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2-L’insuffisance rénale :

La maladie rénale chronique constitue un problème majeur de santé publique dans la plupartdes pays industrialisés avec notamment une incidence de l’IRC terminale en constante augmentation [165].

Le risque d’insuffisance rénale chronique (IRC) après néphrectomie a été initialement évalué par la simple mesure du taux de créatinine sérique [9,100], puis par la mesure du débit de filtration glomérulaire (DFG) selon MDRD (Modification of Diet in RenalDisease) [166].

Ainsi, il a été mis en évidence que le risque de développer une IRC postopératoire était significativement plus grand pour les patients opérés par NE par rapport à ceux ayant une NP et ce dans le traitement des tumeurs de moins de 4 cm [9,100,167].

Certaines publications ont montré une survie globale supérieure chez les patients opérés par NP pour des tumeurs de moins de 4 cm, comparativement à ceux opérés pour des tumeurs de plus de 4 cm [168]. Dans quelle mesure le bénéfice de préservation de la fonction rénale pour la NP se maintient au-delà du seuil des 4 cm n’a pas encore été clairement démontré.

En effet, on pourrait supposer que le maintien du résultat oncologique dans des conditions techniques plus difficiles pour les tumeurs de plus de 4 cm se fait au prix d’une augmentation des taux de clampage pédiculaire, des durées d’ischémie chaude et donc, minimise potentiellement le bénéfice fonctionnel.

Les courbes de Kaplan-Meier, représentant la survie sans modification significative du DFG après NP et NE, sont reportées sur les figures ci-dessous. [169]

Figure 24: Evolution du débit de filtration glomérulaire aprés NP.

Figure 25: Evolution du débit de filtration glomérulaire après NE.

Celles-ci ont montré que les patients ayant une NP avaient un risque moins grand d’avoir une altération significative du DFG après chirurgie que ceux opérés par NE. Cela était vrai pour les patients qui présentaient une tumeur de moins de 4 cm (log rank test, p = 0,0001) et également pour ceux avec tumeurs de plus de 4 cm (log rank test, p = 0,018).

En 2006, Huang et al. [167], publiaient une étude comparative et rétrospective basée sur 662 patients bénéficiant d’une NP ou NE pour tumeurs rénales de moins de 4 cm,

en utilisant les définitions et classifications de la National KidneyFoundationde la maladie rénale chronique [170].

Cette estimation du DFG par l’équation du MDRD est maintenant considérée comme un standard et apparaît supérieure au calcul par la formule de Cockroft et Gault [171]. Huang et al. montraient ainsi, que 26 % des patients candidats à une néphrectomie partielle ou totale (avec créatininémie normale et deux reins en apparence sains) avaient une IRC préalable à la chirurgie (DFG< 60 ml/min par 1,73 m2).

Dans la série de Huang, la probabilité à trois ans et cinq ans d’IRC après chirurgie, était de 20 % et 33 % respectivement après NP, contre 65 % et 77 % après NE (p < 0,0001).

L’analyse multi-variée montrait que le recours à la NE constituait un facteur de risque indépendant pour le développement d’une IRC (Hazard ratio = 3,82, p < 0,0001). Peu d’études ont comparé en termes de fonction rénale les deux techniques chirurgicales pour les patients avec tumeurs de plus de 4 cm. La publication de Simmons [172] compare le DFG postopératoire de 75 NP laparoscopique (NPL) à 35 NE laparoscopique (NEL), de façon rétrospective, pour des tumeurs > 4 cm. L’incidence d’IRC était de 62 % après NEL, versus 41 % après NPL (risque relatif: 1,5, p = 0,003).

Ces résultats même s’ils s’appliquent à une sous-population de néphrectomie laparoscopique vont dans le sens des résultats rapportés par notre étude.

La réduction de fonction rénale post-néphrectomie partielle est multifactorielle. Les facteurs prédictifs indépendants d’altération du DFG post NP classiquement identifiés dans la littérature sont: le temps d’ischémie, l’âge élevé, le DFG préopératoire faible. La taille tumorale est inconstamment retrouvée comme facteur indépendant [173-175].

