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Comme nous l’avons vu, les hygiénistes interpellent en permanence les autorités publiques dans le but de réguler le phosphore blanc. Or, les réactions de la puissance publique sont plutôt difficiles à analyser. La posture passive de l’État est en effet surtout visible indirectement et en creux, par deux moyens. Le premier découle du fait que les hygiénistes espèrent continuellement une interdiction prochaine du phosphore blanc : c’est un indicateur que rien n’est fait. Le deuxième moyen est que nous pouvons dire a posteriori que rien n’a été fait car le phosphore blanc continue d’être utilisé jusqu’à la fin des années 1890. L’analyse des mobilisations, ou plutôt l’absence de mobilisation, de la puissance publique concernant le phosphore blanc est sensiblement plus délicate que l’étude des mobilisations scientifiques.

Malgré tout, quelques sources permettent d’esquisser les contours d’un encadrement réglementaire jugé très insuffisant par certains hygiénistes. Concernant la régulation des incendies, nous nous appuierons ici sur le mémoire de Théophile Roussel et celui d’Alphonse Chevallier publié dans les AHPML en 18611. Les demandes d’autorisation d’établissements

dangereux, insalubres et incommodes sont une autre source précieuse pour saisir la vision que porte l’État sur les fabriques, à travers notamment les préfectures et les Conseils d’hygiène et de salubrité. Nous avons collecté ces demandes d’autorisation pour les villes de Bègles en Gironde, et Angers et Trélazé en Maine-et-Loire2. Bègles et Trélazé ont été deux des

manufactures gardées par l’État lors du passage au monopole en 1872. L’intérêt de la sélection de ces villes est qu’elles n’ont pas été étudiées par les hygiénistes. Enfin, les débats parlementaires permettent de voir la place inexistante des arguments contre le phosphore blanc à l’occasion du passage au monopole en 1872.

1 ROUSSEL Théophile, Recherches sur les maladies des ouvriers employés à la fabrication des allumettes chimiques,

Paris, Labé, 1846 ; CHEVALLIER Alphonse, « Mémoire sur les allumettes chimiques préparées par le phosphore ordinaire et sur les dangers qu’elles présentent sous le rapport de l’empoisonnement et de l’incendie », AHPML Série 2 (15), 1861, pp. 254-337.

2 Pour Bègles, les dossiers se trouvent aux Archives départementales de la Gironde (désormais AD 33), cote 5 M 335 pour la période 1800-1885. Pour Angers et Trélazé, les dossiers, plus conséquents, se trouvent aux Archives départementales du Maine-et-Loire (désormais AD 49), cote 50 M 11.

a) Un désintérêt marqué pour les méfaits du phosphore blanc

• Une régulation sans ambition, inefficace et non appliquée

On peut mener un examen des actions prises par l’État contre le phosphore blanc en séparant, comme nous l’avons fait dans le chapitre précédent, mesures prophylactiques, visant à lutter contre les dangers de l’industrie allumettière, et interdiction du poison. La régulation portant sur les allumettes en tant qu’objets est minimale, et porte d’abord, chronologiquement, sur le risque d’incendie, le premier connu. Le premier texte n’est qu’incitatif : une circulaire du 30 novembre 1836 prescrit pour Paris que les allumettes doivent toujours être conditionnées en boîtes fermées. Le fait peut nous sembler évident au XXIe siècle pour des raisons de facilité de stockage et de rangement, ou encore parce qu’il faut bien mettre le frottoir quelque part. Au milieu du XIXe siècle toutefois, les allumettes étaient souvent

vendues en vrac, et transportées, nous l’avons vu, directement dans une poche. Le but premier des boîtes d’allumettes est bien d’empêcher les incendies : même si la tête d’une allumette s’embrase à cause d’un choc ou d’une augmentation de la température, le feu peut pas se propager par manque d’oxygène dans la boîte3. Le transport des allumettes est ensuite visé. Il est, en effet, particulièrement

dangereux dès le développement de cette industrie, à tel point que les compagnies d’assurance contre l’incendie refusent de prendre en charge ce risque. Suite à la rédaction de deux rapports par le Conseil de salubrité de Paris portant sur ces dangers, les 22 décembre 1837 et 24 avril 1838, une ordonnance de police est ainsi promulguée le 21 mai 1838. Elle assimile les allumettes aux poudres détonantes (les explosifs) et fulminantes (les amorces pour armes à feu)4. Le principe est assez simple. Elle prohibe le

