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L’inconscient individuel, l’approche psychiatrique du discernement

Dans le document Le discernement en droit pénal (Page 111-159)

214. L’article 122-1 du Code pénal semble fonder l’irresponsabilité pénale de celui qui, parce qu’il aura été sous l’emprise d’une maladie mentale ou de tout autre trouble psychique aigu, n’aurait pas agi librement. Ce trouble constituerait ainsi l’équivalent d’une contrainte sur le plan mental. L’absence d’instance morale au niveau inconscient, chez le majeur comme chez le mineur incapable de discernement, expliquerait ainsi leur commune irresponsabilité pénale.

215. Si un trouble mental empêche la connaissance de la nature d’un acte incriminé, son auteur ne sera pas punissable. Il faudrait alors s’en remettre au savoir des experts psychiatres pour trier, parmi les malades mentaux, ceux que leurs troubles ont poussé à commettre une infraction de ceux qui l’ont commise sciemment. Les conclusions de l’expert établissent, au cas par cas, l’existence d’une atteinte au discernement. L’analyse de l’absence de discernement serait donc tributaire de la concomitance des troubles de l’esprit avec la commission des faits, sur une échelle de temps « mathématique ». En somme, le droit pénal ne s’inquièterait que de l’influence de l’inconscient sur la culpabilité de l’auteur d’une infraction.

216. Cependant, de cette appréciation factuelle du manque de discernement découle deux conséquences également problématiques pour le droit pénal.

217. Tout d’abord, si l’absence de discernement relève des sciences de l’esprit, il faut que le juge se penche sur la nature (névroses ou psychoses) et l’intensité de ces troubles psychiques pour conclure à l’existence ou à l’inexistence d’une abolition du discernement. Dès lors, si altération du discernement il y a, le juge devrait fixer une peine proportionnée au tantième de raison dont le malade mental bénéficie au moment des faits. Pourtant ce calcul métaphysique est impossible à réaliser. Pour le mener, le juge serait pour le surplus nécessairement tributaire des conclusions de l’expert psychiatre. En apparence, il reste maître du prononcé d’une peine ; au fond, il délègue le calcul de responsabilité au médecin, en transgression de son rôle de garant des libertés individuelles.

218. Cette conséquence est d’autant plus illégitime que l’expert n’établit pas son diagnostic sur la base de critères légaux, mais sur le fondement de critères médicaux. Or,

ce faisant, il pourrait être amené à identifier les individus que leurs troubles psychiques rendent dangereux pour la société, et il faudrait même admettre un enfermement indépendamment de tout acte infractionnel. En effet, si une maladie mentale rend un individu susceptible de commettre des infractions (le pervers sexuel, le pyromane, le kleptomane), alors le critère de la dangerosité psychiatrique devrait justifier sa surveillance ou son incarcération, même s’il n’a encore commis aucune infraction. 219. Partant, si l’on reconnaît la compétence de l’expert dans l’identification de l’irresponsable de l’article 122-1 du Code pénal, il faut en accepter le corollaire : prêter des effets juridiques à l’expertise de dangerosité pour enfermer certains individus ante

delictum. Or, justifier l’application de mesures de sûreté sur cette appréciation médicale

contreviendrait cette fois au principe de la légalité des délits, lequel interdit de punir un individu pour ce qu’il est. Cette définition sape du même coup le rôle du magistrat dans la protection des libertés individuelles, étant donné que l’expertise de dangerosité court- circuite le jugement qu’il est censé porter sur la culpabilité de l’individu.

220. Ensuite, l’expert psychiatre devrait être autorisé à diagnostiquer l’aptitude du malade mental à subir la peine d’incarcération. Pourtant, la maladie mentale ne constitue pas, ni en droit pénal ni en procédure pénale, le critère justificatif de l’incarcération ou de la suspension d’exécution d’une peine.

En résumé, postuler que le discernement dépend de l’inconscient de l’individu induit l’immixtion de critères médicaux dans le champ juridique. Ils pourraient alors expliquer l’aptitude psychiatrique du délinquant à la faute (Section 1) ou à la peine (Section 2). Cette acception scientiste du discernement emporte des conséquences contraires aux principes constitutionnels ou aux dispositions légales régissant la matière pénale. Elle doit donc être également rejetée.

