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L’identité, un terme polysémique, complexe et contradictoire

CHAPITRE 1 : Traits d’identité culturelle

1.1 Identité et culture

1.1.1 L’identité, un terme polysémique, complexe et contradictoire

L’identité, du latin ‘identitas’ qui signifie la qualité de ce qui est le même, se définit comme le « caractère de ce qui demeure identique ou égal à soi-même dans le temps »1. D'un point de vue anthropologique, le concept d'identité ne pourrait être séparé de celui de l'altérité (Ruano-Borbalan, 1998). S’appliquant aussi bien à l’individu comme au groupe, l’identité est le lieu de multiples contradictions. Elle évoque à la fois l’unicité et la similitude, la permanence et le changement, la reconnaissance et l'individualisation (Gaulejac, 2002).

1.1.1.1 L’unicité et la similitude

L’unicité renvoie à toutes ces caractéristiques propres au sujet et qui permettent de le distinguer de ses semblables. Dans la sphère sociale, la carte d’identité par exemple, reflète cette unicité (Gaulejac, 2002). Celle-ci renferme le nom, le prénom, la taille, la nationalité, l’adresse et même certains signes physiques que porte la personne. Ces éléments juridiques confèrent à la personne une existence légale. Toutefois, l’unicité ne saurait être limitée aux seuls aspects juridiques. Si l’unicité fait référence au caractère individuel ou personnel, la similitude elle se réfère au collectif ; étant donné que

13 l’individu se définit également au travers de son appartenance à une famille, à une communauté, à une classe sociale, à un peuple, à une nation, voire à un continent. L’individu serait à la fois unique par rapport à l’autre, mais également semblable à ce même autre. Selon Devereux (1967), l’identité est le produit d’éléments propre à l’individu de façon innée, unique, voire personnelle ; et d’éléments provenant de l’environnement social dans lequel il évolue. À la question de savoir qui de l’unicité ou de la similitude précède l’autre, des débats demeurent. Toutefois, selon Goulejac (2002) le collectif préexisterait à la personne.

1.1.1.2 La permanence et le changement

Ici, on peut se poser la question de l’existence objective ou subjective de l’identité. L’identité objective fait appel aux critères juridiques, sociaux et physiques précis qui s'imposent parfois à l’individu (Gaulejac, 2002). Parmi ces critères se retrouvent des normes, des codes, des habitus et des modes de classement que chaque milieu produit pour désigner et reconnaître chacun des membres qui le composent. Dans une logique de préciser la position sociale de chaque individu, et de le situer par rapport aux autres, des indicateurs à l’exemple de l'emploi, du statut socioprofessionnel, du niveau de revenu, du type d'habitat, de la position dans une organisation, du genre, de l'orientation sexuelle, de la religion, voire de l'appartenance linguistique peuvent être utilisés. Par ailleurs, l’identité est tout aussi subjective. Elle peut renvoyer aux représentations de soi-même confrontées au regard des autres sur soi. L’identité subjective inclut des désirs, des projections, des attentes, des aspirations, des intentions, des perceptions et même des sentiments. L’identité subjective semble revêtir un caractère plus vulnérable et éphémère comparativement à l’identité objective.

Toutefois, l’identité subjective et l'identité objective peuvent se révéler plus ou moins stables en fonction des individus, des contextes ou des époques. Dans un contexte culturel ou social homogène, l’identité est beaucoup plus stable, continue et permanente. Or dans un contexte culturel ou social hétérogène, on peut assister à une identité plutôt volatile, discontinue, éphémère et sujette à changement (Gaulejac, 2002; Jewsiewicki & Létourneau, 1998). Aujourd’hui par exemple, la place de chacun ne semble plus assignée. C’est à l’individu de construire sa propre cohérence entre d’une part «l'identité héritée,

14 celle qui nous vient de la naissance et des origines sociales; l'identité acquise liée fortement à la position socioprofessionnelle; et l'identité espérée à savoir celle à laquelle on aspire pour être reconnu» (Gaulejac, 2002, p. 177).

1.1.1.3 Entre reconnaissance et individualisation

Affirmer son identité ou lutter pour la reconnaissance d’une autre identité plus valorisante? Cette question est plus pertinente aujourd’hui où « le moi de chaque individu est devenu son principal fardeau » (Sennett, 1979, p. 12). L’affirmation de son identité peut s’avérer être pour certains une véritable source d’insécurité, et la reconnaissance d’une autre identité laisser entrevoir un chemin vers le salut. En contexte migratoire, par exemple, l’image que reflète l’affirmation de son identité dans le milieu d’accueil peut s’avérer contrastée de celle reflétée dans son milieu d’origine (Dorais, 2005). De même, la négociation identitaire chez des personnes possédant une double appartenance culturelle ou sociale peut exposer à des enjeux de classement et de déclassement suivant que celles-ci défendent une identité hybride ou revendiquent une double appartenance. Chez les adolescents par exemple, la négociation identitaire semble être un processus impliquant des influences multiples (Bouche-Florin et al., 2007). Ces derniers doivent négocier entre les valeurs apportées de leur culture d’origine, celles de la société d'accueil, et celles souhaitées par leurs parents (Alvarado, 1993; Bouche-Florin et al., 2007; Boucher, 1993). La quête de reconnaissance identitaire est de ce point de vue aussi importante que l’individu pourrait être délogé à tout moment de la place qu'il occupe (Gaulejac, 2002). Tour à tour, l’identité peut être en crise, perdue, ou à conquérir. Pour l’auteur (Gaulejac, 2002), la condition de survie réside en la capacité de revêtir des appartenances multiples. Il s’agit de savoir se positionner entre individualisation et reconnaissance. En d’autres mots, il est de l’intérêt de tout un chacun de maîtriser les circonstances propices à l’affirmation de son identité.