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CHAPITRE II. LE CONTEXTE ECONOMIQUE : CONCEPTIONS, MESURES ET

Section 1. Les approches du contexte économique

Avant de définir le contexte économique, nous introduisons la notion d’environnement économique qui peut être défini comme l’ensemble des facteurs économiques, tels que l'emploi, les revenus, l'inflation, les taux d'intérêt, la productivité et la richesse, qui influencent le comportement d'achat des consommateurs et des institutions32. Cette définition est une

simplification d’une réalité plus complexe, qu’il convient d’approfondir.

Selon le Petit Robert33, l’environnement représente l’ensemble des condition naturelles (physiques, chimiques, biologiques) et culturelles (sociologiques) dans lesquelles les organismes vivants (en particulier l’humain) se développent. Ce sont par extension les conditions extérieures susceptibles d’agir sur le fonctionnement d’un système, d’une entreprise ou de l’économie nationale.

32 BuisnessDictionary. 2019. Economic Environment. www.businessdictionary.com/definition/economic- environment.html [consulté le 12 octobre 2019]

La notion de contexte économique s’inscrit dans les travaux de Katona (1963, 1968, 1975) qui a étudié l’économie psychologique ou « Economic Psychology » en analysant le comportement économique ou « Economic Behavior ». En effet, l’étude du comportement économique analyse à la fois les décisions économiques des consommateurs, leurs déterminants ainsi que leurs conséquences sur l’économie. Les champs de l’économie et de la psychologie ont été liés par Katona (1963) afin de présenter la notion d’environnement économique. Ce lien a été formellement mis en évidence par Katona (1963) qui a introduit plusieurs variables psychologiques dans l’explication du comportement des agents économiques. Son approche s’oppose fondamentalement à la vision des néo-classiques34. Ces derniers postulent l’existence

d’une rationalité parfaite des agents économiques qui disposeraient de toute l’information nécessaire et d’une capacité d’analyse leur permettant de prendre des décisions optimales. Katona (1963) affirme que l’environnement économique tel que perçu, et non pas l’environnement économique objectif, détermine les décisions économiques. Les perceptions de la réalité économique qui influencent les attentes des consommateurs impactent les décisions économiques telles que le choix entre l’épargne ou la dépense (Katona, 1963).

Les décisions économiques des consommateurs sont liées à l’utilisation de ressources rares (argent ou temps par exemple). La plupart des décisions économiques consistent à échanger des ressources rares pour obtenir des résultats bénéfiques afin d’améliorer le bien- être. Travailler, faire carrière, suivre des cours, faire ses courses, effectuer des tâches ménagères et partir en vacances sont des décisions économiques. En fait, toutes les décisions qui impliquent des choix entre plusieurs alternatives générant des bénéfices actuels ou futurs peuvent être qualifiées de décisions économiques (Van Raaij, 1999). Les facteurs macro- économiques externes, personnels, culturels et situationnels sont les premiers déterminants des décisions économiques des consommateurs (Van Raaij, 1981).

34 Le courant néo-classique est composé des auteurs qui ont étudié la formation des prix, la production et de la

distribution des revenus à travers le mécanisme d'offre et de demande sur un marché. Les œuvres fondatrices du courant néoclassique sont :

- Menger, C. (1871). Principes d’économie (Grundsätze der Volkswirthschaftslehre),

- Jevons, W. S. (1871). Théorie de l’économie politique (the theory of political economy,),

La perception de l’économie générale, c’est-à-dire des politiques publiques, de la distribution des revenus, de la richesse créée, de l’inflation et du chômage, génère des attitudes spécifiques (optimistes ou pessimistes) chez le consommateur. Il orientera ainsi ses décisions économiques en fonction, par exemple le choix de dépenser, d’investir ou bien d’épargner le revenu discrétionnaire35. Les facteurs personnels sont les traits de personnalité des consommateurs (aversion au risque par exemple), leurs modes de vie ainsi que les normes et valeurs associées à leur culture. Les facteurs situationnels sont les circonstances et conditions qui peuvent également contraindre les décisions économiques telles que le revenu disponible, la richesse, la taille de la famille ou encore le type d’habitation (Van Raaij, 1981). Les conséquences des décisions économiques sont la satisfaction, le bien-être et le bonheur ou a contrario l’insatisfaction, le mal-être et le malheur (Van Raaij, 1981).

Katona (1975) contestait l’idée selon laquelle une même information économique (concernant le revenu, le PIB ou le taux de chômage par exemple) serait interprétée dans le même sens par différents individus et quel que soit le contexte dans lequel elle a été perçue. Selon lui, les cadres de référence, mais aussi les variables psychologiques interviennent entre les stimuli économiques et les perceptions des individus. Il propose alors un modèle pour décrire l’environnement économique, comme présenté dans la figure 2 ci-après.