Section 1. Le critère de l’aptitude psychiatrique à la faute

221. Fonder la définition du manque de discernement sur un critère psychiatrique emporte deux conséquences.

222. Premièrement, cela signifie qu’un individu doit être bouté hors du champ pénal en fonction de l’intensité du trouble mental qui l’accable au moment des faits. En d’autres termes, il faudrait établir l’équivalent d’une aptitude psychiatrique de l’individu à commettre une faute. S’agissant du mineur, l’âge constitue l’indice objectif d’une immaturité du surmoi ou préconscient. L’instance psychique dédiée à la maîtrise des symboles serait insuffisamment formée, si bien qu’il ne comprend pas le sens de ses actes objectivement infractionnels. Au surplus, l’existence d’une maladie mentale chez le mineur devrait faire obstacle à l’imputation d’une peine à chaque fois qu’elle l’a empêché de se rendre compte de l’acte qu’il réalisait. S’agissant du majeur sujet à des troubles psychiques, l’irresponsabilité pénale repose également sur un calcul métaphysique réalisé par les experts psychiatres. Toutes les fois où l’inconscient a

dominé la conscience individuelle à son insu, l’auteur d’une infraction ne devrait pas être punissable.

223. Deuxièmement, si l’abolition du discernement entraine l’irresponsabilité pénale, l’altération du discernement devrait appeler une atténuation de la peine. Le juge n’étant pas rompu aux arcanes des sciences de l’esprit, il lui faudra s’appuyer sur les conclusions du médecin psychiatre. Cette conséquence lie le juge qui devient le subordonné de l’expert dans le choix de la peine à imputer.

224. Ces deux conséquences sont admises depuis l’entrée en vigueur de l’article 64 du Code pénal en 1810 et qui vise le critère de l’état de démence. Ce critère a évolué pour devenir celui de l’abolition du discernement. Il faut préciser l’ensemble des déclinaisons du critère de l’aptitude psychiatrique à la faute (§ 1) avant d’expliquer pourquoi ce postulat doit être rejeté (§ 2).

§ 1. Les déclinaisons du critère de l’aptitude psychiatrique à la faute

225. La définition médicale du manque de discernement tire ses origines de l’interprétation de l’article 64 du Code pénal de 1810. D’après cet article, il n’y a ni

notion « d’état de démence » a semblé renvoyer, en droit, à une définition médicale. Ainsi l’article 122-1 du Code pénal, qui a remplacé l’article 64 précité, a paru justifier l’irresponsabilité pénale des malades mentaux comme de tout individu souffrant d’un trouble de l’esprit. Il dispose que « n’est pas pénalement responsable la personne qui

était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». L’intensité des troubles psychiques

semblent y décider de l’abolition du discernement. L’acception médicale de la notion d’état de démence (A) a induit une compréhension psychiatrique du manque de discernement (B).

A. La définition médicale de l’état de démence

226. En 1810, le législateur aurait intégré dans l’ordre juridique un critère scientifique, celui de l’état de démence400, afin de justifier l’irresponsabilité pénale des malades mentaux. L’acception médicale de la notion d’état de démence innerve du même coup l’ensemble des critiques adressées à l’article 64 du Code pénal de 1810. Dès les premières décennies de son entrée en vigueur, l’économie de cet article a été décriée notamment parce qu’il fait référence à un critère médical devenu rapidement désuet. Face à la rigidité de la notion d’état de démence (1), le gouvernement aurait tenté d’en assouplir l’application par l’adoption d’une circulaire en 1905 (2).

1. Le problème de la rigidité du critère de l’état de démence

227. Si la non-imputabilité correspond à la démence médicale au temps de l’action, l’examen de la non-imputabilité ne peut pas dépendre du juge. C’est pourquoi la définition du contenu de l’imputabilité appartient principalement aux médecins aliénistes au XIXe siècle401. Chez les juristes, établir l’imputabilité consiste à identifier l’état de

400 Cf. R. OTTENHOF, op. cit., qui s’inspire largement des travaux de P. FAUCONNET ; également, J. LEAUTE (dir.), La

responsabilité pénale. Travaux du colloque de philosophie pénale (Strasbourg, 12 au 21 janvier 1959) , éd. Dalloz, coll.

Annale de la Faculté de droit et des sciences politiques et économiques de Strasbourg ; H. RISER, L’expertise neuro-

psychiatrique devant les juridictions criminelles, LGDJ, 1956, dont la première partie s’intitule « Des anomalies psychiques

en tant que cause de non imputabilité », et qui remet en question la pertinence du recours à la n otion de « responsabilité », p. 23.

