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CHAPITRE 1. CONTEXTE DE LA RECHERCHE

1.2 La diversité culturelle et l’immigration au Lac-Saint-Jean

1.2.2 L’immigration dans la MRC de Maria-Chapdelaine

1.2.2.1 Un contexte local singulier

Différents facteurs ont conditionné le développement de la MRC de Maria- Chapdelaine et continuent de la distinguer des autres MRC du Lac-Saint-Jean, tant du point de vue géographique que socio-économique. La région à l’étude, dont la superficie atteint presque celle de la Suisse, est partagée entre un relief de basses terres propices à l’agriculture (bleuets et pommes de terre), et un massif montagneux couvert de forêts et à l’hydrographie importante. Ces conditions ont favorisé l’apparition hâtive d’un système d’exploitation forestière, qui a même été à l’origine de la fondation de la ville de Dolbeau (aujourd’hui Dolbeau-Mistassini). En 2007, 3541 travailleurs œuvraient dans l’une des 192 entreprises liées à la filière forestière dans la MRC et accaparaient 60% des salaires totaux versés dans ce même district; de plus, avant sa fermeture en 2010, la papeterie Abitibi- Bowater soutenait à elle seule 1 emploi sur 12 à Dolbeau-Mistassini (GPS 2007 : 14-15). Même si l’économie et le marché de l’emploi se sont diversifiés dans les dernières décennies, il serait impensable d’ignorer la prédominance de l’activité forestière et de négliger l’influence de cette dernière sur la population, notamment la population immigrante.

En date de 2011, la population totale de la MRC de Maria-Chapdelaine atteignait presque 25 000 individus (Institut de la statistique du Québec 2012). Il importe de spécifier que la population occupant son territoire, qui regroupe 12 villes et municipalités, était à la baisse de 4,2% entre 2001 et 2006, ce qui correspond à une diminution deux fois plus forte que la moyenne de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean (Emploi-Québec 2006 : 7); la baisse s’est par ailleurs poursuivie jusqu’en 2011 (Institut de la statistique du Québec 2012). Certaines municipalités ont connu une variation de population très négative entre les deux périodes de recensement, allant jusqu’à 19% pour le cas de Notre-Dame-de- Lorette (Emploi-Québec 2006 : 8). Le Haut-Lac-Saint-Jean accuse aussi un taux de

chômage plus élevé que pour l’ensemble de la région (13% contre 10% pour le Saguenay- Lac-Saint-Jean) et une plus faible scolarisation (34% de la population qui ne détient aucun diplôme, certificat ou grade contre 25% pour la moyenne québécoise) (Emploi- Québec 2006 : 12).

1.2.2.2 Les caractéristiques de l’immigration dans la MRC

Si le développement régional est en grande partie déterminé par les caractéristiques inhérentes au milieu local, la population immigrante susceptible de s’y installer l’est également. Les spécificités du Haut-Lac-Saint-Jean ont encouragé, dans les dernières années, l’avènement d’une présence particulière. Il s’agit des ouvriers forestiers d’origine africaine, qui séjournent dans la région pour la durée des travaux estivaux et repartent à l’automne vers les centres urbains, la plupart du temps la grande région de Montréal. La popularité des professions manuelles et traditionnelles étant en déclin au Lac-Saint-Jean, l’embauche d’immigrants constitue une alternative pour les compagnies d’exploitation forestière qui se retrouvent à court de main-d’œuvre. Bien que notre enquête ne porte pas sur ces individus, mais plutôt sur ceux qui résident de façon permanente dans la région, il s’avère impossible d’omettre la portée qu’entraîne cette présence saisonnière d’Africains dans la communauté étudiée. Elle a émergé comme thématique centrale au cours du terrain, d’une part à cause de sa visibilité, et d’autre part à cause de la confusion qu’elle engendre quant à l’immigration dans la MRC. Cela sera traité plus abondamment dans le chapitre 3.

