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L’importance de la collaboration entre les municipalités de la MRC

Laissons maintenant de côté, pour y revenir bientôt, les considérations de démographie et d’aménagement du territoire pour aborder, en terminant cette première partie consacrée à la mise en contexte, deux questions plus directement liées à des considérations de finances publiques locales : l’importance de la collaboration entre les municipalités et ensuite, certaines questions concernant le fardeau fiscal.

Quelle serait la proportion maximale de mise en commun ? Autrement dit, dans le cadre d’une fusion ou autrement, quelle est la part des dépenses qui peuvent être centralisées ou, du moins, plus étroitement concertées, et sur lesquelles on pourrait espérer réaliser des économies d’échelle : la somme serait-elle beaucoup plus importante que la somme actuelle ?

À première vue, il pourrait même paraître saugrenu d’aborder la question de la collaboration entre les municipalités de la MRC de Joliette. En effet, la relative fragmentation administrative de l’agglomération de Joliette serait aggravée par un climat de chicanes perpétuelles qui entraverait l’aboutissement de projets communs ou du moins, qui le retarderait considérablement : c’est presque toujours « compliqué, lourd, tortueux et pénible », comme le disait textuellement l’une des personnes rencontrées, reprenant en substance l’un des commentaires qui reviennent le plus souvent chez de nombreux interlocuteurs.

Et pourtant, quand on y regarde de près, les municipalités font beaucoup de choses ensemble, à deux, trois, quatre, ou toutes ensemble. Et cette tendance se confirme chaque année à mesure que s’ajoutent de nouveaux lieux de collaboration44.

D’ailleurs, il y plusieurs années, les municipalités de la région de Joliette s’étaient déjà dotées d’un organisme qui est probablement un des ancêtres organisationnels les plus directs des CLD (Centres locaux de développement) tels que nous les connaissons – il s’agissait d’un

44 Parmi les opérations qui n’étaient pas comptabilisées pour les prévisions 2002, on note le fait que Saint-

Ambroise-de-Kildare va acheter de l’eau à Saint-Charles-Borromée pour alimenter le quartier qui est à la frontière nord du second et l’aboutissement du projet de bibliothèque intermunicipale, qui voit finalement le jour après avoir été « dans l’air » pendant très longtemps. Le 7 mars dernier, la ministre Diane Lemieux annonçait officiellement que le gouvernement engageait trois millions dans l’affaire. Mais on peut profiter de cet heureux dénouement pour bien mesurer la lenteur et l’ampleur des retards que nous évoquions en matière de collaboration intermunicipale sachant que la première annonce écrite du déblocage des crédits gouvernementaux pour cette bibliothèque remonte à un certain temps déjà : c’est-à-dire à l’époque où le

véritable prototype : ces municipalités autonomistes, qui sont supposément toujours à couteaux tirés, étaient parvenues, même si c’était avec difficulté, à se mettre d’accord pour opérer et financer ce qu’il a fallu imposer à bon nombre de MRC.

D’après les estimés que nous explicitons en annexe 5, les municipalités de la MRC de Joliette consacrent un gros tiers de leur budget respectif à des opérations menées en commun avec leurs voisines45. Avec ce tiers de leur budget, notre analyse nous permet de

croire que les municipalités ne sont pas très loin de réaliser d’ores et déjà la majeure partie du potentiel de collaboration; autrement dit, si nos estimés sont justes, les trois quarts de ce qui pourrait éventuellement être accompli en collaboration font donc déjà l’objet d’une mise en commun. Une des personnes rencontrées disait que la situation des municipalités du pourtour de Joliette se rapproche de celle des arrondissements des grandes villes récemment fusionnées : elles réalisent en commun une bonne partie de leurs activités et elles ne gèrent de façon autonome que ce qu’on appelle les « services de proximité ».

Or, si l’essentiel des tâches regroupables sont déjà mises en commun, la fusion est, d’une certaine façon, presque réalisée puisque le reste des dépenses continueraient probablement à se faire de façon très différente d’un « quartier » à l’autre, même une fois qu’ils auraient été intégrés dans l’éventuelle nouvelle ville46 : en toute logique, peu importe le scénario retenu,

dans les rues de Saint-Charles-Borromée et de Notre-Dame-des-Prairies, on continuera à tasser la neige sur les bords et on ne la ramassera pas, pas plus que maintenant, de la même façon qu’on ne dépensera pas un sou pour les trottoirs, pour la « bonne » raison qu’il n’y en a pas (ou si peu).

À partir d’un pareil constat, on peut mettre de l’avant deux points de vue passablement différents : étant donné que la collaboration est déjà à ce point importante, une fusion n’en serait que plus facile tout en étant beaucoup moins attrayante.

En effet, les uns peuvent se dire : si c’est presque déjà fait, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout et compléter le peu qui reste à faire ? Comme le fonctionnement est bon, on voudrait qu’il devienne plus stable, car on cherche à s’épargner les coûts et les embêtements inévitables qu’implique une collaboration à plusieurs : pourquoi faudrait-il constamment courir

45 Notons que, à peu de choses près, il s’agit d’une proportion équivalente à ce que les municipalités de la

Communauté urbaine de Montréal réalisaient en commun avant la fusion.

46 Probablement, car il se peut aussi qu’une fusion n’entraîne un mouvement vers une uniformisation des

le risque qu’un des partenaires ne vienne tout remettre en question ? Pourquoi renégocier sempiternellement les termes d’accords dont la mise en oeuvre a pourtant démontré qu’ils sont tout à fait utiles et appropriés ?

Défendant l’opinion contraire, les autres peuvent dire : le mieux est l’ennemi du bien. Si c’est presque déjà fait et si on profite déjà d’une bonne partie des bénéfices découlant d’une mise en commun, pourquoi ne pas s’en contenter ? Pourquoi tenter le diable et aller au devant des ennuis ? En effet, il ne faut pas sous-estimer les difficultés et les coûts d’une fusion : par exemple, les opérations de conciliation des conventions collectives et des régimes de pension, même celles qui paraissent les plus simples, recèlent immanquablement leur lot de surprises désagréables et coûteuses. Par ailleurs, si l’essentiel du potentiel de collaboration est déjà réalisé, que pourrait-on espérer de plus en termes d’éventuelles économies d’échelle ?

L’importance de la collaboration entre les municipalités de la MRC nous conduit directement à nous questionner sur le sens de la démarche et c’est ce que nous ferons dans la section 2 intitulée « Pourquoi voudrait-on réorganiser ? », tout de suite après avoir comparé les charges fiscales compte tenu des services municipaux.