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PARTIE I : CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL DE RECHERCHE

CHAPITRE 4 : RELATIONS SOCIÉTÉS-NATURE

4.2 L’interface société-nature et le dualisme nature-culture

Cette dichotomie qui est à la base de la pensée occidentale et de son découpage cognitif, a fondé et a structuré tout un monde de pensées. Plusieurs auteurs ont traitées de ce dualisme nature-culture (Larrère & Larrère, 1997 ; Leopold, 1949 ; Levi-Strauss, 1949, 1962 ; Descola, 2006). C’est avec Levi-Strauss (1962) qu’une théorie sur ce qu’il nomme la "science du concret" se met en place notamment dans son ouvrage "La pensée sauvage". C’est au travers des mythes, des rites, des croyances, du langage, des techniques, des pratiques et des autres faits culturels qu’elle prend sens et se donne à voir. De plus, ce savoir se transmet, s’acquiert de génération en génération par la filiation. La connaissance peut-être à la fois objective et subjective, de même qu’être le résultat du rapport concret de l’homme à son milieu tant intellectuel qu’affectif. Connaître la nature, c’est d’abord se situer par rapport à elle. Trois visions sont apparues successivement, celle typiquement grecque qui

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place l’homme au centre de la nature, en position d’observation, une autre incontestablement moderne qui sépare le sujet et l’objet, ouvrant la possibilité d’une maîtrise expérimentale et technique, et enfin la plus récente qui insiste sur notre appartenance à la nature (Larrère & Larrère, 1997).

Pour Godelier (1984), le milieu naturel est une réalité que l'homme transforme par ses diverses manières d'agir sur la nature, de s'en approprier les ressources. En marge de cette pensée, Barrau (1991) a précisé que l’idée du lien étroit entre l’homme et la nature dans les pratiques et les savoirs locaux des populations, s’est développée en marge des fondements de la pensée occidentale et du dualisme homme/nature, qui ont vu le jour dès la philosophie grecque et ont perdurés jusqu’à nos jours.

Pour le courant structuraliste de Lévi-Strauss, La culture est une mise en ordre de la réalité, et représente un dépassement du biologique. La rupture entre nature et culture s’exprime à travers la parenté. La prohibition de l’inceste est la première règle fondatrice universelle. Elle illustre le passage du fait naturel de la consanguinité au fait culturel de l’alliance. L’obligation d’exogamie permet d’assurer l’échange social (Lévi-Strauss, 1949). Un deuxième domaine où s’exprime cette rupture correspond aux systèmes de représentations (Lévi-Strauss, 1962). Ainsi, la pensée sauvage n’est pas la pensée de sociétés qui représente une humanité primitive ou archaïque, elle est une forme différente de penser les relations que la pensée rationnelle occidentale, qui s’applique à d’autres phénomènes.

Selon Haila (2000), ce dualisme peut être surmonté en favorisant des analyses spécifiques au contexte à la place de ce que cet auteur appelle «a global, all encompassing dualism» (Haila, 2000 : 156). De ce point de vue, la nature occupe une place incontournable dans la plateforme d’action matérielle à former par les acteurs participant à la gouvernance du développement durable territorialisé. De sa part, Descola (2006) nous livre une synthèse sur les sociétés humaines où la nature n’est pas dissociée et distinguée des humains mais en continuité, et dont les frontières ne sont pas celles que nous connaissons, nettement tranchées entre humains et non-humains. A ce propos, il souligne que pour les grecs de l’Antiquité, et pour Aristote, les humains font partie de la nature et que le christianisme, a apporté aux modernes l’idée que les humains sont extérieurs et supérieurs à la nature.

La pensée façonne ainsi le monde, ses limites, et les réalités sociales, et la conception de la nature révèle la conception des rapports sociaux. La façon singulière à chaque culture de

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penser la nature génère une façon toute aussi singulière d’être au monde et d’agir sur lui. Bien qu’aujourd’hui les sens donnés au concept de culture soient plus divers que les conceptions évoquées, une conception exclusivement progressiste ou civilisatrice de l’histoire (le binôme développement–culture civilisatrice), occupe toujours une place importante dans le débat sur le rôle de la culture dans le développement des pays du Sud (Berthélemy et Coulibaly, 2006).

Les relations à la nature sont des constructions culturelles qui varient d’une société à l’autre, selon les niveaux différents de discours et dans des temps différents. Les rapports avec la nature se calquent sur le mode de relations sociales qui prévaut entre les êtres humains et repensent le lien nature-culture. La distinction entre un ordre naturel et un ordre culturel n’est pas universelle, cette opposition apparaît plutôt comme une particularité de la pensée occidentale. La nature est ainsi une réalité matérielle mais pas pour autant une réalité objective, toute conception de la nature est une construction culturelle comme souligné par Descola (1986) :

« Entre ce que nous appelons nature et la société, s’interpose toujours le dispositif culturel- le(s) schème(s) de représentation– à travers lequel se réalise l’interprétation et la saisie de cette nature. » (Descola, 1986).

A ce propos, Berthelot (1998) souligne que la façon d’appréhender le monde qui nous entoure et de le connaitre, est notre capacité d’établir des liens et de saisir des relations. Il existe donc différents modes de voir, de connaitre et de saisir les relations avec le monde qui nous entoure. Nous avons des croyances, des normes sociales qui marquent notre comportement, des pratiques quotidiennes basées sur le vécu, l’expérience, les savoirs du sens commun et les principes des interactions humaines sont tributaires des changements historiques et culturels. Les ressources naturelles renvoient à une représentation de l’espace concrétisée par la domestication d’un territoire. Elles ne sont pas extérieures aux sociétés mais plutôt le produit d’une construction sociale et culturelle.

Nous proposons en ce qui suit, un bref panorama sur divers axes d’étude des représentations sociales et de leur confrontation dans l'élaboration de la réalité. L’examen d’une série de références bibliographiques, nous montre que les sujets possèdent, à l'égard d'un même objet, divers types de croyances qu’ils mobilisent en fonction de l’identité sociale activée par le contexte d’interaction. Les représentations sociales visent alors à négocier sur des savoirs

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qui s'affrontent et les prises de position des sujets sont affectées par leur positionnement dans les rapports sociaux qui trouve sa traduction dans le champ représentationnel.