transformation ainsi qu’un atelier d’affinage. Aujourd’hui, cette distinction n’a plus souvent lieu d’être car les entreprises de transformation affinent souvent elles-mêmes leur production.

des produits laitiers. L’économie laitière est donc constituée des entreprises P-T-D des filières laitières (voir Figure 4). Dans ce mémoire, nous ne nous attacherons qu’à la filière laitière bovine (la filière caprine pourra faire l’objet d’une autre étude).

Figure 4 Schéma d’une Filière Laitière

Commentaires de la Figure 4 :

On notera sur ce schéma que la filière laitière est en interaction directe avec l’extérieur grâce au secteur amont, aux consommateurs, mais aussi grâce à la distribution qui n’est pas totalement incluse dans le cercle. En effet, celle-ci peut travailler avec d’autres produits que ceux laitiers et peut faire partie d’autres filières. On remarquera aussi la présence de trois circuits reliant la chaîne économique au consommateur “ C ”. Celles qui relient P à C et T à C sont considérées comme étant des filières courtes. Celle liant D à C est une filière dite “ longue ”.

Nous posons comme hypothèse que la partie transformation constitue le centre de la filière : elle est une plaque tournante liant P à D et donc décidant le chemin parcouru par le lait entre le lieu de production et celui de distribution. Ainsi, la transformation choisi ses fournisseurs en lait (P) et ses clients distributeurs (D). La réalité est parfois différente de ce schéma, mais ce cadre nous permet de normaliser nos objets d’étude. Il s’inscrit d’ailleurs dans la continuité des remarques de Pilleboue (2000) lorsqu’il constate que le pouvoir de décision au sein des filières a été transféré progressivement depuis les agriculteurs vers les transformateurs qui jouent aujourd’hui un rôle central.

La représentation spatiale que nous retenons pour l’économie laitière est celle d’un “ bassin de production ”27. De ce bassin global, nous ne conservons que l’éventail de la convergence du flux de matière première vers le centre de transformation : le “ bassin laitier ” ou “ bassin de collecte ”. Nous ne prenons pas en compte l’autre composante du bassin de production : le bassin de distribution. En effet, dans notre optique de “ géographie aménagiste ”, nous nous intéressons principalement à la production des produits laitiers puisque c’est cette partie de la filière qui est potentiellement délocalisable.

27 “ Les bassins de production sont des espaces géographiques spécialisés, structurés par des flux entretenus entre les exploitations productrices, entre ces dernières et les acteurs économiques et institutionnels de la filière considérée, entre l’ensemble ainsi formé et les acteurs du territoire support ” (Vaudois, 2000)

Comment évaluer les liens entre le secteur laitier et le territoire ?

La définition que nous donnons pour le terme “ économie laitière ”, nous conduit à nous interroger sur la méthode à employer pour analyser ses liens avec le territoire.

Tout d’abord, dans l’idéal, nous devrions analyser les positions de chaque entreprise du secteur laitier étudié. En effet, toutes possèdent un rapport au territoire particulier au travers de leurs activités. Cependant, pour des raisons pratiques, nous n’avons pas procédé ainsi (trop de cas). Ayant présenté plus haut les entreprises de transformation comme étant le centre de la chaîne économique, nous avons choisi de ne traiter que leurs données. Nous avons décidé de les considérer comme représentatives de l’ensemble du système productif laitier. En effet, ces agents économiques ajustent leur stratégie en fonction de l’amont et de l’aval de leur filière.

Ensuite, pour étudier les rapports au territoire du secteur laitier, nous avons du choisir des critères bien particuliers. Pour cela, nous avons repris les trois champs du rapport au territoire qui ont été identifiés dans la revue de littérature : la technique, le marché et la gouvernance. Ils présentent l’avantage de fournir une grille simple, intégrant plus ou moins tous les types de liens. Les questions retenues pour la réflexion menée sont donc :

- Le marché : Quelle maîtrise possèdent les acteurs locaux du secteur laitier sur leur activité économique ? Si celle-ci est faible, cela veut dire qu’elle peut disparaître aisément sous une impulsion extérieure et donc que les liens au territoire sont faibles. - La gouvernance : Quelle est l’ampleur des liens entre le système laitier et les autres

acteurs du territoire ? Si celle-ci est faible, cela veut dire que le territoire est interchangeable et donc que les liens au territoire sont faibles28.