Depuis les études princeps de Patard et Leibovich en 2004, de nombreuses séries ont démontré un contrôle oncologique équivalent (survie spécifique, récidive locale et métastatique) de la NP élective chez des patients biens sélectionnés comparativement à la NE pour le traitement des cancers du rein T1b [36,96].

Il est prouvé que dans la population générale, l’IRC est associé à un risque plus élevé d’événements cardiovasculaires, d’hospitalisations et de décès [176].

Quelques études récentes font évoquer l’hypothèse que la NP serait associée à une survie globale meilleure que la NE pour des tumeurs inférieures ou égales à 4 cm [177]. Cela serait potentiellement lié à une réduction des co-morbidités inhérentes à une fonction rénale altérée au premier rang desquels se trouvent les complications cardiovasculaires et au-delà la mortalité.

Enfin, une étude récente dans le groupe des tumeurs T1b, est venue confirmer que la NE était associée à un excès d’évènements cardiovasculaires et de décès non liés au cancer comparée à la NP [178]. Cela n’a pas été vérifié par l’étude randomisée EORTC de phase 3, publiée par Van Poppel, celle-ci a mis en évidence au contraire, une survie globale moindre après NP que dans les suites d’une NE, différence non expliquée par les décès liés au cancer. Cependant, cela n’était vrai que dans la population en intention de traiter et de plus les tumeurs sélectionnées mesuraient moins de 5 cm [146].

La publication de cette étude pose d’ailleurs problème car elle n’a pas inclus les 1300 patients planifiés et n’a donc pas la puissance statistique nécessaire pour répondre à son objectif principal.

Élargir les indications de NP aux tumeurs de plus de 4 cm apporte donc un bénéfice sur la fonction rénale, tout en conservant un contrôle carcinologique similaire à la NE. Cependant ce type d’indication impose une double sélection.

Une sélection des tumeurs est nécessaire : la tumorectomie doit être techniquement faisable avec des marges saines et un respect des temps d’ischémie limite, facteur essentiel pour la préservation de la fonction rénale postopératoire [80,162].

Cette intervention pour cette taille tumorale impose nécessairement un opérateur entraîné. L’évaluation de la faisabilité technique de la NP peut s’appuyer notamment sur la classification anatomique préopératoire des tumeurs rénales PADUA, publiée par Ficarra [127] en 2009. Cette classification est un outil efficace, prédictif du temps d’ischémie chaude et du risque de complications postopératoires.

Les auteurs ont déterminé que l’âge, le sexe féminin, la taille tumorale, le DFG préopératoire « bas »et le clampage de l’artère et de la veinerénale étaient tous des facteurs prédictifs indépendants de survenued’IRC de stade 3 à un an après la chirurgie. Dans une étude examinant les modifications du DFG et la perte

du volume rénal par scanographie, Sharma et al. [179] ont montré une corrélation significative entre les deuxfacteurs plusieurs mois après le postopératoire, données confirmées en scintigraphie rénale par Desaiet al.[180-182]. L’IRM fonctionnelle peut être une imagerie d’avenir dans ce contexte.

À l’existence même du clampage artériel, vient s’ajouter la notion de durée de celui-ci. Thompson et al. ont rapporté un seuil discriminatif d’évolution péjorative de la fonction rénale (insuffisance rénale aiguë postopératoire ou insuffisance rénale chronique avec DFG< 30 mL/min) à partir d’une durée d’ischémie de 25 min (HR = 3,01 ; p = 0,004) [181].

De même, la durée d’ischémie n’apparaissait pas dans certaines études comme significativement associée à l’hémodialyse définitive. Ce qui concorde avec les résultats de La Rochelle et al, qui nous conduisent à considérer que, sous réserve d’une durée raisonnable, l’ischémie ne semble pas influencer de façon majeure l’altération de la fonction rénale [187].

