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Chapitre 1. Les perceptions de brèche et/ou de violation du contrat psychologique

1.3. Les conséquences attitudinales et comportementales des perceptions de brèche et/ou de violation

1.3.3. L’implication ou l’engagement au travail

« est une force qui lie un individu à une série d’action qui est pertinente à une cible particulière » (Meyer & Herscovitch, 2001). Elle est conceptualisée comme un construit psychologique qui repose essentiellement sur l’identification de l’individu à une cible spécifique (carrière, organisation, travail, etc.) c'est-à-dire comme un attachement psychologique (O’Reilly et Chatman, 1986).

Les objets et dimensions de l’implication

Introduite par Foote (1951), ce concept a été fortement mobilisé depuis les années 1970 (Porter et al., 1974, 1976 ; Mowday, Steers et Porter, 1979) notamment en France depuis le début des années 1980 (Thévenet, 1992, 1993 ; Charles-Pauvers, 2005, 2006). S’il a suscité de nombreux travaux de recherche, sa clarification se heurte à la coexistence de multiples approches. Par exemple, selon Bélanger et Lévesque (1986), aux yeux d’un individu, l’implication et l’engagement peuvent représenter un gagne-pain, un moyen de favoriser sa carrière individuelle, une équipe de travail à laquelle il s’identifie ou même une contribution sociale (cette dernière représentation englobant les trois autres). Morrow (1983) a ainsi recensé plus de trente définitions différentes de ce concept dans la littérature anglo-saxonne à travers le terme de « commitment ». Malgré tout, il semble unanimement associé à une relation entre deux entités, une personne (sujet) et une composante de la situation de travail (objet). Thévenet (1993, p 33) le spécifie d’ailleurs en expliquant que « la question de l’implication part du principe que l’on ne peut être membre d’un groupe sans construire progressivement avec lui une relation et sans être construit, en partie soi- même, par cette relation ».

D’autre part, quelles que soient les approches, ce rapport sujet/objet est toujours défini comme une attitude (Lincoln et Kalleberg, 1996) interne au sujet qui a un objet et qui comporte trois dimensions. Comme le soulignent Tafani et Souchet (2001, p 59), « que l’attitude soit définie comme un mécanisme psychologique (Thomas et Znaniecki, 1918), comme un état

mental (Allport, 1935) ou comme une tendance psychologique (Eagly et Chaiken, 1993), elle

reste un processus qu’il est impossible d’observer directement, puisque interne au sujet ». Ainsi, non seulement l’implication des salariés n’est jamais acquise et n’est identifiable (par les

40 Contrairement à la littérature européenne qui utilise généralement le terme implication, la littérature québécoise utilise le terme engagement comme traduction du mot commitment. Aussi, dans cette étude, les termes involvement et commitment seront traduits par implication.

managers notamment) qu’à travers son extériorisation par les intéressés. L’implication, dont Mc Caul, Hinz et Mc Caul (1995) confirment la nature attitudinale en la qualifiant d’attitude globale du salarié à l’égard de l’organisation, est alors définie comme un état psychologique résultant à la fois des désirs, de la volonté, des devoirs, des intérêts du salarié, des intentions d’actions dans l’organisation et de l’intention de quitter ou non l’entreprise, suivant un processus complexe d’articulation et de priorisation (Allen et Meyer, 1991).

