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L’information sensorielle peut changer la stratégie de l’animal

Quand un animal fait du whisking dans les airs et qu’aucun obstacle ne le gêne, le mouve- ment des vibrisses est généralement périodique et symétrique bilatéralement (Berg et Klein- feld, 2003 ; Landers et al., 2002). Dans certaines situations, les vibrisses d’un côté du museau peuvent bouger indépendamment des vibrisses controlatérales (Sachdev et al., 2002). Cela peut se produire lorsque l’animal bouge sa tête (Towal et Hartmann, 2006) ou lorsque les vibrisses touchent un objet (Mitchinson et al., 2007 ; Sachdev et al., 2003).

En 2007, Mitchinson et al., ont utilisé des enregistrements vidéo et l’électromyographie pendant le whisking d’animaux libres afin d’étudier les effets d’un contact sur les vibrisses. Ils ont remarqué que le contact mène à une protraction réduite du côté ipsilatéral et une protraction augmentée du côté controlatéral. L’obstruction unilatérale réduit la protraction ipsilatérale 13 ms après le contact, dans le même cycle de whisking que le contact initial tandis que la protraction contralatérale est augmentée.

En 2012, Deutsch et al. ont étudié l’effet du toucher actif d’un objet pendant le whisking chez des animaux dont la tête était fixée. Ils ont comparé les cycles de whisking entre eux et ont eux aussi remarqué une augmentation de l’amplitude des whisks suivants le contact du côté contralatéral et une diminution de l’amplitude ipsilatérale. La protraction des vibrisses est normalement caractérisée par un seul événement accélération-décélération. Cependant lors du contact avec un objet pendant le whisking, une seconde accélération-décélération survenait dans 25% des cycles de whisk (Fig.1.10). La vélocité des vibrisses changeait de signe pour produire une rétraction dans le même whisk en moyenne 17,9 ms après le contact de l’objet. Cette seconde protraction impliquait la vibrisse qui a contacté l’objet mais aussi d’autres vibrisses ipsilatérales dont les récepteurs tactiles n’avaient pas été activés. Avec cette seconde accélération-décélération, le temps de contact de la vibrisse avec l’objet était doublé. Ils ont alors conclu qu’un contact lors du whisking actif crée un effet ipsilatéral rapide qui arrive au sein même du cycle et un effet plus lent qui dure pendant plusieurs cycles.

1.8.1 Une boucle trigéminale excitatrice

Les afférences sensorielles altèrent le mouvement des vibrisses en changeant la symétrie et la périodicité du whisking (Mitchinson et al., 2007 ; Grant et al., 2009 ; Crochet et al., 2011). Elles peuvent même faire apparaître une seconde protraction à l’intérieur d’un même cycle (Deutsch et al., 2012). En 2005, Nguyen et Kleinfeld avaient déjà remarqué des connexions sensorielles qui pourraient altérer le mouvement des vibrisses. Ils ont démontré l’existence

Figure 1.10 – Trajectoire des vibrisses lors du whisking chez les rats. A : La trajectoire des vibrisses C1, C2 et D1 a été enregistrée chez des rats dont la tête était fixée. L’angle instantanée de la vibrisse, θ, était défini comme l’angle entre la base de la vibrisse et la ligne tracée du nez jusqu’à l’oeil. L’objet est représenté par un point à son endroit initial et la flèche indique la direction de mouvement de la vibrisse. B : Les phases de protraction et de rétraction d’une seule vibrisse sont représentées selon l’angle de la vibrisse et le temps du déclenchement de la protraction. L’angle de la vibrisse lors du point de commencement de la protraction est indiqué par une flèche. C : Exemple de trajectoire d’une vibrisse lors d’un whisking sans obstacle (filtré à 80 Hz). D : Exemple de trajectoire d’une vibrisse lors d’un contact avec un objet pendant une période de whisking (filtré à 80 Hz). Les moments de contact entre la vibrisse et l’objet sont indiqués en gras. Lors de ces contacts, on remarque une rétraction supplémentaire de la vibrisse comparativement à une trajectoire sans obstacle montrée en C. Dans cet exemple, le rat fait 21 whisks successifs où il y a eu un contact avec l’objet. Figure adaptée de Deutsch et al. (2012).

d’une boucle trigéminale qui fournit un retour d’informations sensorielles à la musculature des vibrisses pendant le whisking simulé ou lors d’un contact. Les enregistrements intracellulaires ainsi que les électromyogrammes des muscles intrinsèques et extrinsèques ont permis de déce- ler deux activations du 7N après la stimulation électrique du nerf infraorbital. Les premiers EPSPs (excitatory postsynaptic potentials) arrivaient au 7N de 5 à 10 ms après la stimulation (Fig.1.11). Cette courte latence suggère une connexion directe entre les noyaux sensoriels de la colonne trigéminale et le noyau facial. La seconde activation survenait à environ 25 ms et serait due à une connexion indirecte ou à une voie plus longue impliquant des noyaux plus éloignés du 7N. Ils ont donc suggéré que cette boucle trigéminale existe et forme un arc réflexe excitateur.

