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L’interaction entre les arguments des acteurs

Chapitre I. Le processus de création des politiques sur l’eau au Québec

Section 2. L’interaction entre les arguments des acteurs

Dans cette partie, nous analyserons l’interaction entre les divers arguments soutenus par les acteurs sociaux dans leurs discours à l’occasion de la consultation publique sur l’eau tenue par la BAPE. Nous analyserons tout d’abord l’interaction entre les discours des acteurs économiques qui avaient des intérêts divergents et, par conséquent, qui prônaient différents statuts pour l’eau (2.1). Nous nous attarderons ensuite à l’interaction entre les discours des groupes sociaux et ceux des acteurs politiques qui visaient à établir un statut pour l’eau en tant que chose commune (2.2). Enfin, nous analyserons l’interaction entre le gouvernement du Québec et les gouvernements des États fédérés américains riverains des Grands Lacs, laquelle aurait servi à façonner des ententes pour la protection des quantités de ce grand réservoir hydrique (2.3).

2.1. L’interaction entre les discours des acteurs économiques

Les acteurs économiques avaient des positions différentes face à divers enjeux qui ont été soulevés dans la consultation du BAPE. Cette consultation a d’ailleurs permis de faire ressortir les différences de vue entre les divers acteurs économiques, surtout par rapport aux questions relatives au statut juridique de l’eau (a), à son exportation (b) et à sa gestion (c).

a. Le statut juridique de l’eau

Les acteurs économiques soutenaient deux approches différentes par rapport à l’eau. Ainsi, certains prônaient le statut de l’eau en tant que bien économique, tandis que d’autres proposaient plutôt le statut de l’eau en tant que chose commune. Ces positions rencontrées

trouvaient leur justification dans les avantages ou les intérêts que chaque groupe pouvait tirer de l’un ou de l’autre de ces concepts.

Les discours des acteurs qui appuyaient l’approche économique des ressources en eau faisaient référence à des points communs comme la rareté de l’eau et sa valorisation économique, principes qui découlent du discours économique.

Les acteurs qui prônaient cette approche peuvent être classés en deux groupes. D’un côté, on retrouvait un premier groupe d’acteurs économiques qui visaient l’appropriation de la ressource, et ce, dans le but de la commercialiser sous différentes formes. Ce groupe d’acteurs invoquait l’argument de la rareté de l’eau dans le monde pour justifier la création d’un marché mondial de l’eau pour les pays les plus assoiffés. Ils avançaient qu’en donnant une valeur économique à l’eau, on pouvait lui attribuer un prix et la régir selon les lois de l’offre et de la demande. En effet, ce groupe d’acteurs, participant au forum officiel organisé par le BAPE, tentait de convaincre les décideurs d’adopter le discours économique des ressources en eau qui soutient que face à la rareté, la propriété de l’eau jouerait un rôle coordonnateur, pacificateur et civilisateur.

Ces acteurs ont utilisé diverses stratégies afin d’essayer de convaincre le gouvernement de l’importance de baser la relance économique du Québec sur l’exploitation de sources inépuisables en eau, ressource qui devait être comprise comme un bon produit à commercialiser476. Dans ce sens, ils ont participé au forum officiel du BAPE pour véhiculer leur discours477; ils se sont regroupés pour travailler en

476 ASSOCIATION DES EMBOUTEILLEURS DEAU DU QUÉBEC, préc., note 337. 477 LUMINÉRO ENR.,G.AUSSANT, préc., note 329, p. 3.

réseau, tel que l’ensemble des embouteilleurs l’a fait via l’Association des embouteilleurs d’eau du Québec478; et ils ont créé des espaces privés de discussion et déployé des activités de lobbying comme l’a d’ailleurs fait l’homme d’affaires Jean Coutu479.

Bref, ces acteurs avaient un objectif commun : l’appropriation de l’eau afin de tirer des profits de sa vente, que ce soit en bouteille ou en vrac.

