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2 Inria et l’Inra : des organisations internes fortement différenciées

2.2 L’Inra : les unités au cœur du dispositif scientifique

La structuration organisationnelle interne de l’Inra est complexe, la ligne hiérarchique se revendique courte et à trois niveaux : Direction générale ➩ Département ➩ Unité.

L'organisation de l'Inra repose sur une ligne hiérarchique "verticale" comportant trois niveaux (direction générale, départements, unités), croisée avec une structuration "horizontale" à un seul niveau, constitué par les centres (Chartre du management, 1999)

49 Les cinq thématiques de l’institut sont :

Les mathématiques appliquées, calcul et simulation Algorithmique, programmation, logiciels et architectures Réseaux, système et services, calcul distribué

Perception, Cognition, Interaction Santé, biologie et planète numériques

En réalité cette allégation ne prend pas en compte le niveau de « l’équipe » de recherche, inclue dans l’unité, alors même que « l’équipe » est évaluée par le HCERES, qu’elle est très active et regroupe directement les chercheurs. Dans les faits la ligne hiérarchique est donc plus longue qu’à Inria.

Pour gérer une communication conséquente qui pourrait vite se révéler diffuse et par là imprécise, l’Inra a mis en place un quadrillage matriciel.

Chaque agent scientifique doit pouvoir se situer sur trois axes : un axe disciplinaire, un axe territorial et enfin un axe programmatique.

« On a l'habitude de dire que chaque chercheur est pris au moins dans une dynamique triple : sa dynamique disciplinaire (il est généticien), sa dynamique objet ou thématique, de la tomate, ou la résistance aux maladies chez la tomate, et il est dans un lieu, il va à la cantine à un endroit. » (Membre de l’équipe de direction)

Les documents officiels appuient l’importance de cette organisation :

« La cohérence de ces trois dynamiques est un enjeu qui sollicite l’organisation de l’Inra, l’ingénierie de mise en œuvre de son action et la gestion des interfaces entre niveaux d’organisation » (Principes d’organisation de l’Inra, 2015, introduction)

L’Inra est consciente d’une lourdeur administrative (nous avons pu entendre des propos en ce sens lors de nos observations) dont on retrouve déjà la trace à la fin du siècle dernier : « Par

un communiqué de presse en date du 24 mars 1997, la direction de l’institut annonce une phase de réforme en profondeur de ses structures et de son management […]. Signe fort des temps, ce n’est pas le pouvoir politique qui impulse cette réforme, mais l’institut lui-même, décidé à se « débureaucratiser » et à « décloisonner » en son sein aussi bien les pratiques que les esprits. (Cornu et al., 2018, p. 373).

L’unité

Le point d’entrée à l’Inra n’est pas l’équipe, mais bien l’unité. Cette structuration courante est représentative de l’univers de la recherche académique française.

Environ 250 unités de recherche cohabitent, dont les deux tiers sont des UMR avec un ou plusieurs partenaires de la recherche académique, les autres sont des unités propres de recherche. A ces unités de recherche s’ajoutent quarante-cinq unités expérimentales ou plateformes techniques51.

La charte des principes d’organisation de l’Inra (2015) valorise ainsi l’unité de recherche :

« Elle représente le niveau opérationnel de base de l’organisation scientifique et administrative et constitue à ce titre la première interface fonctionnelle de chacun avec l’Institut, avec les autres établissements auxquels elle est affiliée et au-delà, avec ce qu’on dénomme parfois « l’écosystème de la recherche » (Chartre du management, 2015)

L’unité a un périmètre variable et peut :

• être affiliée à plusieurs départements de l’Inra mais rattachée à un centre,

• être multi tutelles, par exemple Inra - AgroparisTech, ce qui induit alors un double reporting,

• avoir fusionné plusieurs unités et donc être devenue une TGU, une très grosse unité.

Une distinction : deux « leaders » scientifiques impliqués dans la stratégie

scientifique

Contrairement à Inria où le responsable d’équipe-projet est clairement identifié comme en charge de la stratégie de son équipe, l’Inra fait collaborer le directeur d’unité et les animateurs d’équipe. Selon les cas, il en ressort une imbrication ou une séparation des tâches, qui, impactant la pratique stratégique, sera à ce titre explorée dans notre partie Résultats.

• Le directeur d’unité

Le leader naturel de l’unité est le directeur d’unité, ou « chef de labo ». Porteur du projet d’unité, il est l’intermédiaire scientifique des chefs de départements de l’Inra. Il matérialise donc notre unité d’analyse, le cadre intermédiaire.

