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L’impact de l’environnement sur les sentiments et motivations des individus

CHAPITRE IV. LE MODELE CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE

Section 1. L’impact de l’environnement sur les sentiments et motivations des individus

Nous étudions les effets potentiels du contexte économique, donc d’un environnement externe sur un comportement particulier. Dès lors, nous allons nous inspirer des travaux en psychologie de l’environnement (Donovan et Rossiter, 1982), qui est une discipline qui cherche à prédire l'effet collectif des stimuli d’un environnement particulier sur les sentiments et les motivations des individus (Mehrabian, 1976). La psychologie de l'environnement se concentre sur deux principaux sujets : (1) l'impact émotionnel des stimuli externes et (2) l'effet des stimuli externes sur les motivations (Mehrabian et Russell, 1974).

L'approche la plus utilisée dans ce domaine est celle de Mehrabian et Russell (1974). Ces derniers ont proposé le modèle « Stimuli – Organisme – Réponse » (« Stimuli-Organism-

Response S-O-R »). Selon Mehrabian et Russell (1974), l'environnement externe contient des

stimuli (S) qui affectent les organismes (consommateurs : O) et entraînent les individus à approcher les gains ou à éviter les pertes (R). Ce cadre suggère qu'un environnement particulier provoque chez un individu certaines réactions émotionnelles qui, à leur tour, l'amènent à s'approcher ou à éviter l'environnement avec un degré plus ou moins élevé (Mehrabian, 1976) (voir figure 6 ci-dessous).

Figure 6. Le modèle S-O-R

Il peut s’avérer difficile de déterminer les facteurs de stimulation externes, en raison des combinaisons complexes et changeantes de stimuli rencontrées dans l’environnement. Les psychologues ont toutefois mis au point un système général pour décrire les environnements. Le cœur de ce système descriptif est le concept de taux d'informations, c'est-à-dire la charge de l’environnement, la quantité d’informations contenues ou perçues dans l'environnement par unité de temps (Mehrabian, 1976). Mehrabian et Russell (1974) considèrent la charge de tout environnement comme une combinaison de sa nouveauté et de sa complexité.

La nouveauté d'un environnement est liée au degré de méconnaissance et d'incertitude. La complexité fait référence au nombre d'éléments, de caractéristiques ou de changements dans un milieu environnemental. Lorsque l'on additionne les facteurs de nouveauté et de complexité, on obtient une mesure fiable pour tout environnement : sa charge informationnelle. La procédure la plus courante consiste à décrire un environnement en fonction des divers objets qu'il contient et des relations entre ces objets. Par exemple, l’environnement économique d’un pays peut être décrit par son PIB, son déficit, sa dette, son Indice de Développement Humain (IDH), son taux de chômage, son attractivité d’investissements étrangers, son taux d’inflation, sa notation par les institutions financières. Toutefois, cette liste de descripteurs pourrait se poursuivre indéfiniment, par conséquent, une liste ne constitue pas forcément une description exhaustive du milieu.

Mehrabian et Russell (1974) affirment que trois états émotionnels de base servent de variables médiatrices entre les stimuli environnementaux et les motivations d’approche ou d’évitement avec : le plaisir, l’excitation et la domination. Chaque dimension étant indépendante des deux autres.

Mehrabian et Russell (1974) présentent de nombreuses preuves à l'appui du choix de trois états émotionnels comme variables intermédiaires. Ils affirment que pour comprendre les interactions des individus dans divers environnements, il est essentiel d'identifier les réponses qui sont le résultat immédiat de la stimulation et qui se produisent à des degrés divers dans tous les environnements. La psychologie de l'environnement exige une description exacte de ces réactions. Les réponses perceptuelles standard ne donnent pas une liste complète puisqu'il est nécessaire de considérer de nombreuses dimensions de la réponse dans chaque modalité sensorielle.

Ainsi, dans une tentative d'identifier des réponses communes à tous les types de stimuli, quelle que soit la modalité sensorielle stimulée, Mehrabian et Russell (1974) se tournent vers l'étude de l'intermodalité sensorielle. Leurs résultats montrent que les réactions émotionnelles représentent le noyau commun de la réponse humaine à tous les types d'environnements.