transport des allumettes par des voitures de transport de voyageurs (diligences par exemple) ou par messagerie, et n’autorise que le transport par voie d’eau ou de roulage, soit par voitures à cheval ou chemin de fer. La nature du colis doit être déclarée au transporteur et un timbre doit être apposé sur les colis par le commissaire de police ou le maire. La vente d’allumettes sur la voie publique est également interdite. Et c’est tout, en tout cas concernant les incendies. Les empoisonnements sont aussi une

3 ROUSSEL, Recherches sur les maladies..., op. cit., 1846, p. 17. Les paquets en papier, quoique moins efficaces,

remplissent le même rôle.

4 Si la comparaison peut sembler extrême, il faut rappeler que les allumettes explosives au chlorate de potasse et au phosphore blanc étaient encore largement répandues.

préoccupation du gouvernement selon Caussé et Chevallier fils5. En 1850, le phosphore blanc est

inscrit dans le tableau des poisons. En 1853, le Ministre de l’agriculture et du commerce ordonne également que la pâte phosphorée soit assimilé aux substances vénéneuses selon l’ordonnance de 18466. Cette ordonnance stipule que les substances classées comme vénéneuses ne peuvent être

vendues que par les pharmaciens et sur ordonnance. Toute vente doit également être consignée dans un registre spécial. C’est un alignement sur l’arsenic.

Les fabriques d’allumettes sont également soumises au décret de 1810 sur les industries dangereuses, insalubres et incommodes7. Ce décret est au fondement de la législation environnementale

en France. Il a été promulgué alors que les structures régulatrices de l’Ancien Régime ont été abattues lors de la Révolution et que les plaintes des riverains se multiplient à propos, notamment, des odeurs jugées délétères. Il classifie les industries jugées problématiques dans trois catégories. Les établissements dangereux, ou de première classe, « doivent être éloignés des habitations particulières ». La distinction entre établissements de deuxième et troisième classe n’est pas claire dans le décret. Tant les établissements insalubres (deuxième classe) qu’incommodes (troisième classe) peuvent rester à proximité des habitations sans leur causer de gène. La différence tient surtout au mode de contrôle : les établissements de deuxième classe doivent faire l’objet d’une enquête, ceux de troisième classe non8.

Les conseils de salubrité, institués par département tout au long de la première moitié du XIXe siècle, sont chargés de surveiller les établissements classés. Les activités jugées problématiques sont réparties dans une nomenclature officielle. Au début du XIXe siècle, le principal critère de classement est l’odeur : au faîte de la puissance de la doctrine aériste, « l’insupportable, c’était ce qui puait »9. L’odeur

acquiert un statut juridique : elle peut permettre de juger de la salubrité d’une usine même en l’absence de toute autre mesure10. Toute installation doit faire l’objet d’une demande d’autorisation qui est

assortie d’une enquête de commodo et d’incommodo, enquête publique lors de laquelle sont recueillies

5 CAUSSÉ Séverin et CHEVALLIERFILS Alphonse, « Considérations générales sur l’empoisonnement par le phosphore, les pâtes phosphorées, et les allumettes chimiques », AHPML Série 2 (3), 1855, p. 166.

6 Il s’agit ici du produit utilisé pour se débarrasser des nuisibles, pas du mélange utilisé lors de la fabrication des allumettes.

7 De nombreux ouvrages étudient cette loi et ses conséquences sur l’industrie française. Voir par exemple GUILLERME

André, LEFORT Anne-Cécile et JIGAUDON Gérard, Dangereux, insalubres et incommodes. Paysages industriels en

banlieue parisienne, XIXe-XXe siècles, Champ Vallon, Seyssel, 2004. sur l’impact de ce décret sur la répartition spatiale

de l’industrie francilienne entre Paris et ses banlieues, ou MASSARD-GUILBAUD Geneviève, Histoire de la pollution

industrielle France, 1789-1914, Paris, EHESS, 2010. sur l’application pratique du décret et son influence favorable aux

industries polluantes.