D’un autre côté, utilisant les mêmes stratégies, on retrouvait un groupe d’acteurs prônant l’approche économique de l’eau, groupe qui, même s’il n’avançait pas nécessairement des discours concernant l’appropriation de l’eau comme telle, utilisait le même argument de la rareté de l’eau pour souligner l’importance de lui attribuer une valeur économique, donc un prix à son utilisation afin d’éviter son gaspillage. En effet, ils cherchaient à convaincre les décideurs de fixer un prix à l’eau qui permet de récupérer les coûts de distribution et d’assainissement, mais aussi d’en tirer des profits, afin d’encourager la participation du secteur privé. Ils avançaient que dans le but de gérer l’eau plus efficacement, et de développer un savoir-faire exportable, le secteur privé serait mieux placé pour faire sa gestion480.

Les acteurs qui soutenaient cette orientation agissaient en réseau par le biais des différents regroupements comme les Chambres de

478 ASSOCIATION DES EMBOUTEILLEURS DEAU DU QUÉBEC, préc., note 337. 479 D.ALLARD, préc., note 334, p. 2.

commerce481, le groupe S.M. international, le Réseau environnement482 ou encore l’Ordre des ingénieurs du Québec483.

En effet, comme SNC-Lavalin, Aquatech et d’autres acteurs l’avaient signalé dans le forum officiel du BAPE, ils avaient l’intérêt de devenir les gestionnaires des ressources en eau au Québec. Les mémoires présentés lors de la consultation du BAPE sont révélateurs de ceci.

Par ailleurs, on retrouvait des acteurs économiques qui appuyaient en grande partie le discours qui proposait le statut de l’eau en tant que chose commune, discours qui était soutenu surtout par les groupes sociaux. Comme nous l’avons déjà expliqué, les tenants de cette approche s’opposaient à sa commercialisation et à l’approche économique des ressources en eau.

Certes, ce groupe d’acteurs économiques, composé de grands consommateurs d’eau, comme l’industrie des pâtes et papiers, l’industrie laitière et les agriculteurs, se ralliait au discours qui prônait le maintien du statut de l’eau en tant que chose commune, mais n’avançait pas les mêmes arguments que les groupes sociaux. En effet, on ne retrouve pas parmi les arguments qu’invoquaient ces

481 CHAMBRE DE COMMERCE DU MONTRÉAL MÉTROPOLITAIN, préc., note 344, p. 7.

482 RÉSEAU ENVIRONNEMENT, préc., note 347, p. 3. Ce Réseau a des alliances avec

d’autres regroupements internationaux et nord-américains qui encouragent la participation du privé dans la gestion de l’eau.

« RÉSEAU environnement est le chapitre québécois de deux associations Américaines l’American Water Works Association (AWWA), composé de 55 000 membres, vouée à l’amélioration constante de la qualité de l’eau potable et la Water Environment Federation (WEF), regroupant 44 000 membres qui oeuvrent dans le domaine des eaux usées. RÉSEAU environnement a également des alliances stratégiques avec l’Association canadienne des eaux potables et usées (ACEPU), la New England Water Association (NEWEA), le Centre d’expertise et de recherche en infrastructures urbaines (CERIU) et la Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Québec. ».

acteurs pour conserver ce statut pour l’eau, ni le caractère vital de l’eau, ni son caractère essentiel dans le maintien des écosystèmes. En réalité, l’eau pour ces acteurs économiques n’est qu’un facteur de production, et le libre accès à celle-ci se traduisait en un avantage concurrentiel.

De plus, ils n’adhéraient pas aux demandes des groupes sociaux par rapport aux redevances qui devraient être imposées pour l’utilisation d’une chose commune. En effet, la gratuité de la ressource leur convenait particulièrement.

Ainsi, par l’intermédiaire du forum officiel du BAPE, ces acteurs ont véhiculé un discours qui prônait essentiellement le maintien du statu

quo en ce qui concerne la réglementation sur l’eau. Ils cherchaient à

continuer de profiter des avantages que le libre accès et le peu de règlementation existante sur l’eau leur procuraient, surtout face à la concurrence internationale.

Bref, les acteurs économiques prônaient des discours différents par rapport au statut de l’eau dépendamment de leurs intérêts dans la ressource. La divergence dans leurs positions se voit aussi reflétée dans des enjeux ayant un lien important avec le statut de l’eau, soit la question de son exportation et de sa gestion.

b. L’exportation de l’eau

En ce qui concerne la question de l’exportation de l’eau en vrac, les acteurs économiques étaient divisés en ce qui concerne la viabilité de ces projets. Ainsi, le premier groupe d’acteurs économiques prônant la propriété de l’eau déployait plusieurs stratégies afin de convaincre

les décideurs des avantages d’entreprendre des projets d’exportation de l’eau en grandes quantités.

