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Précisons que ce qui peut être considéré comme conversion hystérique dans notre culture occidentale peut être toute autre chose dans une autre culture. La plainte somatique peut être culturellement codée. Dans certaines cultures, par exemple, il faut exprimer ouvertement sa souffrance avec son groupe d'appartenance, notamment via les voies corporelles. Il serait donc dommage de se tenir au diagnostic d'hystérie et de faire abstraction de la dépression sous-jacente dans certains cas. Devereux, en 1977, soutient que la nécessité d’expressivité théâtrale pouvait être, notamment pour les sociétés qui pour des raisons religieuses, guerrières ou autres, idéalisent les états paroxystiques et la guérison par la crise, un moyen « paradoxal » pour résoudre certains conflits et anéantir l’angoisse.

En 1988, Pierloot et Ngoma proposent une étude comparative sur les manifestations hystériques entre un groupe de trente patients africains et un groupe de trente patients occidentaux, tous présentant une structure hystérique. Leur recherche révèle que les manifestations somatiques et états d’excitation sont plus fréquents dans le groupe de patients africains, tandis que les manifestations dépressives, addictions et troubles de l’alimentation s’observent davantage dans le groupe de patients occidentaux. Les traits de la personnalité histrionique, tels qu’ils sont définis dans le DSM III, sont présents dans les deux groupes mais chez les patients africains, ces traits sont exprimés plus ouvertement, plus directement, que chez les patients occidentaux, ces derniers étant plus dans l’introversion. Les auteurs expliquent ces différences en prenant en considération les différences culturelles ayant des répercussions sur les convictions religieuses et philosophiques ou encore sur le lien entre la mère et l’enfant.

Pour Lepastier et Vuillod (2012), les expressions corporelles, les symptômes somatiques sont, à quelque chose près, les mêmes dans toutes les cultures. A l’inverse, le récit des patients seront différents car ils racontent leur histoire en fonction de ce qu’ils pensent être les attentes inconscientes de l’interlocuteur et ce dernier interprète les propos selon les

représentations mentales des patients. Ainsi, il est important de s’intéresser aux caractéristiques culturelles. Ils ajoutent que les processus hystériques se retrouvent dans toutes les organisations psychopathologiques et subsistent, indépendamment des différents facteurs culturels, car ils font référence au sexuel infantile jouant un rôle dans la bisexualité psychique et le complexe d’Œdipe.

Inversement, Dassa, Kpanaké, Tordjman et Ferrari (2010) expliquent ne pas avoir trouvé de preuve confirmant l’universalité de la psychopathologie de la névrose hystérique, lors de leur recherche auprès d’adolescents. Selon ces auteurs, la société africaine demande implicitement aux femmes d’être histrioniques. Ils argumentent ce propos en disant que la société demande à ce que les femmes soient belles, séduisantes, fragiles, dépendantes. En revenant sur le rôle des pères, ils expliquent que les adolescentes deviennent « des victimes propitiatoires nécessaires aux égarements et désirs sexuels individualistes des pères ». Les adolescentes vont avoir tendance, face à la détresse psychologique engendrée par ces attentes paradoxales, à somatiser les conflits psychiques, plutôt que sombrer dans la dépression. La culture leur inculque de préserver leur esprit, au détriment parfois du corps. Il arrive que dans certains cas, transes et hallucinations soient attendues. De ce fait, il peut être abusif de considérer ces manifestations comme étant pathologiques, car dans la culture africaine, il s’agit au contraire de comportements normaux. Pour ces auteurs, l’hystérisation fréquente des conflits parents-filles renvoie à la problématique de la sexualité chez les adolescentes africaines. A cet âge, transmission, mariage et éducation sexuelle font partie des sujets abordés par la famille et la jeune fille y répond par des manifestations où la symbolique sexuelle est fortement présente, où le conflit œdipien est réactivé et l’enjeu devient l’amour des parents.

En faisant un inventaire de la littérature, nous pouvons remarquer que de nombreux auteurs se sont également intéressés aux ressemblances ou différences entre possession et hystérie. Tel est le cas de Nathan (1986) ou encore Mestre (2001) ou Moustache (2002). Nathan (1986) fait bien la distinction entre possession et hystérie, bien qu’il admette que toutes deux ont pour point commun « l’opposition corps contenu/corps agité » et que chacune résout une problématique en ayant recours à un même mécanisme qui est le passage du corps contenu au corps agité, du corps « tétanisé » au corps « épileptisé ». Il ajoute que possession comme hystérie, touche majoritairement les femmes et la notion de labilité de l’humeur, labilité du discours, sont présentes dans ces deux phénomènes. Toutefois, il les différencie en

disant que la conversion hystérique relie deux univers distincts mais de même niveau, tandis que la possession lie deux univers hiérarchiquement dépendants. Ainsi, il assimile le cas de Dora à un cas de conversion hystérique et le cas d’Anna O. a un cas de possession.