La durée de l’ischémie rénale nécessaire pendant la NP est le seul facteur de risque modifiable le plusimportant pour l’entretien de la fonction rénale. L’impact de l’ischémie-reperfusion a été étudié parcertains groupes. Beriet al. ont utilisé une combinaison de la clairance de la créatinine, du temps deconcentration maximale, et la clairance isotopiqueMAG 3 pour évaluer avec précision la fonction parenchymateuse postopératoire [185]. Un autre groupe autilisé la durée de rétention parenchymateuse du MAG3 comme un outil pour évaluer les lésions rénales ischémiques [186].

A contrario, les caractéristiques tumorales semblent avoir un impact prépondérant sur l’évolution de la fonction rénale. Ainsi, en analyse multi-variée, la taille tumorale > 4 cm apparaissait être un facteur prédictif indépendant de diminution du DFG postopératoire précoce à j5 (−14 %, p = 0,04).

Alors que d’autres ont évalué l’impact du volume tumoral réséqué ou du volume parenchymateux conservé, notre attention s’est portée sur le grand diamètre tumoral. Les résultats ici présentés sont à rapprocher des conclusions de Fergany et al. de Lane et al. et de Thompson et al. qui font de la quantité du parenchyme préservé un déterminant majeur et indépendant de l’évolution postopératoire de la fonction rénale [181].

L’intérêt du traitement conservateur en terme de préservation de la fonction rénale est largement démontré etson bénéfice sur la morbidité cardiovasculaire et la survie globale a été évoqué dans de nombreuses études rétrospectives[29]. Récemment plusieurs études ont démontré le même constat aussi pour des tumeurs de gros volume (cT1b et cT2)où la quantité du parenchyme à conserver est de facto limitée, la méta-analyse de Mir et al. est sans équivoque qu’ils’agisse d’évolution postopératoire du DFG (p < 0,00001) oude survenue de novo d’une IRC (p = 0,0006) [28]. Dans leursérie de tumeurs de plus de 7 cm, Breau et al. faisaientétat d’une augmentation médiane de la créatinine sériquede 9,5 % après NP versus 33 % après néphrectomie totale (p < 0,001) [6].

Pour J.Rouffillange and al. les résultats sont aussi en faveur d’uneexcellente préservation de la fonction rénale et ce malgréune population d’étude comportant 20 % de reins uniqueset 11,5 % de patients présentant une IRC grade 3a ou ben préopératoire. Ainsi, outre l’absence de toute hémodialyse postopératoire ou de variation significative du DFG, ladiminution médiane du DFG au dernier suivi n’était que de3 mL/min/1,73 m2 [73].

En ce qui concerne les études qui ont montré que les pertes néphroniques sont proportionnelles au temps de clampage artériel [188].

Ainsi, onze minutes de clampage n’entraineraient qu’une perte minime légèrement négligeable de la fonction rénale du rein clampé, 18 minutes une perte considérée comme modérée et que cinquante minutes de clampage isotherme entraineraient une perte totale de la fonction de ce rein.

Pour palier à ce risque, différents moyens ont été mis en œuvre. D’une part le clampage froid dés qu’une ischémie plus de 30 minutes semble nécessaire. D’autres part des protocoles d’hydratation per opératoire avec injection intraveineuse de 25 g de Mannitol [189, 190] , 10 minutes avant le clampage ont été proposés afin de diminuer l’œdème intracellulaire, pour minimiser l’effet de l’ischémie. Afin de diminuer encore le risque d’insuffisance rénale, il faut également se méfier du risque des lésions glomérulaires secondaires à l’hyper-filtration dû à la réduction néphronique. Certains préconisent donc de petites doses d’inhibiteur de l’angiotensine dans ce cas.

Enfin, des technologies nouvelles permettant de travailler sans clampage (et donc sans urgence dans le geste) sont utilisées et évaluées, tel que le bistouri harmonique (ultracision*), la pince à micro-ondes ( Ligasure*), la coagulation au laser argon, la section par jet d’eau à haute pression ( hydroget*)…[191, 192]

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