Plus particulièrement, l’homme d’affaires Jean Coutu s’était servi, à l’époque, du Sommet sur l’économie et l’emploi tenu à Montréal en novembre 1996, afin de promouvoir l’idée d’exporter de l’eau du Québec. Ce forum, auquel participaient de nombreux hommes d’affaires, était la place idéale pour relancer le discours relatif à la commercialisation de l’eau douce. Suite au sommet, cet homme d’affaires a organisé un groupe de travail afin de planifier la meilleure façon d’exploiter les ressources en eau de la province. Il invite également des représentants du gouvernement du Québec afin de les convaincre de l’opportunité de ce projet484. En effet, en les invitant, il tente avec d’autres entrepreneurs de les impliquer. D’ailleurs, le parti au pouvoir de l’époque, le Parti Québécois, ne semblait pas être contre les projets d’exportation d’eau. Toutefois, il entrevoyait plutôt en faire une affaire nationale485.

Par contre, les acteurs économiques qui appuyaient le discours qui prônait le statut de l’eau en tant que chose commune se positionnaient plutôt contre les projets d’exportation de l’eau en vrac, car ceux-ci diminueraient la disponibilité de cette ressource pour leurs propres usages. C’était le cas de grands consommateurs d’eau, comme l’industrie forestière et laitière, ainsi que l’agriculture et de façon générale, des acteurs pour qui l’abondance et le libre accès à la ressource ont pour effet de les rendre plus compétitifs sur le marché international.

484 D.ALLARD, préc., note 334, p. 2.

Ces acteurs économiques individuellement ou réunis dans des organismes comme le Centre patronal de l’environnement du Québec et l’UPA486, en rejetant l’idée de permettre les exportations massives d’eau, adhéraient au discours avancé par les groupes sociaux. À cet effet, ils reprenaient certains arguments des ONG et soulignaient l’importance de conserver les quantités d’eau disponibles au Québec pour les divers usages. Bref, ils profitaient de la force des arguments véhiculés par les groupes sociaux et se ralliaient dans ce même sens.

Or, il est à souligner que leur appui ne répondait pas au partage d’une même position de principe, mais plutôt à la satisfaction de leurs intérêts en tant qu’entreprises gourmandes en eau.

En somme, on remarque à quel point les discours des acteurs économiques divergeaient quant à la question de l’exportation de l’eau. Ainsi, les acteurs qui visaient à entreprendre lesdits projets argumentaient que l’eau devrait être considérée comme un bien économique, appropriable et échangeable. Elle devrait être traitée comme n’importe quelle autre ressource naturelle, afin de pouvoir tirer profit de sa commercialisation. Par contre, les acteurs économiques qui consomment de grandes quantités d’eau se positionnaient plutôt contre ce discours. En réalité, la disponibilité et le libre accès à la ressource sont des facteurs qui avantagent leur productivité (c.-à-d. des avantages concurrentiels). Rendre la ressource appropriable, soumise aux lois de l’offre et de la demande et lui attribuer un prix se traduirait pour eux en une augmentation des coûts de production, ce qui affecterait leur compétitivité au niveau international (c.-à-d. la perte d’un avantage concurrentiel). Voilà pourquoi ces derniers acteurs s’opposaient au discours économique

des ressources en eau, et favorisaient le statut de chose commune pour l’eau, statut qui excluait la possibilité d’en faire son exportation.

Analysons maintenant les discours des acteurs économiques par rapport à la question de la gestion des services d’eau.

c. La gestion des services d’eau

En ce qui concerne la gestion de l’eau, notamment en ce qui a trait à la privatisation des services d’eau, les acteurs économiques intéressés à ce modèle de gestion déployaient des stratégies afin de convaincre un grand nombre d’acteurs sociaux, mais surtout les décideurs d’adopter leur discours.

