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L’histoire d’évènements

Les menus de l’Histoire

Outre leur intérêt graphique ou gastronomique, certains menus sont très intéressants comme source des grands évènements de l’histoire du monde. Par exemple, la bibliothèque de Dijon possède un menu du dimanche 28 août1870 date d’une importance historique. Il s’agit, en effet, du dernier repas de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie au Palais des Tuileries. Le jour suivant, l’Empereur quitte Paris pour rejoindre l’armée française qui se trouve engagée et déjà battue plusieurs fois par les Prussiens dans la zone frontalière entre Metz et Sedan. Le 2 septembre, près de Sedan, encerclé par la puissance ennemie, il se rend au roi de Prusse Guillaume Ier puis est fait prisonnier avec 83000 soldats français. La nouvelle vient à peine d’arriver à Paris qu’elle provoque la chute du Second Empire et la proclamation de la République le 4 septembre 1870. Sur le menu, la mention Diner de L.L.M.M (Leurs Majestés Impériales) est imprimée en caractères dorés, les dimensions sont un peu plus grandes (21x13cm) et sur les bords figure, à peine visible, un petit cadre dentelé.117

Le menu peut être un témoin là où on ne l’attend pas. Il existe de nombreux menus de guerre, notamment ceux de la Grande guerre. La collection de menus de Dijon dispose de nombreux spécimens issus de la Première Guerre Mondiale. Sans connaître la provenance de ce fonds, il est possible d’analyser l’ensemble par les illustrations humoristiques et satyriques des soldats pendant la guerre. Une grande partie des menus

112 LAUXEROIS P.-L., Les menus d’imprimeurs au Musée de l’imprimerie de Lyon. op. cit.. p15

113 POULIN C. (dir) Potage tortue, buisson d’écrevisses et bombe glacée... : histoire(s) de menus ; Bibliothèque municipale de

Dijon. Op. cit.. p22

114 FERRON M.-C. Traitement et valorisation d’un fonds d’imprimés éphémères. Op. cit.

115 POULIN C. (dir) Potage tortue, buisson d’écrevisses et bombe glacée... : histoire(s) de menus ; Bibliothèque municipale de

Dijon. Op. cit. p9-10

116 Ibid. p22 117 Ibid. p19

caricature les soldats allemands sous une forme stéréotypée : un homme à la barbe rousse, au gros nez rouge et portant un casque à pointe. Le soldat est d’ailleurs toujours en mauvaise posture : il reçoit un bouchon de champagne dans le nez, il est mordu par un chien, un autre chien lève la patte sur sa gamelle, un miroir lui renvoie l'image d'un cochon, il est menacé d’une arme, une Marianne courtement vêtue lui offre un obus ou un rat vole son repas118. Il a l'air d'un pauvre bougre pas très malin, aux chaussures trouées et à l'uniforme rapiécé. Ce style fanfaron ou ironique, avec soi et avec l'autre, réduisant l'ennemi à portion congrue, niant l'aspect destructeur de la guerre, écrivant une histoire parallèle, revient fréquemment sur les menus français de cette période. C’est comme si l'esprit gaulois servait d'exutoire à l'angoisse du temps pour dissimuler ou exorciser la réalité. D'autres scènes représentent des moments de la vie quotidienne des poilus, comme la corvée d'eau, le port du masque à gaz, le cafard ou l'attente des permissions. Plusieurs menus évoquent l'alimentation des soldats, la figure du chef cuistot et les restrictions imposées.

Une autre partie des menus est ornée d’un personnage féminin, parfois une femme élégante mais, pour la moitié d'entre eux, une femme en déshabillé, quelques rares nue, ou encore avec la jupe retroussée par le vent ou par une chute.119 Un moyen de rendre le menu plus frivole et d’oublier les horreurs de la guerre.

Le témoin de la vie politique

Les menus sont l’occasion de laisser une trace écrite d’un événement. C’est ainsi que se sont développés les menus officiels. Le menu a été présent sur les tables des repas officiels dès les débuts de la IIIe République en France. Il apparaît sur les tables officielles de toute l’Europe dans le dernier quart du XIXe siècle. En France, c’est Félix Faure qui introduit les premiers menus illustrés de l’histoire de l’Elysée. Le banquet est effectué en 1896, à l’occasion de la venue du tsar, quelques mois après son couronnement. Les illustrations des menus officiels font souvent appel à des allégories. Sous Loubet, l’appel d’artistes notoires pour la création des menus semble se systématiser. Ils se caractérisent par une grande qualité plastique. L’objectif est à la fois politique, diplomatique, économique voire commercial. Il peut même être presque mécénal. Le menu devient un objet d’affirmation du pouvoir présidentiel. Les réceptions officielles des présidents, qui se sont succédés depuis la IIIe République, sont destinées surtout aux chefs d’État étrangers, aux monarques et aux présidents. Ces repas ont eu diverses appellations. Auparavant dénommés diner de gala puis diner officiel, ils sont aujourd’hui appelés diner d’État. C’est une étape incontournable de la visite d’un chef d’Etat en France. Outre les diners d’Etat, le président de la République offre également des déjeuners, des diners à l’occasion d’entretiens, de réunions internationales… faisant également l’objet de menu. Ce sont des événements à haute portée diplomatique et le diner est marqué, dans son déroulement, par un protocole précis120. L’objectif est de mettre en valeur les deux chefs d’Etat tout au long de la réception.121

118 voir annexe

119 POULIN C. « Les menus de la Grande Guerre » in Le Blog Gallica [En ligne] http://gallica.bnf.fr/blog/22062017/les-menus-de- la-grande-guerre (page consulté le 30 mars) + voir annexe

120 voir annexe

121 POULIN C. (dir) Potage tortue, buisson d’écrevisses et bombe glacée... : histoire(s) de menus ; Bibliothèque municipale de

Le témoin de l’histoire locale

Les repas officiels ne se font pas uniquement avec le chef d’état. Certains évènements nationaux ou locaux touchent une plus grande partie de la population. Lors de manifestations importantes comme des visites officielles, l’inauguration d’un bâtiment ou d’une nouvelle réalisation de la ville, la commémoration d’un événement historique de la ville, de la région ou même du pays donnent lieu à des banquets. Ces menus sont les témoins de ces événements122 souvent illustrés du bâtiment construit, du monument inauguré. Pour les visites, ils sont ornés des vues de la ville : l’hôtel de ville, les grands bâtiments (palais de justice, église), le lieu du banquet. Les mets du repas sont généralement les spécialités de la ville ou de la région.123

D’autres domaines pour des repas officiels sont l’occasion de grandes célébrations : les expositions universelles dont le banquet des commissaires étrangers à la Commission impériale de l’Exposition Universelle de 1867 ; le banquet offert à M. Alphand par les entrepreneurs de l’Exposition universelle de 1889 ; le banquet franco-américain lors de l’exposition universelle de Chicago de 1893. Ils sont illustrés des monuments célèbres de chaque ville.124