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I. Les cils et flagelles

I.5. Les fonctions du cil primaire

Les cils primaires ont des fonctions de signalisation clés au sein des vertébrés : les photorécepteurs perçoivent les signaux lumineux, les cils des neurones olfactifs détectent les odeurs, ceux des cellules épithéliales des tubules rénaux sont capables de sentir le flux de l’urine… A cause de ce rôle spécifique dans la régulation de ces voies de signalisation, la composition de la membrane ciliaire est différente de celle de la membrane plasmique. En effet, la membrane ciliaire est particulièrement enrichie en RCPG (SSTR3, Smoothened, rhodopsine...), acteurs des cascades de signalisation comme les adénylate cyclases (AC3, AC5, AC6), les récepteurs à activité kinase (PDGFR, TGFβR) et les canaux calciques (PC2) (revu dans Christensen et al. 2012) impliqués dans la perception des signaux extracellulaires. Des défauts de ces voies de signalisation sont associés à la plupart des phénotypes observés dans les ciliopathies dues à des atteintes des cils primaires (voir Chapitre II.2).

Dans les tubules rénaux, le cil primaire est capable de sentir le flux de liquide dans la lumière et participe au maintien de l’homéostasie tissulaire. Les polycystines, PC1 et PC2, jouent un rôle clé dans la sensation du flux. PC1 est une protéine mécano-sensible qui perçoit les forces mécaniques associées au flux et active PC2, le canal calcique, pour permettre l’entrée

de calcium dans le compartiment ciliaire (Hanaoka et al. 2000). Cette voie de signalisation

est très importante la morphogénèse tubulaire rénale et sa dérégulation sa dérégulation peut entrainer une polykystose rénale (revu dans Chebib et al. 2015; voir Chapitre II.2). Une des grandes avancées dans la compréhension des fonctions du cil primaire a été la caractérisation de son rôle dans la voie Sonic-Hedgehog (Shh) (Corbit et al. 2005). En l’absence du ligand Hedgehog (Hh), le récepteur Patched (Ptch) est localisé au cil et exerce une répression sur le récepteur membranaire Smoothened (Smo) et sur les facteurs de transcription de la famille Gli via la protéine Sufu (Suppressor of Fused). Les protéines Gli sont alors phosphorylées par les protéines kinases PKA et GSK3b et dégradées par le protéasome pour former des répresseurs de la transcription (Wang, Fallon, et Beachy 2000). La voie est activée lorsque Ptch est stimulé par Hh. Ptch est alors exclu du cil ce qui permet à Smo d’y entrer (Corbit et al. 2005). Là, Smo lève l'inhibition de la protéine Sufu sur les 3

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facteurs de transcription, Gli1, Gli2 et Gli3 (Haycraft et al. 2005) qui s’accumulent alors au sommet du cil pour y être activés. Ils sont ensuite transloqués dans le noyau pour induire la transcription de gènes impliqués dans la prolifération ou la migration cellulaire. Tous les acteurs de cette voie doivent donc être transportés à l’intérieur et/ou à l’extérieur du cil en fonction de son activation. La petite GTPase, Arl13b (ADP-ribosylation like factor), est aussi localisée à la membrane ciliaire et est indispensable au trafic des protéines de la voie Shh dans le cil (Larkins et al. 2011). La transduction du signal via les protéines Gli dépend également d’adénylate cyclases à la membrane ciliaire telles que AC3 qui contrôlent le niveau d’AMPc dans le cil et, par conséquent, l’activation de la PKA, régulateur négatif de la voie (Liem et al. 2012). Le cil primaire est donc primordial à la balance entre l’activation et l’inhibition de la voie Shh chez les vertébrés.

Figure 17 : La voie de signalisation Sonic-Hedgehog

En absence de ligand, le récepteur Patched (Ptch) empêche la translocation du récepteur Smoothened (Smo) dans le cil et la protéine Sufu réprime les facteurs de transcription Gli. En présence de ligand Hedgehog, Hh, Ptch sort du cil permettant à Smo d’y entrer pour lever l’inhibition de Sufu sur les Gli qui s’accumulent au sommet du cil et induisent la transcription des gènes cibles de la voie. Adapté de Ruiz i Altaba, Palma, et Dahmane 2002.