Plus particulièrement, il s’agissait des acteurs économiques qui visaient à participer à la gestion des services d’eau pour ainsi tirer des profits économiques et développer un savoir-faire exportable. Par le biais de leur discours, ils cherchaient à convaincre les décideurs de l’intérêt de comprendre l’eau comme une ressource naturelle qui devait être monnayable, afin de pouvoir tirer profit de sa gestion. Pour atteindre cette fin, ils poussaient pour l’installation de compteurs d’eau à tous les usagers, puisqu’à leur avis, cette mesure permettrait de couvrir les divers coûts liés à l’utilisation de l’eau et en même temps de les rentabiliser.

Évidemment, les acteurs qui prônaient cette option faisaient du lobbying, non seulement auprès du gouvernement du Québec, mais également auprès des municipalités qui sont les premières responsables de la gestion de l’eau au niveau local, comme l’exprimait d’ailleurs la firme Aquatech :

« Aquatech est reconnu dans le monde municipal pour être le chef de file des gestionnaires privés d’ouvrages de traitement d’eau. Présents sur ce marché depuis 1981, nous devons apporter notre voix dans ce débat sur l’eau, et faire valoir notre vision ainsi que nos espoirs quant à notre métier d’opérateur privé.487 »

Cette firme déplorait d’ailleurs le fait qu’à l’époque, environ 85 % de la population était desservie par une usine d’épuration gérée par le secteur public et qu’il était difficile pour l’industrie de prendre forme dans ce contexte488.

Les entrepreneurs privés avaient cependant réussi à convaincre quelques municipalités de déléguer certains services, dont l’assainissement et la filtration d’eau. Ce fut le cas des villes de Longueuil, de Boucherville, de Terrebonne, de Boisbriand, de Saint- Eustache, de Sherbrooke, de Sorel-Tracy, de Lévis et de Sainte-Marie, pour ne nommer que celles-ci489.

Des alliances avaient été créées entre acteurs économiques et politiques. En effet, certains soulignaient que ces partenariats avaient été un succès grâce à l’implantation de sociétés d’économie mixte, ce qui permettait un meilleur contrôle de la part de municipalités dans la gestion de l’eau. La Ville de Sherbrooke avalisait d’ailleurs ces projets de partenariat, comme elle l’exprimait dans son mémoire :

« Si certaines municipalités sont tentées de privatiser les infrastructures liées à la gestion de l’eau, la Ville de Sherbrooke croit, quant à elle, qu’il y va de l’intérêt des citoyens que les infrastructures demeurent une propriété publique. […] Cependant, l’exploitation, l’entretien et l’administration

487 AQUATECH, préc., note 354, p. 1. 488 Id.

pourraient, à la rigueur, être confiés à l’entreprise privée ou semi-privée (publique-privée/société d’économie mixte) sous réserve d’un encadrement strict visant des critères de performance précis. » 490

Plus encore, la position de l’Union des municipalités du Québec, qui manifestait une ouverture face au choix des municipalités de faire des partenariats avec le secteur privé pour les services d’aqueduc et d’assainissement491, convenait aux acteurs qui s’attendaient à participer dans la gestion de l’eau.

« L’UMQ demande au gouvernement d’apporter des modifications à la Loi sur les sociétés d’économie mixte dans le secteur municipal de manière à favoriser la création de SEM dans le domaine de la gestion des infrastructures et des services d’eau. L’Union demande également au gouvernement d’élargir la gamme des formules de partenariats accessibles aux municipalités afin qu’elles puissent bénéficier de toute la souplesse dont elles ont besoin pour offrir de meilleurs services au moindre coût.492 »

En déployant plusieurs stratégies, comme les représentations dans différents forums et le lobbying auprès des municipalités et du gouvernement québécois, ces acteurs s’attendaient à voir au moins 50 % des municipalités desservies par le secteur privé :

« L’objectif n’est pas de chercher à remplacer le secteur public par le secteur privé, ni nous l’espérons, d’empêcher le secteur privé de prendre sa place. Il s’agit bien plutôt de viser un équilibre dont l’idéal serait de voir la moitié de la population servie par le secteur public, et l’autre moitié par le secteur privé. […] [D]e notre côté, nous sommes prêts, et espérons un signal fort des pouvoirs publics pour promouvoir un juste