En dépit de la forte présence d’ouvriers sylvicoles qu’elle connaît en saison estivale, la MRC de Maria-Chapdelaine voit aussi s’établir de façon permanente sur son territoire des individus d’origine étrangère, et c’est principalement à eux que s’intéresse le présent projet. Vatz Laaroussi note qu’il est ardu d’établir des statistiques fiables en

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matière d’installation et de rétention, en raison de la difficulté à garder la trace des individus suffisamment longtemps, et de leur grande mobilité (2005 : 101). Dans le cas qui nous concerne, il faut ajouter à cette difficulté de dénombrement le fait que les immigrants ne sollicitent pas forcément l’organisme local d’accueil des immigrants, Portes Ouvertes sur le Lac, pour faciliter leur installation ou leur intégration. De ce fait, les membres de l’équipe de l’organisme sont conscients du fait que des immigrants « anonymes », c’est-à-dire non répertoriés dans les dossiers et les statistiques de l’organisme, habitent le territoire; cependant, il leur est impossible d’en estimer le nombre.

En raison de ces difficultés de recensement, les informations et statistiques publiées ici sont tirées de publications internes de POL et de la compilation de leurs dossiers12. Dans la période comprise entre l’ouverture du bureau de Dolbeau-Mistassini à l’automne 2007 et la fin de notre contrat avec l’organisme en septembre 2011, 78 personnes se sont installées dans la MRC, dont 16 femmes et 11 enfants (le sexe de ces derniers n’est pas précisé). Sur cette population, 29 départs ont été comptabilisés, pour un total de 48 immigrants demeurant toujours dans la région à la fin de la période visée (13 femmes et 35 hommes). Ces nouveaux Bleuets13 proviennent majoritairement d’Afrique subsaharienne (Togo, Burundi, Rwanda, Côte-d’Ivoire, Niger, Mali, Mauritanie, Sénégal), mais également du Maghreb (Tunisie, Algérie), d’Amérique latine, incluant les Caraïbes (Mexique, Haïti), d’Asie (Philippines) et d’Europe (France, Allemagne, Luxembourg). Ils résident tous dans la ville de Dolbeau-Mistassini, bien que quelques-uns aient habité de façon temporaire dans l’une des municipalités environnantes. Leurs occupations sont diverses (à l’emploi, aux études, à la maison, etc.) et, au niveau juridique, ils sont soit citoyens canadiens récents, résidents permanents ou réfugiés

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Bien que tous les efforts aient été mis en œuvre pour assurer l’exactitude de ces données, il se peut que des erreurs soient survenues au cours du processus de compilation.

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acceptés. À quelques exceptions près, tous les immigrants présentent une excellente maîtrise de la langue française et ce, même s’il ne s’agit pas de leur langue maternelle.

Une particularité de l’immigration dans la MRC à l’étude est le ratio d’individus entre les deux sexes. Portes Ouvertes sur le Lac y a accueilli en 2010 huit hommes pour trois femmes, les ratios étant de six femmes pour quatre hommes dans la MRC du Domaine-du-Roy et huit femmes pour neuf hommes dans celle de Lac-Saint-Jean-Est (POL 2011 : 6). Plus précisément, la plupart des personnes immigrantes résidant à Dolbeau- Mistassini sont des hommes seuls, soit célibataires, soit mariés avec une partenaire restée dans le pays d’origine. Cette prépondérance numéraire des hommes sur les femmes s’explique par la réalité économique de la MRC, qui est structurée autour de l’industrie forestière, un domaine traditionnellement plus populaire auprès de la gent masculine. Ces constatations achèvent de préciser le portrait de l’immigration dans le nord du Lac-Saint- Jean au moment de l’enquête. L’échantillon d’informateurs immigrants ayant contribué à notre recherche par le biais d’entrevues formelles ou d’entretiens informels a été constitué à partir de cette population.

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