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I. Les cils et flagelles

I.4. a L’initiation de la ciliogenèse

La formation du cil, ou ciliogenèse, nécessite l’ancrage préalable du corps basal à la membrane puis l’apport des constituants de l’axonème et de la membrane ciliaire qui seront ensuite acheminés dans le cil grâce au transport intraflagellaire selon des processus finement régulés.

L’ancrage du corps basal

Deux voies de formation des cils primaires ont été décrites selon le type cellulaire. Dans les cellules épithéliales polarisées comme les cellules épithéliales rénales, le centrosome s'ancrerait directement à la membrane apicale via les appendices distaux (Figure 13B). Dans les cellules non polarisées comme les fibroblastes, S. Sorokin (1962) a proposé un modèle dans lequel le cil commencerait à pousser dans une vésicule ciliaire dans le cytoplasme qui fusionnerait ensuite avec la membrane plasmique pour libérer le cil dans le milieu extracellulaire (Figure 13A). Il a récemment été démontré que la vésicule ciliaire était issue de plusieurs petites vésicules qui se fixent sur les appendices distaux et fusionnent entre elles grâce à des protéines de la famille EHD (Eps15 homology domain) et à la machinerie des SNARE (Lu et al. 2015). La vésicule ciliaire semble provenir directement de l'appareil de Golgi puisqu’elle est caractérisée par la présence de Rab8 (Peränen 2011) ou IFT20 (Follit et al. 2006), toutes deux impliquées dans le trafic vésiculaire à partir de l’appareil de Golgi. De plus, CEP83, essentielle à l’ancrage du centrosome à la membrane, est également retrouvée au Golgi où elle interagit avec IFT20 et participerait ainsi au transport et à l’ancrage de la vésicule ciliaire au centrosome (Joo et al. 2013). CEP164, quant à elle, participerait au recrutement et à l’activation de Rab8 par son facteur d’échange, Rabin8 (K. N. Schmidt et al. 2012), elle même transportée au niveau du centrosome par Rab11, un régulateur des endosomes de recyclage péricentriolaires (Westlake et al. 2011). D’autres protéines

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centriolaires telles que CEP290 et Talpid3 sont aussi indispensables au recrutement de Rab8 au centrosome (Kobayashi et al. 2014) et pourraient former une plateforme pour faciliter les étapes initiales de la ciliogenèse.

Lors de l'élongation du cil dans la vésicule, le corps basal ne changerait de position par rapport au noyau, c'est l'extrémité distale du cil qui progresserait vers la surface de la cellule et la membrane de la vésicule ciliaire fusionnerait avec la membrane plasmique pour libérer le cil dans le milieu extracellulaire (revu dans S. P. Sorokin 1968; Ghossoub et al. 2011). La partie proximale du cil est alors entourée d'une invagination de la membrane plasmique, la poche ciliaire (Figure 13B), enrichie en structures d'endocytose (Ghossoub et al. 2011), qui pourrait aussi se comporter comme une plateforme d'ancrage du cytosquelette et de transport vers le cil (Benmerah 2013).

Figure 13 : Les deux voies de formation des cils primaires

A) Dans les cellules non polarisées comme les fibroblastes, l’axonème grandit dans la vésicule ciliaire primitive formée par la fusion de petites vésicules qui s’ancrent aux appendices distaux du centriole père. Au cours de la croissance, la vésicule s’allonge et fusionne avec la membrane plasmique pour libérer le cil dans le milieu extérieur. La base du cil est alors entourée de la poche ciliaire. B) Dans les cellules polarisées comme les cellules épithéliales, le corps basal s’ancre à la membrane plasmique et le cil pousse directement à l’extérieur de la cellule. La membrane plasmique s’invagine pour former la membrane ciliaire. Adapté de Sorokin, 1962.

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La plupart des protéines membranaires ciliaires sont adressées au cil dans des vésicules golgiennes ou issues des endosomes de recyclage grâce à des motifs dans leur région cytoplasmiques qui permet de les sélectionner et/ou les faire entrer dans le cil (revu dans Madhivanan et Aguilar 2014). Ces vésicules permettent également l'apport de membrane nécessaire à la croissance de la membrane ciliaire.

L’amplification centriolaire dans les cellules multiciliées

Contrairement aux cils primaires qui sont uniques à la surface de la cellule, les cils motiles sont nombreux à la surface des cellules, ce qui nécessite l'amplification préalable des corps basaux constitués d’un seul centriole. Au cours de leur réplication, les centrioles sont formés à partir de la partie proximale des deux centrioles pendant que le cil primaire se désassemble. Les centrioles sont capables de produire une dizaine de nouveaux centrioles, ce qui est loin des centaines de centrioles observés dans les cellules multiciliées. Un mode d’amplification « acentriolaire » a alors été décrit et formerait environ 90% des procentrioles dans les cellules multiciliées. Bien que ce mécanisme ait été observé il y a plusieurs décennies (S. P. Sorokin 1968), il n’a été décrit précisément que très récemment dans les cellules épendymaires (Al Jord et al. 2014). Les procentrioles forment des halos autour de plusieurs structures denses aux électrons en microscopie électronique, appelées deutérosomes, et nucléées les unes après les autres à partir du segment proximal du centriole fils, alors que le cil primaire est toujours présent (Figure 14A). La composition des

deutérosomes commence seulement à être étudiée avec l'identification de Deup1 (Zhao et

al. 2013; Klos Dehring et al. 2013). Les procentrioles se développent simultanément autour

du deutérosome, leur partie distale vers l’intérieur. Alors que les deutérosomes sont encore dans la région péricentriolaire, la maturation s’arrête, les procentrioles sont petits et constitués de simples brins de microtubules (Figure 14B). Une fois que le dernier deutérosome est nucléé, tous les deutérosomes s’éloignent du centrosome. Dans le cytoplasme, les procentrioles finissent leur élongation autour des deutérosomes et forment alors une structure en fleur (Figure 14C). Enfin, les centrioles sont relâchés (Figure 14D) et migrent vers la membrane plasmique pour s’y ancrer et initier la formation d’un cil motile (Figure 14E). Pendant ce temps, d’autres procentrioles ont aussi été nucléés autour des centrioles père et fils formant d’autres structures en fleur. Ainsi, au cours de la

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différenciation des cellules multiciliées, les deux voies d’amplification « centriolaire » et « acentriolaire » sont présentes (Al Jord et al. 2014).

Figure 14 : L’amplification des centrioles dans les cellules multiciliées

A) Les procentrioles (verts et têtes de flèches rouges) se forment au niveau de la partie proximale des 2 centrioles. Le centriole fils est aussi le siège de formation des deutérosomes (violets et flèches rouges) où sont nucléés la majorité des procentrioles. B) Alors que le cil primaire est toujours présents, le nombre de deutérosomes augmente formant des structures en halo. C) Les deutérosomes migrent dans le cytoplasme et les procentrioles (marqués par la centrine en vert et GT335 en rouge) finissent leurs maturation : stade fleur. D) Les centrioles néosynthétisés sont libérés et migrent vers la membrane plasmique où ils s’ancrent pour E) former un cil mobile. Adapté de Jord et al. 2014.