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CHAPITRE 2 : ÉTAT DES CONNAISSANCES

2. L’HÔPITAL DANS UN ENVIRONNEMENT EN MUTATION

2.2. L’hôpital au cœur de la crise du système de santé

Les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé (gestion publique, intégralité, universalité, accessibilité et transférabilité) constituent la clé de voûte du système de santé (Madore, 2005). L’application de ces principes est contrainte par une crise des valeurs sociales d’équité, de liberté individuelle et d’efficience qui se retrouvent constamment en tension. En effet, il semble, d’une part, que le système de soins rencontre des difficultés à répondre aux valeurs et aux attentes des populations (Bernier, 2003). La crise du système de santé se traduit notamment par un engorgement des urgences et un accès inéquitable aux ressources et aux soins de santé, ce qui toutefois rivalise avec le développement technologique et la qualité des soins dispensés (Contandriopoulos, 2003a). D’autre part, la crise hospitalière se traduit par une certaine inertie si l’on se place d’un point de vue financier, de gestion, ou du point de vue des patients ou des producteurs de soins (Sourty-Le Guellec, 1997).

Face à cette situation, l’État se retrouve contraint de freiner la croissance des coûts en prônant l’incontournable réforme du système. Ainsi, la « rhétorique

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de la réforme » s’articule autour de la maîtrise des dépenses hospitalières, et plus largement des dépenses de santé, de l’intérêt du patient, et du décloisonnement de l’offre de soins (Béland, et al., 2008). Dans les années 1990, on a assisté à une série de fusions d’établissements et de compressions des ressources dans les centres hospitaliers initiées par les gouvernements fédéral et provinciaux pour tenter d’équilibrer les budgets de la santé (Dedobbeleer, et al., 2008; Tousignant, et al., 2007). Les pressions internes et externes subies par les hôpitaux ont ainsi conduit au virage ambulatoire de 1996 et à des ajustements des pratiques des professionnels et des gestionnaires (Denis, Langley, & Contandriopoulos, 1995). Au Québec, la part de l’hôpital est réduite de 46 % à 33,4 % alors que la proportion des dépenses pour les services médicaux reste constante à environ 13 % en cinq ans (Valette, et al., 2006). La région de Montréal en particulier, aurait connu entre 1995-1998 une diminution de 16 % des budgets alloués aux hôpitaux et une réduction de plus de 25 % du nombre de lits (Denis, 2002a). De 23 474 en 1991, le nombre de lits « dressés » pour les soins généraux et spécialisés dans le réseau hospitalier du Québec tombe à 17 113 en 1998, avec une accélération de la tendance entre 1995 et 1997 (-4 % en 1995, -8 % en 1996 et -15 % en 1997). Cette chute brutale témoigne d’une mise en œuvre rapide de la politique de compression des budgets hospitaliers (Kerleau, 2001). Notons qu’en 2010, l’institut canadien d’information sur la santé (ICIS) estimait à 40 milliards de dollars les dépenses totales de santé du Québec avec un taux de croissance annuel moyen de 5,8%. Les dépenses publiques représentant près de 70% des dépenses totales. Les hôpitaux continuent de représenter le plus important poste de dépenses en santé, soit près de 27,4% (ICIS, 2012). La proportion moyenne des dépenses consacrées aux hôpitaux au Québec a diminué au fil des années sauf pour 2012 (ICIS, 2012). Malgré les efforts entrepris, les difficultés persistent.

C’est dans ce contexte que la Commission Clair a proposé en 2000, la réorganisation des services de première ligne, la restructuration de l’hôpital et la mise en place de programmes intégrés pour une meilleure prise en charge des patients vulnérables, et ce, conformément à une approche basée sur la

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responsabilité populationnelle (Clair, 2001). Dans la même lignée, le Rapport Romanow de 2002 diligenté au niveau fédéral, recommande le renforcement de la première ligne et l’augmentation des contributions des provinces pour garantir l’application des cinq principes directeurs du système d’assurance maladie (Romanov, 2002). En 2003, la fusion des CLSC, hôpitaux et CHSLD entérinée par le projet de loi 25 préconise la création d’un « réseau local » pour mieux coordonner les ressources avec la première ligne. Tout ceci devrait permettre l’alignement des responsabilités des établissements et conduire à l’efficacité globale du système (Breton et al., 2008). L’idée première est de faire passer l’hôpital d’un statut d’établissement autonome à celui de composante élémentaire d’un réseau de santé ; elle est donc portée par un changement de perspective important : le recentrage du système en fonction des populations plutôt qu’en regard du patient individuel (Kerleau, 2001). Les modifications opérées par les CHU et autres hôpitaux universitaires du Québec sont généralement inspirées du « modèle de soins intégrés » qui a pour assise une approche-clientèle dont l’une des applications concrètes consiste à constituer des regroupements de clientèles. Il s’agit de modifier les façons de faire et de réviser les rôles et les responsabilités, les mécanismes de gestion, afin de les adapter de façon plus cohérente et plus efficace à la trajectoire de soins et de services intégrés. L’objectif ultime de ces réformes étant d’assurer un état de santé optimal pour la population des territoires, compte tenu des ressources disponibles, en coordonnant l’offre de services en fonction des besoins des individus, en assurant l’accessibilité aux services appropriés, et en garantissant l’efficacité des interventions dans les milieux de vie (Clair, 2001; Duplantie, 2001; Gosselin, 2001; Kirby & Le Breton, 2002; Rochon, 1987; Romanov, 2002). Les réformes visent non seulement des modifications de structures, mais aussi des changements dans les valeurs, mentalités et pratiques (Breton, Lamarche, & Pineault, 2005). Elles comportent ainsi de nombreux défis pour un hôpital en situation de grève, de contestation et de pénurie de personnel. De plus, le profil sanitaire actuel du Québec montre que l’impact des maladies chroniques ne se mesure pas uniquement au nombre des décès, mais aussi à la qualité de vie des personnes atteintes (CSBE, 2010). Dans ce contexte, il devient

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important que l’hôpital s’adapte à ces mutations en développant des stratégies innovantes pour répondre aux besoins d’une population en souffrance chronique et nécessitant une prise en charge multidisciplinaire, centrée sur le patient et durable à long terme.

2.3. Vers un hôpital promoteur de santé au Québec à la lumière des