Toutes les théories ne se contentent pas d’un objet unique de l’implication. Morrow (1983), lors de ses premières recherches sur ce concept, a construit une typologie de l’implication constituée par 5 catégories qui tendent à s’imposer comme concept global recouvrant différents objets. Ceux- ci portent sur :

 Les valeurs ou éthique au travail qui correspondent à la mesure dans laquelle un individu valorise le travail comme une fin en soi ou encore le degré auquel une personne croit dans l’importance du travail lui-même (valeur intrinsèque du travail)  La carrière ou profession qui renvoie à l’importance que l’individu accorde à sa

profession ou sa carrière

 Le poste qui fait référence au degré d’absorption de l’activité de travail dans la vie quotidienne c’est-à-dire l’attachement dans le travail,

 Le syndicat qui renvoie à la dévotion et loyauté envers l’organisation syndicale

 L’organisation qui est définie comme l’attachement psychologique d’un individu à l’organisation toute entière, opposé à l’implication vis-à-vis de constituants à l’intérieur d’une organisation comme la direction (Reichers, 1985) ou le groupe de travail (Zaccaro et Dobbins, 1989). Trois formes d’implication organisationnelle ont été étudiées :

o Calculée ou de continuité qui met l’accent sur les pertes perçues associées au départ de l’organisation,

o Affective ou attitudinale qui reflète l’identification et l’implication d’une personne dans une organisation particulière

o Normative qui correspond à un sentiment d’obligation morale de demeurer au sein d’une organisation

Pourtant, comme nous avons pu le constater dans notre travail de DEA, la typologie de Morrow (1983) ne nous a pas permis d’intégrer les objets plus saillants qui sont apparus (« groupe de travail » ou encore « Directeur »). D’ailleurs, lors d’une étude dont l’objectif était de mettre en relief et d’analyser de façon systématique les principales caractéristiques des travaux sur les

différents construits d’engagement des employés entre 1998 et 200241, Lapalme et Doucet (2004) ont constaté qu’en plus des cinq cibles ou objets identifiés par Morrow (1983), plusieurs autres cibles coexistaient (cf. tableau suivant). Ainsi, un même construit peut présenter différentes définitions (ex : l’implication à l’emploi, job involvement, qui renvoie à deux cibles d’engagement, soit l’emploi et le travail) ou être représenté par des objets multiples42

. On constate qu’il existe également une redondance à l’intérieur des différentes cibles d’engagement qui multiplie inutilement les construits et complexifie l’étude de l’implication des employés.

Tableau 7. Répartition des concepts d’implication par cible (d’après Lapalme et Doucet, 2004)

Cibles ou Objets Construits de la littérature

Emploi Job Commitment Job Involvement Employee Commitment Task Involvement Profession Occupational Commitment Professional Commitment Carrer Commitment

Groupe Team Commitment

Group Commitment

Travail Work Involvement

Syndicat Union Commitment

Superviseur Supervisor Commitment

Commitment

Subordonné Subordinate Commitment

Secteur NHS Commitment

Famille Family Commitment

Client Customer Commitment

Communauté Attachment to the community

Changement Commitment to change

Assignation Assignment Commitment

Multiple Multiple Commitment Dual Commitment Employee Commitment Work Commitment

41 C’est-à-dire aux études employant les termes de « commitment, involvement, attachment » qui se rapportent à la définition de l’engagement

42 Reichers (1985) fut l’une des pionnières dans l’étude de l’engagement multiple. Cette auteure soulignait d’ailleurs que cette approche ouvrait la voie à une perspective conflictuelle entre les différentes cibles d’engagement (Reichers, 1986)

Aussi, afin d’éviter une limitation d’exploration, nous nous appuierons dans notre étude sur les cibles présentées par Lapalme et Doucet (2004). De plus, tous ces objets peuvent être couverts par trois dimensions distinctes (Rosenberg et Hovland, 1960) qui ne sont pas mutuellement exclusives et qui adoptent une importance relative selon l’évolution de la relation d’emploi (Meyer et Allen, 1997) :

 Une dimension cognitive qui est associée à la pensée, au jugement ou encore aux croyances du sujet. Cette dimension ne doit pas être assimilé à « rationnel » car l’implication peut être fonction de ce que l’individu considère percevoir mais aussi de ses attentes vis-à-vis de sa situation professionnelle, voire même de ses idéaux. Elle apparaît donc non seulement comme caractérisée par un processus de jugement43 mais, comme l’ont montré Gaertner et Nollen (1989), dépendant des perceptions ou encore des croyances que s’est façonnée la personne44