Mestre (2001) s’est intéressée au diagnostic d’hystérie dans un hôpital malgache et a remarqué que les familles et soignants parlaient de « tromba », c’est-à-dire de possession, tandis que les médecins employaient le terme « hystérie » pour désigner un même patient. Les symptômes font donc partie de systèmes de représentations culturels et sociaux, systèmes non reconnus dans le milieu hospitalier. Cette médecin et anthropologue lie la possession à l’hystérie en leur trouvant comme point commun la lutte contre des images de sexualité débridée et de menace pour l’ordre.

Pour Moustache (2002), la plus grande différence entre possession et hystérie réside dans l’importance du contexte social. Ceci se retrouve dans le fait que l’hystérie révèle angoisses et désirs par le biais de symptômes, donc par un mode d’expression qui est propre à la personne, tandis que dans un cas de possession, le « possédé » doit se conformer aux images traditionnelles de personnages mythiques ou encore religieux. Comme dans les structures hystériques, Moustache constate une grande part d’histrionisme et d’exhibitionnisme dans la possession : ce phénomène permettrait à des personnes désespérées par la vie, d’attirer l’attention de leur entourage, d’endosser le rôle d’un être surnaturel craint et respecté.

Pour conclure ce paragraphe sur hystérie et possession, nous pouvons dire que la possession ne peut être expliquée uniquement en termes de psychopathologie et qu’elle touche qu’un nombre restreint de personnes névrosées. De plus, elle est très courante dans certaines sociétés où elle constitue un moyen normal d’entrée en contact avec des puissances surnaturelles. Le nombre de possédés est trop grand pour qu’il puisse être associé à la possession, l’hystérie (Herskovits, 1946).

Gherovici, quant à elle, a dépeint, en 2003, la production hystérique dans le barrio portoricain aux Etats-Unis. Elle décrit des manifestations somatiques labiles et des moments de terreur, d’agitation et/ou de violence. Pour elle, face à un Maître, toute une communauté peut adopter un fonctionnement hystérique. L’hystérique répond au Maître dont le but est d’articuler le discours politique de la majorité, par des symptômes distinctifs. Pour Gherovici, il s’agit de répondre à la demande et de « produire un savoir qui doit échouer ».

représentations culturelles des patients reçus, de connaître la façon dont certains faits pourraient être interprétés dans leur culture, afin de proposer une thérapie la plus adaptée et la plus efficace possible, et ne pas se contenter de sa pensée occidentale. Nombreux cas montrent la nécessité d’une double lecture : psychanalytique mais également ethno-psychothérapeutique.

Résumé du chapitre IV : L’hystérie aujourd’hui.

Bien que l’hystérie ait disparu des classifications des troubles mentaux, elle demeure, se travestit, se métamorphose en divers troubles. Plusieurs recherches scientifiques l’attestent. Précisons que ce qui est modifié, ce qui se transforme avec le temps, est seulement le discours qui entoure l’hystérie, l’hystérie elle-même ne change pas, mais toutes ces métamorphoses empêchent d’avoir une vision réaliste des données épidémiologiques. Il semblerait toutefois qu’il existe une forte prédominance féminine.

Les recherches montrent également que des manifestations hystériques peuvent s’observer lors de l’enfance ou l’adolescence, sans que cela ne signe nécessairement une future structure de personnalité hystérique. Chez les personnes âgées, l’hystérie se manifesterait essentiellement à travers des plaintes somatiques. Les recherches indiquent que les manifestations hystériques et leurs durées sont variables et dépendent de l'environnement socio-culturel des patients, de leur niveau socio-économique, éducatif et psychologique.

Enfin, précisons que ce qui peut être considéré comme conversion hystérique dans notre culture occidentale peut être toute autre chose dans une autre culture, il est alors important de considérer les représentations culturelles avant de parler d’hystérie.

V – Ressemblances ou différences entre les femmes hystériques et les hommes hystériques dans la littérature.

Nous allons voir dans ce chapitre, que pour certains auteurs, il est possible de différencier l'hystérie chez les femmes de celle chez les hommes, tandis que pour d'autres, cette altérité n'a pas lieu d'être. Les auteurs distinguant de telles différences adoptent plutôt un point de vue psychiatrique, en relevant des différences dans les tableaux cliniques de l'hystérie féminine et masculine, tandis que les auteurs ne trouvant point de différences entre les deux sexes, abordent le problème sous un angle davantage psychanalytique.

1. Pour certains, des différences demeurent entre les femmes et les hommes