Figure 2. L’environnement économique selon Katona (1975)

Source : adapté de Katona (1975)

35Partie du revenu qui reste après paiement des dépenses obligatoires ou pour lesquelles un engagement a été pris qui ne peut être rompu immédiatement. Cette définition conduit à exclure du revenu discrétionnaire les dépenses alimentaires et les remboursements d'emprunts.

Dans ce modèle, E représente les conditions économiques objectives telles que la croissance ou la décroissance du PIB, le taux de chômage, le taux d'inflation, le taux d'intérêt, le revenu discrétionnaire, le niveau de vie ou encore le taux d'imposition. Selon Katona (1975), les conditions économiques objectives représentent des opportunités ou des menaces pour les consommateurs. S représente le contexte économique subjectif tel que perçu par les consommateurs. P sont les caractéristiques personnelles, telles que les aspirations, les attentes, les lieux de contrôle (« locus of control »)36 ou encore les styles de vie des consommateurs. B est composé des comportements économiques des consommateurs tels que la consommation, l'utilisation des biens et des services, les décisions d'investissement et d'épargne ou de crédit. Dans ce modèle, les conditions économiques E influencent la perception du contexte économique S qui finalement détermine le comportement économique des consommateurs B sous l’effet des caractéristiques personnelles P. Au niveau global, les comportements des consommateurs B influencent les fluctuations de l’économie. D'où la boucle de rétroaction de

B à E. Ce modèle intégrateur permet alors une compréhension globale de l’environnement

économique qui détermine et est déterminé par le comportement des consommateurs.

Pour mieux comprendre la perception du contexte économique par les consommateurs et son évolution, Katona (1975) introduit l’indice de confiance des ménages qui a été repris par de nombreux pays et institutions. Il est considéré aujourd’hui comme un indicateur fiable de la situation économique d’un pays ou d’un groupement de pays. Depuis les années 1970, les pays membres de l’Union Européenne collectent des données pour calculer des indices de confiance des ménages avec un questionnaire comprenant :

- l’évaluation de la situation économique générale au cours de l'année écoulée ;

- les prévisions concernant la situation économique générale au cours de l'année à venir ; - les prévisions concernant les variations du taux de chômage au cours de l'année à venir ; - l’évaluation des variations des prix au cours de l'année précédente ;

- les prévisions concernant l'évolution des prix au cours de l'année à venir ; - l’évaluation de la situation économique personnelle au cours de l'année à venir ;

- les prévisions concernant la situation économique personnelle au cours de l'année à venir ; - l’évaluation de la possibilité d’effectuer de plus gros achats ;

36 Le locus de contrôle est un concept psychologique introduit par Julian Rotter en 1954, il se définit comme la

tendance que les individus ont à considérer que les événements qui les affectent sont le résultat de leurs actions (locus interne) ou, au contraire, qu’ils sont le fait de facteurs externes sur lesquels ils n’ont que peu d’influence (locus externe), par exemple la chance, le hasard, les autres, les institutions ou l’État. Rotter, J. B. (1954). Social

- l’évaluation de la possibilité d’épargner au cours de l’année à venir ; - les plans d’épargne au cours de l’année à venir.

Par la suite, Van Raaij (1981) a développé le modèle de Katona (1975) en le complétant avec plusieurs éléments comme présentés dans la figure 3 ci-après.

Figure 3. L’environnement économique selon Van Raaij (1981)

Source : adapté de Van Raaij (1981)

Dans ce modèle, les conditions économiques (politiques du gouvernement, conditions écologiques, situation sécuritaire) influencent le contexte économique réel (taux de chômage, niveaux de revenus, niveau du PIB) qui impacte également le contexte économique perçu par les consommateurs (climat économique subjectif). De plus, le contexte économique perçu est influencé par les caractéristiques personnelles (objectifs, valeurs, aspirations, attentes, lieux de contrôle, styles de vie).

C’est alors le contexte économique perçu qui détermine les motivations des consommateurs (les intentions de travailler, dépenser, d’épargner, d’investir ou de demander un crédit). Ces motivations dépendent également de la situation dans laquelle se trouve le consommateur, des événements imprévisibles tels que les maladies, les accidents, la perte d’un emploi ou le refus d’un crédit, peuvent forcer les consommateurs à retarder davantage l'achat de biens ou de services.

Ce modèle montre également que le bien-être subjectif, c’est-à-dire la satisfaction ou la frustration après l'achat d'un produit ou d’un service, dépend des jugements de la société, dénommés « mécontentement sociétal » par Van Raaij (1981). Enfin, le bien-être subjectif influence le contexte économique réel.