 Une dimension affective45

qui renvoie à l’attachement affectif et émotionnel du salarié  Une dimension conative qui renvoie aux intentions d’actions

Le contrat psychologique et l’implication

Pouvoir compter sur l’implication « volontaire » de ses salariés est donc hautement stratégique pour l’entreprise. Comme l’ont montré Mowday, Porter et Dubin (1974), les salariés les plus impliqués ont de meilleurs performances que ceux qui le sont moins et sont plus fidèles à l’organisation. Dans la même optique, plusieurs études ont montré que l’implication affective a un impact positif sur la performance au travail (Meyer, Stanley, Herscovitch & Topolnytsky, 2002 ; Vandenberghe, Bentein & Stinglhamber, 2002). Les individus manifestant un fort attachement émotionnel seraient plus enclins à être performants afin de contribuer aux succès de l’organisation (Mowday & al, 1982). Cet attachement les amènerait aussi à percevoir leur rôle au travail d’une façon plus extensive et à être plus motivés à adopter des comportements hors rôles (Lee, 2001 ; Morrison, 1994 ; Tepper & Taylor, 2003). Les synthèses de recherches réalisées par Organ et Ryan (1995) et par Meyer, Stanly, Herscovitch et Topolnytsky (2002) ont d’ailleurs permis de mettre en perspective l’existence d’une relation consistante et forte entre l’implication et la performance hors rôle c’est-à-dire l’adoption de comportements hors « tâches prescrites » afin de rétribuer l’organisation (Schnake, 1991). Morrison (1994) a ainsi montré que les individus

43 Faisant référence aux deux processus internes fondamentaux définis par Jung : la perception (collecte des données par le sujet dans son environnement) et le jugement (traitement de ces données)

44 Cette dimension souligne la correspondance entre implication et CP

45 La majorité des auteurs affirment qu’elle est la forme la plus significative pour l’organisation, car elle est plus fortement liée aux indicateurs de performance organisationnelle (Mathieu et Zajac, 1990)

ayant un fort niveau d’attachement émotionnel définissaient plus largement leur rôle au travail que leurs collègues qui le sont moins.

Aussi, plus l’engagement émotionnel est fort à l’égard d’une ou plusieurs cibles, plus les individus élargissent les termes de leur CP avec l’organisation, et plus ils sont disposés à élargir leure gamme de comportements discrétionnaires ou volontaires (Lee, 2001 ; Tepper & Taylor, 2003). Pour Meyer et Smith (2000), l’organisation qui investit dans ses employés (ex : par le biais du développement de carrière) prouve à ces derniers qu’elle les soutient dans leur développement personnel et professionnel. Sur la base du mécanisme de réciprocité, les employés s’investissent à leur tour en s’impliquant et en s’engageant envers l’organisation dans des comportements hors- rôle. Les termes du CP sont ainsi respectés et même améliorés (Rousseau, 1995). D’ailleurs, l’étude de Sturges, Conway, Guest et Liefooghe (2005) confirme les résultats selon lesquels l’accomplissement du CP a une relation avec l’implication affective et la performance au travail : les individus se sentent plus impliqués et performants si leur CP est accompli. L’étude de Sturges, Conway, Guest et Liefooghe (2005) laisse donc supposer que la relation entre l’accomplissement du CP et la performance au travail n’est pas directe mais qu’elle s’opère via l’implication organisationnelle affective. Cette étude confirme aussi le rôle de l’implication organisationnelle affective comme variable médiatrice (Turnley et Feldman, 2000) entre l’accomplissement du CP et les résultats comportementaux positifs et négatifs qui en résultent46.

46 Nous l’indiquions déjà dans notre travail de DEA en soulignant qu’elle était elle-même « conséquence » avant d’être « antécédent »

1.3.4.

Le

Comportement

de

Citoyenneté