1.8.2 Les prémotoneurones

Jusqu’à présent aucune connexion monosynaptique entre les cellules ganglionnaires et les mo- toneurones des vibrisses n’a été identifiée. Les informations sensorielles doivent donc passer par des neurones intermédiaires afin d’arriver au noyau facial. Afin de connaître l’emplacement des neurones sensoriels qui font synapse au 7N, Takatoh et al. (2013) ont développé une lignée de souris « knockin » où la glycoprotéine G est exprimée conditionnellement à la présence de la protéine CRE recombinase. Cette lignée a ensuite été croisée avec des souris transgéniques qui expriment Cre sous le contrôle du gène de la choline acétyltransférase, ce qui permet à la glycoprotéine G de la rage d’être exprimée dans tous les motoneurones cholinergiques. Ces sou- ris doublement transgéniques ont permis le marquage sélectif des motoneurones des vibrisses dans le facial et des cellules présynaptiques suite à une injection du virus dans les coussinets faciaux. Pour identifier la nature fonctionnelle des entrées synaptiques aux motoneurones, ils ont utilisé l’hybridation in situ pour identifier les marqueurs moléculaires. Ils ont remarqué un grand nombre de prémotoneurones glutamatergiques dans la partie rostrale du SpVi. Le SpVo contenait également des prémotoneurones dont 82% étaient glutamatergiques tandis que 18% étaient glycinergiques. D’autres prémotoneurones ont été identifiés à l’extérieur de la co- lonne trigéminale. Ils ont remarqué des projections inhibitrices provenant du noyau réticulaire médulaire, du noyau Kölliker-Fuse et en faible proportion du noyau raphé. Des prémotoneu- rones excitateurs du noyau réticulaire mésencéphalique et des collicules projetent au 7N. Le complexe pre-Bötzinger/Bötzinger, le IRt et le noyau vestibulaire contiennent des cellules qui envoient des projections excitatrices et inhibitrices au 7N (Fig.1.12).

Figure 1.11 – Réponses d’électromyogrammes (EMG) obtenues après la stimula- tion du nerf infraorbital (IoN) chez des rats anesthésiés à la kétamine-xylazine. A : Montage expérimental. B : Latence des réponses représentées par ∆t1 et ∆t2 à chaque stimulation. C : Enregistrements simultanés des signaux des électromyogrammes des muscles des vibrisses intrinsèques et extrinsèques ipsilatéraux lors de trois répétitions. Le IoN était stimulé avec des stimulations de 5 mA de courant pendant 200 µs à toutes les 2 s. La moyenne des EMG enregistrés avant (gris pâle) et après (gris foncé) la transection de la branche bucco- labialis montrée chez différents rats. Les traces sont une moyenne de 10 réponses consécutives suivant la stimulation du IoN à 10 Hz avec 8 mA de courant et des séquences de 100 µs. D : Distribution de la latences de réponses chez 4 rats (50 répétitions par rat). Figure adaptée de Nguyen et Kleinfeld (2005).

Figure 1.12 – Prémotoneurones innervant les muscles intrinsèques et extrinsèques du 7N.A : Gauche, stratégie utilisant un virus pour marquer sélectivement les neurones pré- moteurs projettant aux cellules des vibrisses du 7N et reliées aux muscles intrinsèques. Droite, stratégie pour marquer sélectivement les neurones prémoteurs projettant aux cellules des vi- brisses du 7N et reliées aux muscles extrinsèques. B : Motoneurones intrinsèques marqués par le virus dans les régions latérale et ventrolatérale du 7N. C : Motoneurones extrinsèques marqués par le virus dans la région dorsolatérale du 7N. D-O : Comparaison des patrons de distribution entre les prémotoneurones intrinsèques et extrinsèques des différents noyaux du tronc cérébral. Marquage similaire observé dans les noyaux suivants : le noyau réticulaire médulaire (MdD ; D et E), le complexe pre-Bötzinger (preBötC ; H et I), le complexe Bötzinger (BötC ; données non montrées), SpVo (L et M) et KF (N et O). Une quantité significative de prémotoneurones intrinsèques a été observée dans la formation réticulaire intermédiaire (IRt) adjacente au noyau ambigu (NA ; flèches en F et G) comparativement aux motoneurones extrinsèques. Dans le noyau spinal vestibulaire (Ve), les prémotoneurones sont seulement observés lors d’un traçage des motoneurones extrinsèques (H et flèche en I). Dans le SpVir, le nombre de prémotoneu- rones extrinsèques est significativement plus élevé que celui des prémotoneurones intrinsèques (J et flèche en K). Échelle, 200 µm. Figure adaptée de Takatoh et al. (2013).

1.9

Problématiques, hypothèses et objectifs de l’étude