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La voie Shh est cruciale dans le développement des vertébrés, depuis les premiers stades de l’embryogénèse et jusqu’à l’organogénèse où ils participent à l’homéostasie des tissus. De nombreuses manifestations retrouvées dans les cas de ciliopathies ont été associées à des défauts de la voie Shh comme la polydactylie, les anomalies cérébelleuses et du squelette (revu dans Goetz et Anderson 2010). Il a été montré chez la souris que la perte du signal Shh empêchait la différenciation des cellules ventrales du tube neural et donc sa fermeture correcte chez la souris (Huangfu et al. 2003; A. Liu, Wang, et Niswander 2005). L’inhibition de la voie peut aussi entrainer des perturbations de la migration des progéniteurs neuronaux lors du développement cérébral à l’origine de défauts fonctionnels graves, comme l’épilepsie et le déficit intellectuel (Fang et al. 2011) ; des signes cliniques souvent retrouvés dans les ciliopathies. Des phénomènes de migration collective des cellules épithéliales ont aussi été observés lors du développement rénal et seraient dépendants des la voie Shh (Kramer- Zucker et al. 2005; Vasilyev et al. 2009; Yao et al. 2014). Cette voie serait aussi impliquée dans les processus de transition mésenchyme-épithélium et de formation des kystes dans les reins (voir Chapitre II.2).

Le cil primaire a aussi été impliqué dans la modulation des voies de signalisation Wnt canonique et non-canonique (Simons et al. 2005; Corbit et al. 2008). La voie canonique a lieu en l’absence de cil, lorsque la famille de récepteurs membranaires Frizzled, stimulés par leurs ligands Wnt, activent Disheveled (Dvl). Dvl inhibe alors le complexe de dégradation de la β-caténine, GSK3β/axin/APC. La β-caténine s’accumule et est transloquée dans le noyau où elle s’associe aux facteurs de transcription TCF/LEF qui contrôlent de nombreux processus cellulaires comme la prolifération et la différenciation (Angers et Moon 2009). La voie non-canonique est aussi connue sous le nom de polarité planaire (PCP) et correspond à la polarité coordonnée des cellules épithéliales dans le plan de l'épithélium, c’est-à-dire qu’elle est perpendiculaire à la polarité apico-basale. Les protéines de la PCP sont réparties de façon asymétrique dans les cellules épithéliales selon un axe perpendiculaire à l'axe proximo-distal. La protéine ciliaire, inversine, est capable interagir avec Dvl cytoplasmique pour l’adresser au protéasome et ainsi activer la PCP (Simons et al. 2005). L’inversine s’associe à NPHP3 (Bergmann et al. 2008) et également NPHP4 (Burcklé et al. 2011) pour contrôler la stabilité de Dvl et réprimer la voie Wnt canonique-β-caténine au profit de la voie Wnt/PCP. Récemment la voie Wnt non-canonique (PCP) a été impliquée dans le contrôle des

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phénomènes de convergence - extension lors de l’élongation des tubules rénaux chez les vertébrés (Lienkamp et al. 2012; Castelli et al. 2013).

Figure 18 : Les voies Wnt/PCP et Wnt canonique

Le cil, via les protéines inversine, NPHP3 et NPHP4, inhibe Disheveled (Dvl) qui est alors dégradé par le protéasome et qui favorise la dégradation de la b-caténine. En absence de cil, Dvl s’accumule et inhibe le complexe de dégradation de la b-caténine, APC/GSK3/axin. La b-caténine est alors transloquée dans le noyau où elle active le programme transcriptionnel. Adapté de Corbit et al. 2008

Toutefois, l’implication de cil primaire dans la balance entre les voies Wnt canonique et non canonique est controversée. En effet, les défauts de ciliogenèse causés par l’inactivation de l’IFT dans les embryons de souris (Ocbina, Tuson, et Anderson 2009) ou chez le poisson zèbre (P. Huang et Schier 2009) ne perturbe pas la PCP. Le cil primaire ne serait donc pas toujours indispensable à la voie Wnt/PCP et la nature de leur relation reste à éclaircir.

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