8 MASSARD-GUILBAUD, Histoire de la pollution industrielle, op. cit., 2010, p. 43. 9 Ibid., p. 69.

les plaintes que pourraient exprimer les voisins à l’encontre de la fabrique. Un point sur lequel insistent les historiens est que ce n’est pas un décret contre l’industrie. Il est favorable dans son principe aux industriels car il restreint la possibilité de recours juridiques au civil contre un établissement autorisé administrativement.

Les fabriques d’allumettes n’étaient, à l’évidence, pas comprises dans la première nomenclature, antérieure à l’apparition de l’industrie allumettière. Leur inscription est même assez tardive. En effet, comme le note Roussel, « les industries nées ou importées en France depuis [1810] ont dû vivre et se développer plus ou moins longtemps en dehors des règlements existants, et n'ont pu être atteintes que tardivement par des règlements efficaces et complets. »11 Or l’absence de rétroactivité

du décret conduit à ce que la plupart des fabriques d’allumettes ne soit pas concernée à la fin des années 1840. « Les deux plus grandes fabriques de Paris sont situées sur la voie publique et contiguës à des habitations particulières. », ce malgré le fait que l’industrie allumettière appartienne à la première classe d’établissements12. Il semble toutefois largement s’en accommoder, car il considère que

l’adoption d’une série de mesures pourraient réduire le risque dans les fabriques au point que ces dernières pourraient relever de la deuxième classe. Il propose à la fois d’améliorer chacune des étapes de la production et de réorganiser spatialement l’ensemble des fabriques pour diminuer les risques d’incendies. Il y a en effet une certaine marge de manœuvre dans la nomenclature, malgré son aspect figé et objectif, et l’industrie chimique à laquelle peut se rattacher la fabrication des allumettes est notoirement considérée avec bienveillance par les autorités publiques13. Dans l’ensemble, c’est surtout

le risque d’incendie qui est pris en charge. Le décret de 1810 est plus polyvalent. À Bègles en 1861 par exemple, la demande de renouvellement de l’autorisation d’un M. Soldeville, qui ne rencontre aucune opposition dans aucune des communes voisines, est acceptée à condition de réaliser un certain nombre d’aménagements. Ces derniers sont de deux ordres. Les deux tiers visent à réduire le risque d’incendie et touchent plutôt aux processus de production : ne pas produire plus d’un kilogramme de pâte phosphorée à la fois, ne pas utiliser de substance explosive comme le chlorate de potasse, stocker le phosphore immergé et sous clef, remplacer des étagères en bois par des étagère en métal. Le dernier tiers des demandes vise à améliorer le renouvellement de l’air dans le séchoir, avec l’agrandissement des ouvertures sur le côté de la pièce et l’installation d’une cheminée ou d’une hotte aspirante14.

11 ROUSSEL, Recherches sur les maladies..., op. cit., 1846, p. 68.

12 Ibid., p. 71.

13 MASSARD-GUILBAUD, Histoire de la pollution industrielle, op. cit., 2010, p. 47.

Le problème est que cet ensemble de règles n’est en pratique jamais appliqué. D’après Roussel, l’ordonnance du 21 mai 1838 sur le transport des allumettes n’a jamais été rigoureusement appliquée15.

Le transport se fait souvent, de manière illégale, en gros paquets et par diligence. Les compagnies de roulage, pour éviter les accidents, refusent même souvent d’accepter de tels colis à cause des risques. Le timbre n’est par ailleurs que rarement apposé. Chevallier, quinze ans plus tard, ne dit pas autre chose à propos de la vente d’allumettes en vrac : « Malgré toutes les injonctions faites jusqu’ici, rien n’a changé, et dans la plupart des boutiques tenues par les épiciers, les allumettes en vrac sont exposées au choc de divers objets, et si les incendies déterminés par ces allumettes ne sont pas plus considérables, il faut l’attribuer au hasard »16. Le problème est aussi visible pour l’application du décret

de 1810. Toujours à Bègles, en 1876, la Société générale des allumettes chimiques, à laquelle est affermé le monopole des allumettes, demande une autorisation de maintenir une fabrique acquise récemment. Suite à une enquête assez défavorable, un ensemble de mesures est imposé. Il faut réaménager spatialement l’ensemble des bâtiments de la fabrique, entreposer le phosphore sous l’eau, couvrir par du plâtre les bois apparents, installer une pompe à incendie, faire des visites nocturnes pour prévenir les risques d’incendies… L’autorisation, accordée, est valable pour cinq ans renouvelables17.

