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CARACTERISATION STRUCTURALE DE L’EXTREMITE C-TERMINALE DES

C. L’hélice VIII en détail

L’hélice VIII de la rhodopsine est de loin le domaine de l’extrémité C-terminale de RCPG la plus étudiée. Le positionnement de l’hélice H8 par rapport à la membrane et à la

XIII-103 rhodopsine elle-même a suscité différents travaux. Plusieurs arguments suggèrent une position parallèle à la membrane. Premièrement, la structure cristallographique montre l’hélice VIII couchée contre la membrane et stabilisée par la présence de palmitoylation permettant son ancrage. Deuxièmement le peptide correspondant à l’hélice VIII possède une faible capacité à libérer des sondes emprisonnées en vésicule lipidique. Ceci signifie qu’il ne déstabilise pas profondément la membrane et donc qu’il y a peu de chance qu’il s’y insère. Troisièmement, des lipides dont les chaines d’acides gras sont brominées à un niveau proche de leurs têtes polaires permettent un « quench » efficace de la fluorescence du tryptophane du peptide (Krishna et al., 2002). Ceci suggère là aussi une position interfaciale du peptide formant l’hélice VIII. La position relative de l’hélice VIII par rapport à d’autres éléments du récepteur de la rhodopsine a été évaluée par double marquage de spin (Altenbach et al., 2001). L’interaction dipôle-dipôle, mesurée par EPR (Résonnance Paramagnétique Electronique), rend compte de la distribution de distance entre les 2 spins. Lors de l’activation du récepteur l’hélice VIII ne bouge pas par rapport au TM1 mais s’éloigne du TM2 d’environ 3Å ainsi que de la boucle IC1. La structure de la rhodopsine montre soit des proximités spatiales, soit des interactions entre l’extrémité C- terminale et différents résidus situés dans d’autres parties topologiques. Ainsi deux résidus de la boucle IC1, la Lysine 67 et l’Histidine 65, ainsi que la Serine 240 et la Thréonine 242 de la boucle IC3 se retrouvent proches de l’extrémité C-terminale (Figure XIII-1). Il existe également des contacts avec les hélices transmembranaires TM1, TM6 et TM7, certains étant très probablement prépondérants pour le repliement correct de la rhodopsine (Natochin 2003). Ainsi en ce qui concerne l’interaction avec les TM6 et 7 on observe les contacts suivants : Glu249 de

l’hélice VI avec Met309 et Lys311, l’Ile307 de la fin du TM7 avec l’Arg314 et la Met317, la Tyr306

du motif NPXXY du TM7 avec la Phe313 ((Palczewski et al., 2000), (Li et al., 2004), Figure

XIII-1). La structure en hélice conservée chez d’autres récepteurs ainsi que la présence de cystéines laissent penser que d’autres extrémités C-terminales pourraient se conduire de la même manière. Le travail de modélisation par homologie et de mutagénèse effectué sur le récepteur PAR1 a permis d’établir un réseau biologiquement important de liaison hydrogène entre le TM7, l’hélice VIII et la boucle IC1 (Swift et al., 2006). La présence d’un élément structural commun, n’enlève cependant en rien la capacité à posséder une identité biologique propre. Les séquences en acide aminé restent effectivement différentes et il subsiste des variations fines de structure. Les connaissances accumulées par plusieurs études sur les récepteurs cannabinoïdes CB1 et CB2 permettent d’illustrer le genre de variation structurale fine pouvant s’opérer entre les récepteurs.

L’étude RMN sur peptides en micelles de DPC a permis de déterminer que les extrémités C-terminales des récepteurs CB1 (Ile397-Gly418) et CB2 (Ile298-Lys319) (Xie and

Figure XIII-1 : Interactions intramoléculaires de l’extrémité C-terminale de la rhodopsine (Figure obtenue à partir de la structure de la rhodopsine, 1F88)

Les chaines latérales des résidus impliqués dans un contact entre l’extrémité C-terminale et le reste de la protéine sont représentés. Les résidus de l’extrémité C-terminale sont annotés en rouge, et les résidus du reste du récepteur annotés en bleu. Les segments transmembranaires portant les boucles ou résidus impliqués sont également annotés.

Lys 67

His 65

Ser 240

Thr 242

Glu 249

Met 309

Lys 311

Ile 307

Tyr 306

Met 317

Arg 314

Phe 313

TM7

TM6

TM1

TM5

TM2

XIII-105 pour les deux récepteurs une orientation des chaînes latérales chargées d’un même côté, ainsi que l’orientation des cystéines vers la membrane. Des détails structuraux différents ont pu toutefois être relevés entre les deux récepteurs, comme la présence d’un pont salin dans le cas du CB2 et pas du CB1. L’analyse des fragments (TM7-C-terminal) des récepteurs CB1 et CB2 a été réalisée par RMN du solide en vésicules de DOPC (dioleoylphosphatidylcholine) (Tiburu et al., 2006). Elle a permis de mettre en évidence des modifications différentes de la membrane en présence de l’un ou l’autre des peptides. Pour cela les données d’anisotropie de déplacement chimique (CSA) du 31P de la tête polaire des phospholipides et de couplage dipolaire du 2H des chaînes acyles des phospholipides ont été enregistrées. D’une manière générale, toutes les études présentées ci-dessus dénotent une sensibilité structurale des extrémités C-terminales des RCPGs vis-à-vis de leur environnement physico-chimique. Dans le cas de la rhodopsine ce comportement a été relié à la composition en lipide et suspecté d’être à l’origine d’un état activé et non activé (Krishna 2002).

