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L ’ institutionnalisation

La Constitution fédérale ne prête à l’Assemblée fédéraleque la compétence de‹veiller›à l’ é-valuation de l’efficacité des mesures prises par la Confédération.109Elle peut exercer elle-mê-me cette fonction ou la confier à la responsabilité du Conseil fédéral.110L’Assemblée fédérale doit exercer la haute surveillance parlementaire111notamment selon les critères d’efficacité et d’efficience économique112; il revient dans ce contexte auControˆ le parlementaire de l’ admi-nistration(CPA) la mission de réaliser des évaluations et de contrôler celles qui sont

effec-100 Flückiger(note 3), p. 117 s.

101 Art. 8 al. 1erCst. féd.

102 Flückiger(note 3), p.118 ss.

103 Pierre Moor/Alexandre Flückiger/Vincent Martenet, Droit administratif I, Les fondements généraux, 3e éd., Berne 2012, p. 841.

104 Vincent Martenet, Géométrie de l’égalité, Zurich etc. 2003, p. 99 ss et 151 ss.

105 Martenet(note 104), p. 102 ss.

106 Moor/Flückiger/Martenet(note 103), p. 846 ss.

107 Art. 182 al. 2 et 187 al. 1 let. a Cst. féd.

108 Dans ce sens, cf.Biaggini, Komm. BV, Art. 170, N. 3 ;Bussmann(note 27), N. 11.

109 Art. 170 Cst. féd.

110 Art. 27 et 44 al. 1 let. e et f LParl.

111 Art. 169 Cst. féd.

112 Art. 26 al. 3 let. d et e LParl.

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tuées par l’administration fédérale.113Pour leur part, lesCommissions de gestion(CdG) exer-cent la haute surveillance sur la gestion sous l’angle de l’efficacité notamment.114

Outre les évaluations mandatées par le Parlement, leConseil fédéralpeut en initier lui-même, en confiant la tâche à son administration ou en l’externalisant.115

LesCours des comptesexercent désormais également une activité d’évaluation. Regroupées en une organisation non-gouvernementale (Organisation internationale des institutions supé-rieures de contrôle des finances publiques [INTOSAI]), elles ont édicté des normes interna-tionales privées à destination des membres de celle-ci. On citera lesLignes directrices sur l’évaluation des politiques publiques visant à « analyser de manière neutre et indépendante les différents critères permettant l’expression d’une appréciation sur l’utilité d’une politique publique ».116Sur leplan fédéral, le Contrôle fédéral des finances (CDF), membre de l’ INTO-SAI, est chargé d’évaluer l’efficience et l’efficacité des ressources et des dépenses.117Il dispose d’un centre de compétences spécifique chargé d’effectuer des évaluations (Centre de compé-tence 6 « Evaluations »).118Sur leplan cantonal, on trouve un exemple, celui de la Cour des comptes du canton de Genève qui a pour tâche constitutionnelle explicite d’évaluer les po-litiques publiques.119La cour genevoise a repris la mission d’évaluation d’une institution ori-ginale dont la composition était pluraliste : la Commission externe d’évaluation des politi-ques publipoliti-ques (CEPP) active à Genève entre 1995 et 2013.120

Divers organismes sont également amenés à éclairer le processus de décision politique par le biais d’évaluations, à l’instar de laFondation pour l’évaluation des choix technologiques121ou la Commission nationale d’éthique, dont on soulignera le mandat spécifique de « signaler les la-cunes de la législation » dans le domaine de la procréation médicalement assistée.122Les ins-titutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’hommefondées sur les Prin-cipes de Paris des Nations Unies123se voient également confier la tâche d’évaluer le « degré auquel les lois, politiques et pratiques assurent que la jouissance des droits en question est

113 Art. 10 al. 1 let. a et b OLPA.

114 Art. 52 LParl.

115 Flückiger(note 3), p. 124 ss, en particulier 130.

116 INTOSAI, Lignes directrices sur lévaluation des politiques publiques (INTOSAI Gov 9400), Vienne, juillet 2016, ch. 1.1. Critique sur le mélange des genres entre évaluation et contrôle auquel peuvent conduire des évaluations menées par les Cours des comptes, cf.Flückiger(note 3), p. 138 s. et 624 ss, en particulier p. 626 ss.

117 Art. 5 al. 2 LCF.

118 Cf. : efk.admin.ch/fr/> A propos de nous > Centres de compétence (13.11.2018).

119 Art. 128 al. 3 Cst. GE.

120 Jean-Daniel Delley, La commission externe dévaluation des politiques publiques, LeGes 2005/1, p. 111 ss.

121 Cf. : ta-swiss.ch (13.11.2018).

122 Art. 28 al. 3 let. b et c de la loi fédérale du 18.12.1998 sur la procréation médicalement assistée (LPMA ; RS 810.11).