401 C. C. H. MARC (premier médecin du roi), De la folie, considérée dans ses rapports avec les questions médico -judiciaires,

Paris, J.-B. Baillière, 1840. L’aliéniste avance que le terme imputablité « exprime parfaitement l’ensemble des circonstances morales qui conditionnent l’admission de l’imputation pénale d’un acte, chez l’individu qui en est l’auteur », p. 2 ; voir également M. BENEZECH, « Réflexions sur le passage à l’acte et la responsabilité pénale du criminel : perte d’objet, démence juridique », Annales médico-psychologiques 1978, n° 136, p. 1184.

démence médicalement, ce qui fait écrire à Ortolan que les juges doivent le mettre en exergue au cas par cas, tout comme l’écrivait La Roche-Flavin avant lui.

228. Si l’état de démence renvoie à un critère médical, le législateur s’expose en outre nécessairement au risque d’obsolescence de la notion à laquelle il fait référence. Des critiques ont en effet visé l’article 64 précité pour son contenu suranné. Dès le XIXe siècle, en psychiatrie, la démence ne correspond plus qu’à une maladie mentale précise : la déchéance progressive et définitive des facultés intellectuelles402. Elle correspond par exemple à la démence sénile lorsqu’elle est causée par la vieillesse. Dès lors, la notion d’état de démence a pour conséquence de laisser de côté l’ensemble des autres causes possibles d’irresponsabilité pénale qui seraient liées, elles aussi, à l’état d’esprit de l’auteur. Il fallait donc préciser que la démence était entendue largement, afin d’y inclure toutes les autres formes connues de maladies de l’esprit, comme tous autres types de troubles psychiques tels le somnambulisme ou l’ivresse. Les autres causes subjectives de non-imputabilité ont alors pris le qualificatif « d’états voisins de la démence ».

229. La définition élargie de la notion d’état de démence porte légèrement atteinte au principe d’interprétation stricte de la loi pénale (désormais art. 111-4 du Code pénal). Les auteurs s’accordent néanmoins sur le sens large de la notion de « démence » qui ne serait pas réduite à son acception médicale stricte de « déchéance progressive et irréversible de la vie psychique » mais dans un sens embrassant l’ensemble de toutes les causes d’aliénation, au point que cette interprétation est devenue un lieu commun403. L’élargissement du champ d’application de l’article 64 du Code pénal fut donc un correctif apporté au sens étriqué de la notion médicale d’état de démence. De nombreux auteurs ont logiquement préconisé d’en moderniser le contenu afin d’apporter une solution à ce dilemme404.

402 H. RISER, op. cit., p. 31 : « dans l’ancienne terminologie psychiatrique, ce terme avait un sens limité ; il signifiait

l’affaiblissement progressif et définitif des plus hautes facultés psychiques » ; G. DORVAUX, La réforme de l’article 64 du

Code pénal, thèse Aix Marseille, 1992, p. 26.

403 M. JORDA, Les délinquants aliénés et anormaux mentaux, Montchrétien, 1966, p. 61, n° 142 et s. ; G. STEFANI, G.

LEVASSEUR et B. BOULOC, Droit pénal général, 12e éd., Dalloz, p. 368, n° 364 ; J.-M. AUSSEL, « La condition des

délinquants présentant des troubles mentaux en droit français », Mélanges A. Vitu, éd. Cujas, 1987, p. 15 ; E. BONIS- GARCON, Rep. pén. Dalloz, v° « Troubles psychiques, n° 50, p. 11.

404 J.-M. AUSSEL, « La condition des délinquants présentant des troubles mentaux en droit français », préc., p. 15 ; M.

DANAN, « Irresponsables ou impunissables ? Considérations à propos de 1600 expertises mentales. Vers un nouvel articl e 64, Psychiatries », Rev. française des psychiatres d’exercice privé, 1986, t. 3, n° 72, p. 53.

2. Les solutions adoptées : la circulaire Chaumié et l’analyse des degrés de l’aliénation mentale

230. Les critiques adressées à la rédaction de l’article 64 du Code pénal de 1810 n’ont pas justifié sa réécriture immédiate. Cependant le gouvernement a œuvré afin de répondre à l’une des critiques adressées à cet article : son caractère trop manichéen405. Indirectement, elle invite les praticiens à lire l’article 64 précité à la lumière des connaissances acquises de la science médicale. Ainsi l’ordonnance du 12 décembre 1905 adressée par le ministre de la justice aux procureurs, dite circulaire Chaumié, fait obligation aux experts de se prononcer sur les degrés de l’état de démence. Des circulaires successives sont par la suite revenues sur la pratique qui en découle. La circulaire C. 345 commande à l’expert la recherche des « anomalies mentales et psychiques ». Elle lui intime de déterminer si l’infraction est ou non « en relation avec de telles anomalies », si le sujet « présente un état dangereux et doit être interné dans un établissement psychiatrique », enfin s’il est « accessible à une sanction pénale ». Suivant une définition médicale de l’état de démence, il devient logique d’affirmer que le législateur a été réceptif aux critiques précitées.