Or, la demande de renouvellement, cinq ans plus tard, également accordée, stipule que « l’autorisation sollicitée peut être accordée, sans inconvénient pour l’hygiène et la salubrité publique, aux conditions énumérées d’autre part », lesquelles sont résumées de manière concise : « observer et appliquer les conditions de l’arrêté du 21 juin 1876 »18. Il est donc patent que les demandes préfectorales n’ont pas

été appliquées. C’est en réalité extrêmement banal selon Geneviève Massard-Guilbaud : « Pendant tout le siècle, les arrêtés des préfets furent bafoués à grande échelle. Tous les observateurs dénonçaient le fait »19.

Enfin, même au-delà de ces infractions systématiques aux régulations, celles-ci seraient, même en cas de pleine application, insuffisantes. D’après Roussel par exemple, les restrictions sur le transport des allumettes sont inefficaces car l’ordonnance de 1838 autorise le transport en vrac ou en gros paquets, ce qui augmente le risque d’incendie, puisque les allumettes s’embrasent par simple frottement sur n’importe quelle surface, a fortiori lors des secousses inévitables lors du transport. Il faudrait rendre obligatoire le conditionnement des allumettes dans des petites boîtes, seul à même de réduire le risque

15 ROUSSEL, Recherches sur les maladies..., op. cit., 1846, p. 66.

16 CHEVALLIER, « Mémoire sur les allumettes chimiques... », art. cit., 1861, p. 273.

17 AD 33, 5 M 335, « Extrait des registres des arrêtés du préfet du département de la Gironde, 21 juin 1876 ». 18 AD 33, 5 M 336, « Extrait des registres des arrêtés du préfet du département de la Gironde, 31 mai 1881 ». 19 MASSARD-GUILBAUD, Histoire de la pollution industrielle, op. cit., 2010, pp. 301-302.

d’incendies.20 Concernant les empoisonnements, la décision de restreindre la vente de pâte phosphorée

est obsolète avant même d’être prise. En effet, l’usage de pâte phosphorée est en déclin constant. Dans le même temps, les allumettes, contenant exactement le même poison, se sont généralisées à bas prix sans être inquiétées par le ministère du Commerce21. Pour le décret de 1810 enfin, s’il y a une absence

de contrôle concernant les grandes fabriques, il y a parfois une absence d’exigence concernant la salubrité et la sécurité des petites. À Trélazé, un fabricant d’allumettes, Jean Labbé, demande une autorisation pour installer une petite fabrique en 1848. Le maire de Trélazé donne son avis dans un procès-verbal : « il fabrique seul les allumettes, mais par son procédé il en peut faire prodigieusement dans un jour, nous n’avons pas aperçu qu’il y ait lieu de craindre directement d’incendie. Cependant cela pourrait arriver si on négligeait les précautions. […] Ce Labbé paraît dans une misère comme il s’en voit peu, pourtant par ce petit commerce, il a du pain »22. On voit ici que le maire de Trélazé

valorise l’industrie, source à la fois de progrès technique et d’emploi. Cet argument de l’emploi est probablement la raison pour laquelle il minimise le risque d’incendie. En effet, malgré la misère de Labbé, son activité lui permet au moins de subsister. Un tel équilibrage entre préservation des intérêts économiques des industriels, petits et grands, et réduction des dangers d’une industrie insalubre, est constant dans l’application du décret de 181023. Plus généralement, le fait même que toutes les

réglementations concernant l’industrie allumettière soient génériques peut être vu comme un aveu d’échec. Il y a en effet un fort contraste entre l’accumulation de descriptions cauchemardesques du phosphore blanc par les hygiénistes, et l’inaction des autorités publiques qui ne s’impliquent qu’a

minima en faisant avec les outils qu’elles ont, au risque que le danger soit mal pris en charge.

