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Chapitre 2: La variabilité du HBV

2. La variabilité phénotypique

2.2 L'infection par le HBV

2.2.2 L'infection chronique

Le portage chronique se caractérise par la persistance des particules virales infectieuses et de l'AgHBs pendant une durée supérieure à 6 mois. Les mécanismes impliqués dans l'établissement de la chronicité sont multiples et dépendent de l'âge de primo infection, de la maturité du système immunitaire et de la souche virale impliquée. Chez plus de 90% des adultes, l'infection se résout par elle-même tandis que chez un faible pourcentage un portage chronique s'initie. Il a été montré chez des chimpanzés adultes que la charge virale au moment de l'infection était déterminante dans l'établissement de l'infection chronique (Asabe, Wieland et al. 2009). Plus l'inoculum de départ était élevé plus la réponse immunitaire était efficiente et permettait de résoudre l'infection au HBV. Au contraire, lors d'infection par un inoculum faiblement virémique (inférieur à 104 copies/ml) c'est le portage chronique qui est favorisé. Il a été observé que lors de l'infection avec un inoculum dont la charge virale était faible, le recrutement de cellules lymphocytaires CD4 + était diminué et l’activité des cellules lymphocytaire CD8 + amoindries. Les auteurs de l’étude suggèrent que ce sont les cellules lymphocytaires CD4+ qui jouent un rôle prépondérant dans la résolution ou l'établissement de l'infection chronique.

Il existe 4 grands types d'infections chroniques qui se distinguent selon (i) la charge virale circulante, (ii) la concentration des transaminases sériques (ASAT: aspartate amino transférase, ALAT: alanine amino transférase), (iii) et la positivité de l'AgHBs.

On différencie 1) les hépatites chroniques actives, AgHBs positif, des transaminases (ASAT, ALAT) élevées et des taux d’ADN HBV sériques >105 copies/ml ;2) les hépatites chroniques associées à une tolérance immune, AgHBs positif avec l’ADN HBV sérique >105 copies/ml mais avec des transaminases normales ; 3) des hépatites chroniques inactives, AgHBs positifs avec des transaminases normales et des taux d’ADN HBV sérique <105 copies/ml ; 4) des infections à HBV occultes, AgHBs négatifs, transaminases normales ou fluctuantes, l’ADN HBV est alors généralement < 103 copies/ml (Liaw, Brunetto et al. 2010).

La plupart des données existantes sur l'étude de la variabilité du HBV reposent sur l'analyse de souches impliquées dans des infections chroniques à fortes charges virales. Cependant, quelque soit le type d'infection chronique, c'est lors de portage prolongé qu'une étroite relation entre l'hôte et le virus s'établit.

2.2.2.1 Les phases de l'infection chronique et la variabilité virale

Quatre phases principales se succèdent dans l’évolution de la maladie chronique active auxquelles peuvent être reliées l'apparition de certains mutants (figure 20).

La première phase de l'infection chronique est une phase dite de tolérance immune caractérisée par (i) une réplication virale intense (pouvant aller jusqu’à >109 copies/ml), (ii) la présence des antigènes viraux (AgHBs, AgHBe), (iii) une séroconversion anti-HBc précoce bien qu'il ne soit pas neutralisant. Aucune atteinte hépatique, ni modification des transaminases (ALAT alanine aminotransférase, ASAT aspartate aminotransférase) n’est observée. Selon le mode de transmission de la souche HBV, l’âge du patient, le statut AgHBe cette phase peut perdurer dans le temps. Lors de transmission verticale materno-fœtale de souche AgHBe (+) cette phase peut durer plusieurs dizaines d’années alors que lors de transmission horizontale et ce même dans l’enfance cette phase peut-être extrêmement rapide (Yim and Lok 2006).

La seconde phase dite de réactivité immunitaire est caractérisée par la séroconversion

anti-HBe (McMahon 2009). Le taux de virions circulant diminue mais reste élevé (> 104 copies/ml), les antigènes viraux sont toujours détectables dans le sérum. Le taux des transaminases sériques (ALAT, ASAT) augmente. C'est à ce stade que l'atteinte hépatique est initiée, les hépatocytes infectés sont détruits par les cellules du système immunitaire. Si la réponse immunitaire n’est pas assez efficace pour éliminer les hépatocytes répliquant le virus, un équilibre s’opère entre la réplication virale et la réponse immunitaire et les lésions hépatiques s’installent de façon durable. Dans cette situation, il est alors impératif de proposer un traitement antiviral afin d’empêcher l’évolution vers la cirrhose. Cette phase dure de quelques semaines à quelques mois.

La troisième phase dite de tolérance ou portage inactif est caractérisée par la négativité des antigènes (AgHBs et AgHBe) et la présence des anticorps anti-HBc/anti-HBe.

Le taux d’ADN viral circulant passe en dessous du seuil de 104 copies/ml, la séroconversion anti-HBs n’est pas systématique et est même très rare. Malgré une réponse immunitaire efficace l'ADNccc persiste dans le noyau des hépatocytes en répliquant à bas bruit. Des phénomènes d'intégrations de gènes viraux ont lieux et participent aux processus de transformation hépatique et de cancérisation (Brechot, Pourcel et al. 1981; Murakami, Minami et al. 2004; Minami, Daimon et al. 2005).