B. La définition médicale de l’atteinte au discernement : l’insuffisance des solutions adoptées

231. L’article 122-1 du Code pénal remplace l’article 64. L’alinéa second précise que « la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou

neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance

lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime »406. L’existence de l’infraction n’y est

plus niée comme ce fut le cas sous l’empire de l’article 64 du Code pénal407.

405 G. LEVASSEUR, Les délinquants anormaux mentaux, Cujas, 1959, p. 1: « d’une part, le Code pénal de 1810 s’inspirait

d’une conception essentiellement objective de la répression et s’attachait à la gravité sociale des faits beaucoup plus qu’à la personnalité de leur auteur. D’autre part, et surtout, la catégorie psychique des anormaux n’avait guère attiré jusque-là l’attention des médecins ni celle des juristes ».

406 B. BOULOC, Droit pénal général, op. cit., n° 441 et s., affirme que le Code pénal a élargi les causes subjectives de non-

imputabilité « en substituant le trouble psychique à la démence », le trouble dont l ’agent pénal est atteint l’empêchant de « distinguer le bien du mal ».

407 P. RAPPARD, « Le crime n’est plus annulé… », Psychiatrie Française, n°1, mars 1994, p. 61 ; voir également M.-G.

SCHWEITZER et N. PUIG-VERGES, « De l’article 64 à l’article 122-1 - La recherche du discernement : une question de formulation ou une nouvelle orientation séméiologique ? », Annales médico-psychologiques 1995, 153, n° 9, p. 608 ; B. GRAVIER, « Responsabilité pénale : tendances actuelles », in Justice et psychiatrie. Normes, responsabilité, éthique, C. LOUZOUN et D. SALAS (dir.), éd. Erès, 1998, p. 170 ; P. DRAI, G. ROUJOU DE BOUBEE, C. ZAMBEAUX, J.-Y. LEBORGNE et Y. ROUMAJON, « L’évolution de la responsabilité pénale », Le nouveau Code pénal, enjeux et perspectives, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 1994, p. 17 et s.

232. En outre, cette nouvelle version remédierait à l’obsolescence de la notion de démence et mettrait le droit pénal en phase avec les données acquises de la science408. La notion de troubles psychiques ou neuropsychiques englobe en effet à la fois la spécifique démence médicale mais encore ses états voisins. Au surplus, en distinguant « trouble

psychique » et « neuropsychique », le législateur a eu la prudence de ne pas arrêter de

choix entre le primat du corps sur l’esprit (trouble neuropsychique) ou de l’esprit sur le corps (trouble psychique). Enfin, cet alinéa confirmerait l’orientation vers une prise en compte de la gradation des troubles de l’esprit. Cependant cette modification légale est à la source de maux plus graves que celui qu’elle se proposait de conjurer : le problème de l’atténuation de responsabilité des demi-fous (1) et sa conséquence : la pénalisation de la maladie mentale (2).

1. Le problème de l’atténuation de responsabilité des demi-fous

233. En effet, si le manque de discernement est lié à l’intensité de troubles psychiatriques, alors l’altération du discernement médicalement constatée devrait entraîner une atténuation de peine dans la mesure exacte de cette altération409. Il appartient alors au juge d’imputer une peine au malade mental proportionnellement à la part de discernement dont il bénéficiait dans l’acte. La définition médicale du manque de discernement soulève le problème de « la quantité plus ou moins grande de la volonté

408 D’après les séances tenues au Sénat, l’un des enjeux de la modification de l’article 64 était de « mettre fin à la théorie

contenue dans l’article 64 du Code pénal », et de « mettre en avant non plus la notion de démence qui, de toute façon, était objectivement contestable, mais celle de discernement », conformément aux travaux de l’avant-projet du Code pénal. Cf. spéc. Sénat, Séance du 11 mai 1989, p. 650, amendement n° 193.