La périodicité de son mandat est habituellement dépendant des évaluations du HCERES, ce qui lui permet de faire le bilan des années passées et de laisser son successeur engager sa propre stratégie d’unité. Le « dialogue social » de l’unité est de sa responsabilité (chercheurs, techniciens …), même s’il est en cela épaulé par les RH du centre auquel il est rattaché.

« A l’Inra, le DU n’est pas responsable d’équipe scientifique [au sens strict du terme], il est l’administrateur des équipes de son unité, et parfois, mais pas toujours, le coordinateur scientifique de ces équipes et de leurs animateurs ». (Chercheur Inra)

Certaines personnes avaient pour habitude de cumuler une fonction de directeur d’unité et d’animateur d’équipe ; pour autant, le DU n’est pas le responsable scientifique de son unité.

• L’animateur d’équipe

L’animateur d’équipe n’a pas le nom de chef d’équipe, bien qu’il en ait le rôle.

Il n’a pas non plus d’existence dans la charte managériale de l’Inra de 2015 qui valorise 3 niveaux hiérarchiques, alors que l’équipe était un rouage essentiel dans celle de 1999 :

« Les unités sont elles-mêmes composées d'une ou plusieurs équipes, cellules

de base de l'activité scientifique. (Chartre du management, 1999).

Sans existence officielle, l’équipe a pourtant une présence marquée sur internet.

Et paradoxalement, l’animateur d’équipe est bel et bien reconnu par le HCERES, qui non seulement l’auditionnera mais surtout évaluera le projet d’équipe.

« Oui, au niveau de l'HCERES il y a une présentation "par équipe" (en plus d'une présentation globale de l'unité). L'animateur d'équipe "fédère" la rédaction du bilan et porte le projet d'équipe. A ce titre, il peut être amené à "faire un exposé" devant les membres du jury HCERES (pour présenter le bilan et/ou le projet) et répondre aux questions "pour son collectif". […] les équipes ont une appréciation à part : le jury évalue le projet d'équipe, sa pertinence scientifique et l'adéquation entre le projet et les moyens, l'insertion dans la communauté… » (AE2)

En synthèse, ces deux fonctions DU et animateur d’équipe ne sont pas reconnues de la même façon par l’Inra mais sont opérationnellement impliquées dans l’élaboration de la stratégie. En dehors de la sphère scientifique, nous allons préciser trois autres fonctions de l’organigramme Inra.

• Le chef de département

Auparavant véritable homme fort de l’Inra (jusqu’aux années 1980 il était même nommé à vie), il reste actuellement toujours plus qu’une simple interface entre la direction générale et les unités. Rattaché à l’équipe de direction, il pilote la stratégie de son département scientifique au travers des Schémas stratégiques de département dont le processus de création seront décrits dans notre partie Résultats. Il suit une formation institutionnelle de trois semaines avant/pendant sa prise de fonction. Son mandat est de 4 ans renouvelable une fois, ce qui assure aussi une dynamique des visions scientifiques. Il reporte directement à la Direction Générale, et plus précisément à la Direction Générale Déléguée aux Affaires Scientifiques.

• Le président de centre

Comme chez Inria, le président de centre est un scientifique, il administre le centre et est l’interlocuteur prioritaire des partenaires régionaux.

De façon différenciée d’Inria, il ne supervise pas les chercheurs et ingénieurs d’étude/de recherche de son centre, qui restent rattachés à leur département et donc au chef de département, mais « seulement » Ingénieurs, Techniciens et Administratifs.

Le président de centre est un acteur qui prend de l’importance à l’Inra. Mais notre étude n’a pas pour objectif de cartographier la relation stratégique interne à nos terrains, mais bien de préciser le rôle du cadre intermédiaire scientifique. C’est pourquoi nous mentionnons cet acteur et son importance, mais nous ne creuserons pas son rôle dans la partie Résultats.

• La direction générale

A l’instar d’Inria, l’EPST est représenté par un Président Directeur Général et des directeurs généraux adjoints, en particulier l’adjoint aux affaires scientifiques qui pilote le document d’orientation.

Durant notre étude empirique, les fonctions de Président directeur général et de DGDS auront changé. Nous n’en tiendrons compte que dans la mesure où nous nous demanderons l’impact de ce changement sur l’élaboration du plan stratégique.