Concernant les empoisonnements par exemple, la réutilisation de l’ordonnance utilisée contre l’arsenic est complètement inefficace et en décalage car les modes d’acquisition du phosphore blanc sont complètement différents. Il est en vente libre partout dans les allumettes, et s’il est possible de restreindre l’usage déjà déclinant de la pâte phosphorée contre les nuisibles, il semblerait absurde d’étendre le dispositif aux allumettes et de n’autoriser la vente d’allumettes que par des pharmaciens et sur ordonnance ! Comme dans le chapitre précédent, l’inadéquation entre les aspirations des hygiénistes et les réponses des autorités est patente.

20 ROUSSEL, Recherches sur les maladies..., op. cit., 1846, p. 66.

21 CAUSSÉ et CHEVALLIERFILS, « Considérations générales... », art. cit., 1855, pp. 166-167. 22 AD 49, 50 M 11, « Procès verbal du 8 novembre 1848 »

• Quelques initiatives isolées pour interdire le phosphore blanc

En plus de cet ensemble de régulations inopérantes, il y a eu dans les années 1840 et 1850 quelques rares et timides tentatives visant à restreindre l’usage des allumettes au phosphore blanc. Elles sont notamment le fait de collectivités locales voulant lutter contre la prolifération d’incendies. D’après Roussel, le Maire de Nantes a ainsi interdit d’introduire des allumettes dans les théâtres24. Il voulait

probablement éviter qu’une catastrophe ne se produise par la combinaison pour le moins explosive de l’éclairage au gaz et d’allumettes qui s’embrasent extrêmement facilement. Alphonse Chevallier indique également que plusieurs conseils généraux ont demandé l’interdiction de la fabrication et de la vente d’allumettes au phosphore blanc, invoquant notamment le risque toujours accru d’incendies25. Le

phénomène est national, bien que d’effet limité. En 1871 par exemple, le besoin de régulation, voire d’interdiction du phosphore blanc, est« une opinion déjà émise par 80 conseils généraux et présentée à plusieurs reprises au Sénat dans des pétitions qui y ont toujours été favorablement accueillies »26. Ces

cas sont parfois anecdotiques, mais ils montrent qu’il y a une volonté d’interdire le phosphore blanc au moins par une partie des autorités public. La limite à cette volonté est qu’elle n’est pas partagée par les instances véritablement décisionnaires. Sous le Second Empire par exemple, le pouvoir est concentré entre les mains de l’Empereur qui détient seul l’initiative des lois. Ni les députés, ne pouvant que voter les lois sans les amender, ni les sénateurs, chargés de vérifier leur constitutionnalité, ne peuvent proposer de textes législatifs27. Ainsi, les avis rendus par le Sénat sont vus comme encourageants par

ceux des médecins qui veulent interdire le phosphore blanc, mais ils n’ont pas de réelle incidence. Le coup le plus important, si on peut dire, est porté par le Ministère de la guerre, qui interdit unilatéralement les allumettes au phosphore blanc dans tous les établissements militaires en 1859. Il commence par n’autoriser que les allumettes de sûreté Coignet, mais suite à des lettres envoyées par Canouil, Bombes-Devilliers et Dalemagne, il demande fin août à l’Académie des sciences de comparer ces trois allumettes. Nous ne reviendrons pas sur leurs caractéristiques respectives. Ce qui est intéressant ici, ce sont les raisons qui poussent le Ministre de la guerre à prendre cette décision :

24 ROUSSEL, Recherches sur les maladies..., op. cit., 1846, p. 67.

25 CHEVALLIER, « Mémoire sur les allumettes chimiques... », art. cit., 1861, p. 244.

26 « Annexe n° 1365, Séance du 27 juillet 1872, Rapport fait au nom de la commission du budget de 1872 chargée d’examiner le projet de loi ayant pour objet d’attribuer exclusivement à l’Etat l’achat et la fabrication et la vente des allumettes chimiques », Journal Officiel de la République Française, 12.08.1872, p. 5496.

27 AGULHON Maurice, NOUSCHI André, OLIVESI Antoine et al., La France de 1848 à nos jours, Armand Colin, Paris,

« M. le Ministre de la Guerre, frappé des graves inconvénients de l’usage des allumettes chimiques à pâte de phosphore blanc qui prennent feu par un léger frottement, une température peu élevée, et portent avec elles un poison comparable à l’arsenic, a décidé que l’usage en serait interdit dans les établissements dépendant de son Ministère »28.

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