123 Nations Unies, Résolution 48/134 de l’Assemblée générale du 20.12.1993, annexe (« Principes de Pa-ris »).

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effective »124, d’en suivre la mise enœuvre125et d’évaluer l’effectivité des droits.126En Suisse, le Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH), instauré à titre de projet-pilote, a clairement pour mission de procéder à des « évaluations sur la portée pratique et l’application concrète des normes relatives aux droits de l’homme »127. Regrettablement, l’a-vant-projet de loi fédérale sur le soutien à l’institution nationale des droits de l’homme (LIDH) ne reprend pas explicitement ce mandat d’évaluation.128

D’autres organes existent aussi en droit international pourévaluer la mise enœuvreaussi bien derègles obligatoiresdécoulant de traités que derègles de droit souple(soft law).129L’examen périodique universel(EPU) du Conseil des droits de l’homme130illustre la première catégorie.

La seconde–qui peut surprendre pour qui refuse de reconnaître une certaine juridicité au droit souple–consiste pour les autorités à évaluer, faire ou laisser évaluer la mise enœuvre de normes qu’elles ne sont pas obligées de mettre enœuvre puisqu’il ne s’agit que de recom-mandations. Par exemple, leGroupe d’États contre la corruption(GRECO) est chargé de suivre la mise enœuvre de la recommandation sur le financement des partis politiques et des cam-pagnes électorales131alors que le Groupe de travail sur les évaluations et la mise enœuvre du Groupe d’action financière(GAFI) doit contrôler l’évaluation de la mise enœuvre de ses re-commandations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme132, ayant même élaboré spécifiquement un guide et un manuel d’évaluation à cet effet.133

Si lestribunauxpeuvent recourir à des évaluations dans leurs jugements134, ils pourraient également être tenus à évaluer les conséquences de leurs jugements dans le cadre d’une

in-124 Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de lhomme, Institutions nationales pour les droits de l’homme : Historique, principes, fonctions et attributions, New York/Genève 2010, p. 115.

125 Ibidem, p. 123 ss.

126 Ibidem, p. 128 s.

127 Contrat-cadre entre la Confédération suisse et l’Université de Berne concernant l’achat de services auprès dun Centre suisse de compétence pour les droit humains du 17.12.2015, ch. 3.2.

128 Art. 3 de l’avant-projet de la LIDH mis en consultation le 28.6.2017.

129 Flückiger(note 3), p. 135 ss (en particulier p. 144) et p. 316 ss, avec des exemples complémentaires.

130 Pour une analyse, cf.Barbara Wilson, L’effectivité des mécanismes de protection des droits de l’homme au sein des Nations Unies, in : Michel Hottelier (éd.), Albert Cohen, L’écrivain au service de l’État de droit, Genève 2011, p. 59 ss.

131 Préambule de la Recommandation du Comité des Ministres aux États membres sur les règles communes contre la corruption dans le financement des partis politiques et des campagnes électo-rales du 8.4.2003.

132 Recommandations du GAFI, Normes internationales sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération, du 16.2.2012 (mises à jour en octobre 2016).

133 Cf.Ursula Cassani, Linternationalisation du droit pénal économique et la politique criminelle de la Suisse, la lutte contre le blanchiment d’argent, RDS 2008 II, p. 227 ss, p. 249 ss.

134 Cf. ci-dessus N. 22.

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terprétation conséquentialiste(« folgenorientierte Auslegung ») ou lorsqu’en vertu de l’article 1 al. 2 CC ils doivent jugerin modo legislatorisen présence de lacunes proprement dites135. Enfin, quant à l’analyse d’impact prospectivedes projets de loi, celle-ci est réalisée en principe sous la houlette du Conseil fédéral. Elle ressortit cependant à l’Assemblée fédérale lorsque le projet découle d’une initiative parlementaire.136Contrairement à d’autres pays, la Suisse ne connaît pas unorgane de controˆ le de la réglementationspécifiquement chargé d’examiner la qualité des analyses d’impact.137Si une telle institution devait être établie, il importerait de veiller à prévenir le risque d’une dérive technocratique et comptable de l’évaluation que l’on a pu observer en droit comparé.138Dans un État démocratique, tous les efforts de-vraient tendre à développer une évaluation plusparticipative, pluspluralisteet finalement plusinclusive.139

135 Flückiger(note 3), p. 121 s.

136 Cf. ci-dessus ch. I.1.

137 Pour une comparaison entre différents pays, cf.Christian Rüefli, Regulierungsprüfstellen : ausländi-sche Beispiele und Erfahrungen, LeGes 2017/2, p. 265 ss. Sur les projets en cours au plan fédéral, cf. les motions 15.3400 et 15.3445 de juin 2016, la motion 16.3985 de décembre 2016 et l’initiative parlementaire 19.402.

138 Flückiger(note 3), p. 139 ss (en particulier p. 141 s.).

139 Ibidem, p. 494 ss.

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