Ils proposent que le plaisir, l'excitation et la domination sont les trois réactions émotionnelles de base à tout environnement. Le plaisir fait référence au degré auquel une personne se sent heureuse, joyeuse ou satisfaite . L’excitation concerne le niveau d’activité, de stimulation ou de vigilance d'une personne. La domination se réfère à la mesure dans laquelle une personne se sent libre et en contrôle de la situation. Ils font référence à des études physiologiques qui ont démontré qu'il existe un mécanisme associé à l'expérience de la douleur et du plaisir. La stimulation électrique des zones de l'hypothalamus et de certains noyaux du cerveau moyen provoque une sensation agréable, et la stimulation des parties inférieures du système de la ligne médiane provoque une douleur (Heath, 1964). Le modèle propose que chaque état émotionnel d'un individu puisse être décrit comme une combinaison de ces trois dimensions (Mehrabian et Russell, 1974).

Mehrabian et Russell (1974) proposent que la combinaison des états émotionnels génère des motivations d’approche ou d’évitement. Selon les psychologues, une motivation d’approche peut être définie comme l’activation de comportements par, ou l’orientation de comportements vers, des stimuli positifs (objets, événements, possibilités). Tandis qu’une motivation d’évitement peut être définie comme l’activation de comportements par, ou l’orientation de comportements vers, des stimuli négatifs (objets, événements, possibilités) (Elliot, 2013).

Mehrabian et Russell (1974) suggèrent quatre dimensions pour les motivations d’approche et d’évitement : (1) un désir de rester physiquement ou de partir de l'environnement ; (2) un désir d'explorer l'environnement par opposition à une tendance à rester immobile dans l'environnement ; (3) un désir de communiquer avec les autres dans l'environnement par rapport à une tendance à éviter l’interaction ; (4) une volonté d’améliorer l'exécution d’une tâche dans l’environnement ou au contraire de l’entraver.

De nombreuses recherches ont repris ce modèle pour analyser l’impact de l’environnement des commerces physiques sur le comportement de consommation (Donovan et Rossiter, 1982 ; Donovan, Rossiter, Marcoolyn et Nesdale, 1994 ; Jang et Namkung, 2009).

Plus récemment, la littérature s’est concentrée sur l’atmosphère numérique des commerces en ligne avec notamment les recherches d’Eroglu, Machleit et Davis (2001), Koo et Ju (2010) et Wang, Hernandez et Minor (2010).

Le modèle S-O-R, et ceux qui en découlent, nous montrent qu’un environnement particulier influence les motivations et les comportements des consommateurs. Dans ce travail, nous nous intéressons aux influences de l’environnement économique, nous proposons un second cadre théorique qui présente les influences du contexte économique sur les états émotionnels et les motivations des consommateurs.

Section 2. L’influence du contexte économique sur les états

émotionnels et les motivations des consommateurs

Nous mobilisons le cadre de Millet, Lamey et Van den Bergh (2012) qui explique comment le contexte économique perçu par les consommateurs impacte leurs comportements. Millet, Lamey et Van den Bergh (2012) décrivent par quels processus les cycles économiques (expansions et contractions) déclenchent des orientations motivationnelles distinctes qui influent sur les décisions d’achats des consommateurs (voir figure 7 ci-après).

Les contractions économiques génèrent un sentiment plus négatif, induisant un évitement du risque pour les résultats négatifs, tandis que les expansions économiques génèrent un sentiment plus positif, incitant la recherche du risque pour des résultats positifs (Millet, Lamey et Van den Bergh, 2012). Millet, Lamey et Van den Bergh (2012) ont montré comment les consommateurs ajustent leurs comportements en fonction des conditions économiques.

Pendant les contractions économiques, les consommateurs sont plus enclins à acheter des produits ou des services associés à la prévention des conséquences négatives tels que l'assurance-vie. A contrario, les produits ou les services associés à des résultats positifs (les jeux d’argent par exemple) sont plus populaires durant les expansions économiques.

Millet, Lamey et Van den Bergh (2012) assument implicitement les postulats de l’économie psychologique, initiée par Katona (1975) et développée par Van Raaij (1981), en suggérant que les stimuli économiques réels (taux de chômage, inflation, niveau de prix) influencent les sentiments économiques des consommateurs. Dans cette conception, le contexte