- La technique : Les caractéristiques techniques liant le secteur laitier au territoire sont – elles contraignantes ou non ? Si elles ne le sont pas, les méthodes de production peuvent être automatisées, limitant ainsi la typicité et l’ampleur des liens au territoire. Les enquêtes que nous avons menées ont systématiquement cherché à répondre à ces questions centrales. Nous avons voulu le faire de manière qualitative et quantitative. L’analyse quantitative a été réalisée grâce à un indicateur synthétique que nous avons mis sur pied à partir de données chiffrées sur la production laitière et ses marchés. Nous avons

28 Les modes de coordination en vigueur sur le territoire reflètent son degré d’autonomie. Il s’agit en effet de sa capacité, en tant que système, à gérer ses relations avec son environnement et à orienter sa politique de développement économique de manière à maintenir sa compétitivité (Millat, Bataini, 2003)

également eu une approche qualitative approfondie, grâce à une série d’entretiens. Nous allons maintenant préciser ces choix en présentant le contexte méthodologique de notre enquête.

Comment collecter les informations nécessaires à l’étude ?

Pour obtenir des éléments de réponse à nos questionnements théoriques, nous avons réalisé une étude de cas avec enquête de terrain. Ainsi, nous avons choisi un lieu d’investigation et des personnes à interroger.

Le choix du lieu et de l’acteur public étudié

Nous avons sélectionné pour terrain le massif des Bauges. Il s’agit d’une région particulièrement adaptée à notre problématique puisqu’elle possède de nombreux produits laitiers aux rapports au territoire divers et variés. Nous présenterons plus en détail ses caractéristiques dans la partie 2.1.

Par ailleurs, un point important nous a conduit à choisir ce lieu : la présence d’acteurs publics particulièrement dynamiques et engagés dans la filière laitière (Communautés de Communes, etc.). Comme nous l’avons vu dans la partie 9.512.5., les régulations institutionnelles du secteur laitier changent et les “ territoires de projets ” prennent un rôle de plus en plus important. Parmi les acteurs publics présents, nous avons donc décidé d’étudier le “ Parc naturel régional du Massif des Bauges ” (PNR-MB). Nous avons cherché à analyser au cours de notre étude, l’influence que peut avoir cette structure sur les rapports au territoire de l’économie laitière baujue.

Le choix de cette collectivité locale nous a permis de définir les contours de notre terrain d’enquête. Ainsi, nous avons choisi de suivre les contours de la révision de la charte du Parc naturel régional du Massif des Bauges29. Nous avons fait ce choix car il nous a permis de travailler sur un espace cohérent au niveau des dynamiques laitières.

Les personnes interrogées et les méthodes de collecte d’information

Nos interviews ont été réalisées auprès de différents acteurs de l’économie laitière ainsi qu’auprès des responsables travaillant directement avec eux.

Nous avons d’abord interrogé des responsables institutionnels de la filière. Nous avons ainsi rencontré dans un premier temps les animateurs des Fédérations Départementales des Coopératives Laitières (FDCL) concernées. Puis, nous avons contacté les animateurs d’associations interprofessionnelles de produits laitiers présents sur le terrain d’étude : le Syndicat Interprofessionnel de la TOme des Bauges (SITOB), l’Association des Fromages Traditionnels des ALPes savoyardes (AFTALP). Ces acteurs ont pu nous livrer une vision globale du secteur laitier local en prenant en compte l’ensemble des filières. Dans un deuxième temps, nous avons interviewé les responsables des unités de transformation des filières étudiées. Lorsque celles-ci étaient gérées conjointement par une coopérative de producteurs et une entreprise de transformation, nous avons systématiquement cherché à rencontrer les responsables des deux entités30.

Les entretiens ont été systématiquement enregistrés sur support audio et ont fait l’objet de prise de note. Ce matériel a ensuite été analysé (reprise des notes, écoute des enregistrements) et chaque interview a fait l’objet d’un compte rendu détaillé. L’ensemble a été trié suivant une grille d’analyse qui sert de plan à la présentation des résultats dans le chapitre suivant. Les données présentées ici ont fait l’objet de nombreux traitements et agrégations. Il a en effet été convenu avec chaque personne rencontrée que les données confidentielles seraient anonymes.