490 VILLE DE SHERBROOKE, préc., note 396, p. 7.

491 L’UNION DES MUNICIPALITÉS DU QUÉBEC, préc., note 389, p. 18. 492 Id., p. 18.

équilibre entre secteur privé et secteur public, l’objectif ultime étant le grand marché international. »493

Afin de convaincre les décideurs, certains acteurs argumentaient que le service serait plus efficace avec la participation du privé et que ceci ne changerait pas le statut de l’eau comme tel : l’eau continuerait à être une ressource collective, de même que les infrastructures reliées à l’eau. À leur avis, ce statut n’empêchait pas les municipalités de déléguer la gestion des services d’eau au secteur privé494.

Cependant, ce discours est prôné par ceux qui soutiennent l’approche économique des ressources en eau et qui avancent que l’eau étant un bien économique, on doit mettre en place des outils économiques pour facturer l'utilisation de celle-ci495. C’est d’ailleurs pour cette même raison qu’ils s’opposent également à la reconnaissance d’un droit fondamental à l’eau. Une telle reconnaissance ne ferait que contribuer au gaspillage de la ressource496. Certes, la reconnaissance de ce droit pourrait nuire à l’objectif de rentabiliser les services d’eau, surtout lorsqu’on reconnaît un minimum vital à chaque personne pour son alimentation et son hygiène. La facturation de l’utilisation du surplus ne contribuerait certainement pas à tirer des profits du service. De plus, la suspension du service pour le non-paiement irait en contravention de ce droit. Bref, pour satisfaire les intérêts de ce groupe d’acteurs, la valorisation économique de l’eau est un préalable pour que le modèle fonctionne.

493 AQUATECH, préc., note 354, p. 14 et 15. 494 Id., p. 1.

495 LE GROUPE S.M. INTERNATIONAL INC., préc., note 343, p. 26 et 27.

496 Nathalie ELGRABLY,La face cachée des politiques publiques, Montréal, Les

Par ailleurs, on retrouvait la position des grands consommateurs d’eau, lesquels étaient plutôt réticents face au discours qui prônait la valorisation économique de l’eau, mais plus particulièrement au fait de devoir payer pour l’utilisation de l’eau. Cependant, certains acceptaient l'application du principe utilisateur-payeur, dans la mesure où ils pouvaient recevoir un service en échange :

« L’industrie est d’accord avec le principe de l’utilisateur-payeur. Les usines défraient déjà les coûts de prélèvement et de préparation de leur eau lorsque celle-ci provient directement d’une rivière ou du fleuve. Celles qui puisent leur eau à même un réseau de distribution paient la municipalité pour ce service. »497

L’industrie forestière s’opposait néanmoins à l’imposition de redevances. En soulignant qu’elle ne consommait pas l’eau comme telle, mais qu’elle retournait plutôt celle-ci, une fois traitée, à la rivière, elle considérait qu’une telle redevance n’engendrerait aucun gain environnemental ou social. Au contraire, celle-ci allait nuire à la compétitivité des industries québécoises sur le marché international498.

En effet, à la différence du principe général de l’utilisateur-payeur, les redevances impliquaient le devoir de payer pour le seul fait d’utiliser l’eau, et ce, sans recevoir aucun service en échange. Les redevances étant avant tout une contribution à la société pour le bénéfice tiré d’une chose commune, celles-ci étaient surtout proposées par les groupes sociaux499.

497 L’ASSOCIATION DES INDUSTRIES FORESTIÈRES DU QUÉBEC, préc., 331, p. 21. 498 Id., p. 20.

499 L’ASSOCIATION QUÉBÉCOISE POUR LE CONTRAT MONDIAL DE LEAU (AQCME), préc., note

Les agriculteurs s’opposaient, quant à eux, à l’installation de compteurs d’eau ainsi qu’à l’imposition de redevances500. De façon générale, ils n’acceptaient pas de payer pour l’utilisation de l’eau, car à leur avis, ceci nuirait au marché québécois agricole, mais surtout, ils considéraient s’adonner à une activité essentielle pour la survie humaine501.

À ce sujet, les agriculteurs qui participaient au débat qui se tenait à ce moment sur la question du statut des eaux souterraines étaient favorables à la confirmation du statut juridique de ces eaux en tant