Enfin une phase de réactivation virale est observée chez la plupart des patients et constitue la dernière phase de l'infection chronique (Liaw, Brunetto et al. 2010). Seulement 2% des patients par an

Figure 20 : Les phases de l’infection chronique et l'émergence de mutations

Représentation schématique de l'évolution de l'infection chronique et de l'émergence de mutations spécifiques selon la phase de l'infection. Les marqueurs sérologiques sont indiqués (AgHBs: antigène s, AgHBe: antigène e, HBc: anticorps HBc, HBe: anticorps HBe, HBs: anticorps anti-HBs (la présence des anticorps anti-anti-HBs n'est pas systématique)). La virémie exprimée en copies/ml est indiquées, l'évolution des transaminases hépatique (ALAT, ASAT) en fonction des phases de l'infection n'est pas indiquée. In-Del: insertion-délétion. Figure adaptée de Gunther, 2006, Journal Clin virol (Gunther 2006). anti-HBc AgHBs AgHBe anti-HBe AgHBs AgHBe

Tolérance immune Réactivité immune Portage Inactif Réactivation

Mutation d’échappement (AgHBs, déterminant ‘a’)

Si traitement antiviral Mutation de résistance (Pol)

Réplication à bas bruit

In-Del PréC/C Mutation PréC/C (1762/64-T/A) Nouveau site HFN1 Délétion gène C anti-HBs In-Del PréC/C/PréS1/PréS2 Mutation PréC/C (1762/64-T/A) Mutation ponctuelle AgHBe/ AgHBc Défaut sécrétion AgHBe/ PréS1/ PréS2 Mutation d'échappement (AgHBs, déterminant 'a')

Temps 108 104 102 charge virale en copies/ml

Les mutations apparaissent durant l'étape de reverse transcription, elles peuvent se propager et enrichir le 'pool' d'ADNccc : soit (i) par recyclage de l'ADN-RC muté dans le noyau, (ii) par sécrétion de virions porteurs de mutations qui vont réinfecter une cellule dans laquelle l'ADN-RC sera converti en ADNccc. L'archivage des mutations dans le 'pool' d'ADNccc est une des étapes clé dans les phénomènes de persistance virale.

A chaque phase de l'infection chronique décrite précédemment peut être associée l'apparition de mutations caractéristiques (figure 20). Quasiment tous les mutants HBV sont transmissibles donc dès la phase de tolérance immune de nombreux mutants peuvent préexister. Selon la pression de sélection exercée dans l'organisme néo-infecté il y aura la sélection de certains et la disparition d'autres.

Lors des phases de réplication intense un grand nombre de particules infectieuses circulantes sont produites par jour. Il est estimé que l'organisme détruit 90% des particules produites, et donc on ne détecte dans la circulation sanguine seulement 10% des virions produits. Malgré cela, durant les phases de forte réplication, on peut détecter des charges virales allant jusqu'à 109 particules par ml. Dans ces cas, l'absence de fonction de correction de la polymérase virale est à l'origine du grand nombre de mutants générés. Parmi ceux-ci, des mutants délétés dans les régions PréC/C et PréS2/S s'accumulent. Ces mutants ne sont pas fonctionnels mais participent à l'enrichissement des quasi-espèces virales et servent de leurre au système immunitaire (Marschenz, Brinckmann et al. 2008).

Lors de la phase de réactivité immune, avec l'apparition des anticorps anti-HBs et/ou anti-HBe, ce sont les mutants d'échappement au système immunitaire ou des souches AgHBe (-) qui seront sélectionnées. Si le patient est traité par un traitement antiviral pour son infection au HBV, la phase de réactivation coïncide le plus souvent avec un rebond viral et la réémergence d'un mutant de résistance aux drogues utilisées. Selon les molécules utilisées, ce sont plusieurs rebonds viraux qui peuvent se succéder, traduisant des phénomènes de résistances croisées. Enfin, dans certains cas bien particuliers des mutants d'échappement aux anticorps anti-HBs peuvent émerger après une grande période de latence et ce malgré la présence des anticorps anti-HBs.

2.2.2.2 Les particules défectives

Plusieurs études ont montré la présence de particules défectives dans le sérum de patients chroniquement infectés par le HBV (Rosmorduc, Petit et al. 1995). Ces particules sont le résultat de l'encapsidation d'un ARNpg épissé avec une polymérase virale fonctionnelle. Ces ARN possèdent

Tableau 6: Principales mutations altérant la traduction ou la maturation de l'AgHBe.

Tableau adapté (Stuyver, De Gendt et al. 2000; Chen, Crowther et al. 2008; Kramvis, Arakawa et al. 2008)

Mutations génomiques altérant l’expression de l’AgHBe

Position nucléotidique Codon affecté

Région PréC G1809T/A1811T/C, C1812T A1814C T1815C G1816C C1817A/T G1862T G1896A G1897A

Séquence Kozak, perturbe la traduction de la protéine précore

Perte ATG initiateur Perte ATG initiateur Perte ATG initiateur

Codon 2 (T= stop) Spécifique génotype G Codon 17 (déstabilisation du site clivage) Codon 28-Stop

seront apportées par un virus helper. Les particules défectives sont importantes dans la biologie de l'infection par le HBV. Elles pourraient interférer avec la réplication des particules infectieuses sauvages et jouer un rôle dans la persistance virale et l'immunotolérance. En théorie tous les ARN épissés contenant les régions DR1 et DR2 et le signal d'encapsidation peuvent contribuer à l'enrichissement du pool de particules défectives. Les analyses réalisées ex vivo sont basées principalement sur la détection des particules défectives issues de l'épissage de l'ARNpg. Ces études ont montré que les particules défectives corrélaient avec le statut chronique de l'infection par le HBV. En revanche la relation entre particules défectives et la sévérité de la maladie hépatique est plus difficile à établir.