409 D. GLEZER, « Coupable ou non coupable ? Responsable ou irresponsable ? Ou l’inconfortable évaluation de la

responsabilité pénale lorsque le malade psychotique se défend des accusations portées contre lui », Mélanges R. GASSIN, PUAM, 2007, p. 415, qui se fonde essentiellement sur des cas cliniques ; F. FRESNEL, « Eloge de la folie par le droit, ou comment le droit apprécie-t-il l’altération des facultés mentales », Gaz. Pal. 2000, 2, doctr. 1348 ; V. CATOIRE, « A propos de l’altération des facultés mentales », Réflexions sur le nouveau Code pénal, Pédone, 1995, p. 57 et s. ; M. ADDAD et M. BENEZECH, « Les déficients intellectuels », RDPC 1980, p. 443 ; J. GRASSET, « Les criminels à responsabilité atténuée »,

Rev. cath. Des Instit. et du Dr., 1910, II, p. 497 et s. ; du même auteur « Demifous et demiresponsables », Revue des Deux Mondes du 15 février 1906, p. 887 ; M. ANCEL, Les délinquants anormaux mentaux, Paris, Cujas, 1959 ; M. CORDAY, Les demifous, Paris, Charpentier, 1905 ; J. GUISLAIN, Leçons orales sur les phrénopathies, ou Traité théorique et pratique des maladies mentales : cours donné à la Clinique des établissements d’aliénés à Gand, éd. L. Hebbelynck, 1852, t. 3, p. 135 ;

A. CULLERRE, Traité pratique des maladies mentales, Paris, éd. J.-B. Baillière et fils, 1890 ; V. PARANT (docteur en médecine), La raison dans la folie : étude pratique et médico-légale sur la persistance partielle de la raison chez les aliénés

et sur leurs actes raisonnables, Paris, éd. Octave Doin, 1888 ; H. THIERRY (docteur en médecine), De la responsabilité atténuée. Etude médico-légale, Paris, éd. Steinheil, 1891 ; M. MICHELON, Les demis-fous et la responsabilité dite « atténuée », thèse Paris, 1906, spéc. p. 97 au sujet du choix de la peine du délinquant anormal ; J. PINATEL, « Faillite du

système actuel de la responsabilité pénale », RSC, 1968, p. 672 et s., spéc. p. 675, où l’auteur, pourtant favorable au déterminisme biologique, critique cette possibilité d’atténuation de la peine ; J. DELAHAUT, Le problème des délinquants

anormaux mentaux, thèse Paris, 1964, spéc. p. 4 au sujet de la stricte « objectivité » du Code pénal de 1810 ; pour un aperçu

de la question en droit pénal comparé, M. BUSSANI, « La responsabilité des sujets atteints de troubles mentaux en Italie et en Common law », Gaz. Pal. 14-15 février 1997, doctr., p. 11 et s. ; J. CORDOBA RODA, « L’imputabilité diminuée dans le droit pénal espagnol », RIDP 1967, p. 17 et s.

libre qui persiste chez un individu donné »410. Elle oblige à une appréciation dosimétrique de la responsabilité, une demi-folie appelant une demi-peine. Si le discernement du délinquant est altéré un peu, beaucoup voire à la folie, cela devrait s’en ressentir sur le taux de sa peine.

234. Cependant la question du plus ou moins de discernement dans la commission du fait pénal, quand bien même abandonnée aux juges du fond, est théoriquement insoluble. Cette manière d’envisager la possibilité pour le juge de tenir compte de l’état du prévenu engage le droit pénal sur la voie d’un calcul métaphysique impossible à réaliser. Il faudrait que le juge et le médecin s’entendent parfaitement, et même qu’ils parlent un langage identique. Finalement, il faudrait qu’ils regardent ensemble le malade mental plutôt que le délinquant411.

235. Depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal en 1994, cette atténuation de responsabilité serait de droit. La loi n° 2014-896 du 15 août 2014, relative à

l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, irait

également en ce sens412. Elle autorise, au sujet de l’individu au discernement altéré, la diminution du tiers de la peine qu’il encourt, et ramène à trente ans la peine de détention comme de réclusion à perpétuité.

236. Quitte à admettre l’atténuation de responsabilité en proportion des troubles psychiatriques, il en faut accepter le corollaire : la cohabitation de condamnés « normaux » et « anormaux » en prison. Le constat factuel donne raison à cette hypothèse si l’on en croit le taux de malades mentaux incarcérés413. Le phénomène s’est amplifié au point d’en venir à s’auto-alimenter. Une incarcération de courte durée aggrave l’état

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