La structuration de l’extrémité C-terminale de la rhodopsine est effectivement plus complexe qu’il n’y parait. L’analyse par FTIR en 1994 de fragments de rhodopsine issus de digestion enzymatique révéla la présence de feuillets β et de coude β dans la partie C-terminale (Pistorius and de Grip, 1994). En 1995, les 43 derniers acides aminés du récepteur, comprenant la fin du TM7 et la partie C-terminale furent étudiés par RMN en solution aqueuse ((Yeagle et al., 1995) et (Yeagle et al., 1996)). La structure révéla 3 zones principales, la fin du TM7, une boucle formée entre le TM7 et 2 cystéines qui auraient été proches de la membrane putative, et finalement une extrémité C-terminale en feuillet β anti-parallèles reliés par un coude β. Deux points importants sont soulevés ici.

Premièrement, en solution la partie proximale de l’extrémité C-terminale (boucle 4) ne forme pas l’hélice 8 de la structure cristalline. Les travaux portant sur cette zone (acides aminés 310 à 321) (Krishna et al., 2002) montrèrent que les détergents zwiterrioniques (CHAPS) ou non ioniques (NP-40) n’induisent aucune structuration du peptide mais que le SDS (chargé négativement) possède un effet intéressant. A 200 µM, concentration inférieure à sa concentration micellaire critique (cmc), ce détergent induit une structuration du peptide en brin β et au dessus une structuration en hélice. Les mesures d’anisotropie de fluorescence et de FRET (pour « Fluorescence Resonance Energy Transfer », transfert d’énergie de fluorescence) (via l’intégration d’un fluorophore dansyl dans les lipides) ont permis de montrer que le peptide possède effectivement une affinité pour les liposomes POPC : POPS de l’ordre de 72 µM. La composition des liposomes ne fait pas varier l’affinité par contre elle fait varier la propension à structurer le peptide en hélice α. D’autres études avaient préalablement mis l’accent sur des modifications fines au niveau des phospholipides lors de l’activation de la rhodopsine. Notamment en 1998 par FTIR (Beck et al., 1998), il a pu être montré que dans des vésicules de

A

B

Figure XIV-1 : L’extrémité C-terminale du récepteur MOP présente une conformation

Spectres de dichroïsme circulaire de l’extrémité C-terminale du récepteur MOP. A) Différents milieux membranaire ou mimétique. Le spectre reste celui d’un peptide non structuré. B) Le passage du tampon PBS au tampon phosphate modifie drastiquement le profil du spectre.

XIV-107 PC, le groupement ester d’un phospholipide interagit avec une molécule de rhodopsine tant qu’elle n’est pas activée.

Deuxièmement, la structure obtenue par Yeagle fait apparaître pour la première fois que la partie distale de l’extrémité C-terminale est en mesure de se structurer (brins β reliés par un coude β). L’étude par RMN de l’intégralité de la partie C-terminale cytoplasmique du récepteur bradykinine B2 révéla également une structure dans la partie distale. Le peptide en micelles de DPC (DodecylPhosphoCholine) forme 3 hélices α (Piserchio et al., 2005). La première hélice est l’hélice VIII, prédictible par homologie avec la rhodopsine, et retrouvée dans les études mentionnées plus haut. Les deux autres hélices sont des éléments structuraux distants et plus spécifiques du récepteur. Un fragment d’extrémité C-terminale du récepteur Ste2p de

Saccharomyces cerevisiae (350-372) plus distant que le fragment évoqué plus haut formant une

hélice, s’est par contre révélé non structuré (Arshava et al., 1998). L’étude a cependant été menée en solution aqueuse uniquement.

De ces études il ressort donc que l’extrémité C-terminale d’un RCPG peut effectivement se structurer en hélice α, ce qui ne signifie par pour autant des caractéristiques identiques pour tous (exemple des récepteurs cannabinoides). L’hélice α n’est cependant pas la seule structure canonique rencontrée (exemple du brin β de la rhodopsine). Dans tous les cas, l’environnement physico-chimique est prépondérant et nécessite donc de déterminer le comportement propre du fragment pour le récepteur étudié.

XIV. Résultats : caractérisation structurale de l’extrémité C-terminale du récepteur MOP