• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE II-   LE CODE DE CALCUL

II.3   L’extension aux faibles énergies : Geant4-DNA

Comme expliqué précédemment, l’estimation des énergies déposées au niveau intracellulaire implique de prendre en compte tous les processus jusqu’à thermalisation des électrons émis de manière explicite. La version standard de Geant4 ne permettait pas de décrire ce type d’interactions. L’idée a donc été d’étendre la version standard de Geant4 au calcul des interactions au niveau nanométrique en incluant de nouveaux processus physiques. Dans ce cadre, le projet Geant4-DNA, initié par P. Nieminen de l’Agence Européenne Aerospatiale en 2001 [CHA06, CHA07, INC10] en préparation à de futures missions spatiales de longue durée, a comme objectif principal de pouvoir simuler les effets biologiques précoces de différents types de particules à l’échelle cellulaire et subcellulaire. Cette simulation doit inclure les effets directs et indirects des radiations induits dans la molécule d’ADN ce qui implique le développement d’outils pour décrire les phases physico-chimique et chimique qui suivent l’étape physique dans le temps après le passage du rayonnement, ainsi que l’implémentation d’un modèle géométrique de la molécule cible adapté. Dans ce projet, trois étapes principales pour son développement sont proposées :

• l’étape physique : cette étape consiste à implémenter dans Geant4 des processus et des modèles physiques nécessaires à la simulation « pas à pas » des interactions des rayonnements dans la matière biologique. Les premiers processus et sections efficaces correspondantes ont été introduits à partir de 2007 dans Geant4 [CHA07, FRA07]. Depuis l’implémentation de ces processus, le code est continuellement amélioré par l’ajout de nouveaux modèles physiques qui permettent de compléter les capacités du code de manière à pouvoir effectuer des simulations de plus en plus complexes et précises ;

• l’étape physico-chimique / chimique : consistant à modéliser la production, la diffusion et les interactions des différentes espèces moléculaires et radicalaires créées lors de la radiolyse de l’eau. Ce travail a fait l’objet d’une thèse soutenue par M. Karamitros en novembre 2012 [KAR11, KAR12] ;

• l’étape biologique : cette étape consiste à modéliser les dommages à l’ADN tels que les cassures de brins ou les dommages de bases directs et indirects pour ensuite essayer de les relier aux observables macroscopiques tels que la mort cellulaire. Ainsi, l’implémentation

d’une géométrie détaillée de l’ADN comme cible pour les simulations est nécessaire à cette étape.

Concernant la simulation de l’étape physique, les processus déjà implémentés peuvent également être améliorés grâce à l’acquisition de nouvelles données expérimentales et l’ajustement des sections efficaces déjà implémentées [FRA11a, FRA11b, VIL10, CHA09]. La publication de S. Incerti et al. [INC10] réalise une revue des différents processus et leurs sections efficaces d’interactions correspondantes implémentées dans Geant4-DNA ainsi que la validation de ceux-ci pour les simulations. Ces processus sont appelés « G4DNAnom_processus.cc » et sont placés au sein des processus électromagnétiques de Geant4.

Les sections efficaces inélastiques d’interaction de ces nouveaux processus introduits dans Geant4 ont été calculées pour la plupart à partir de la première approximation de Born [LAN70, BET33] et de quelques modèles semi-empiriques. Le domaine de validité de la première approximation de Born dépend principalement de la nature et de l’énergie de la particule incidente. En général, cette théorie est valable pour les particules ayant des vitesses très grandes par rapport à celles des électrons orbitaux de la molécule cible. Les sections efficaces implémentées dans Geant4-DNA suivent l’approche décrite par Dingfelder et al. [DIN00] pour résoudre la première approximation de Born à partir des données de Heller [HEL74] dans le cas des électrons. Lorsque la première approximation de Born n’est plus valable, des corrections lui sont appliquées ou alors des modèles semi-empiriques sont utilisés. Nous reviendrons en détail sur les sections efficaces introduites dans Geant4-DNA dans les sections qui suivent.

Grâce à ces implémentations, il est maintenant possible de transporter des protons et des noyaux d’hydrogène jusqu’à 100 MeV, des alphas jusqu’à 400 MeV, des ions légers (Carbone, Azote, Oxygène et Fer) de 0,5 MeV/u à 106 MeV/u et des électrons de 1 MeV jusqu’à leur thermalisation et tout ceci en incluant les différents transferts de charges pour les protons et les alphas dans l’eau liquide. Pour toutes ces particules les interactions inélastiques ont été prises en compte, suivies de la relaxation de la molécule cible par fluorescence ou effet Auger le cas échéant (uniquement les ionisations pour les ions légers Z>2). En plus de celles-ci, pour les électrons, les collisions élastiques et les excitations vibrationnelles du milieu sont également disponibles.

Concernant la simulation des photons, il n’a pas été nécessaire d’introduire de nouvelles sections efficaces d’interactions car des tables concernant l’effet photoélectrique, l’effet Compton, la création de paires et la diffusion Rayleigh étaient déjà disponibles dans Geant4. En effet, la catégorie « Low Energy » de Geant4 contient deux modèles alternatifs, « PENELOPE » et « Livermore », permettant de simuler les interactions des photons. Les modèles « PENELOPE » permettent de simuler ces interactions de 100 eV à 1 GeV et les modèles « Livermore » sont quant à eux recommandés jusqu’à 250 eV. Dans le cadre du projet ROSIRIS, ce sont les modèles de Livermore qui sont utilisés pour calculer ces sections efficaces [GEA11] car ils permettent de

descendre bas en énergie de création des électrons, ces électrons sont ensuite suivis en utilisant les processus DNA. Ces modèles sont calculés à partir des données de la libraire EPDL97 (Evaluated Photons Data Library) du Lawrence Livermore National Laboratory [CIR10].

II.3.1 Description des interactions des particules chargées lourdes : proton, hydrogène

et alpha

Une particule chargée lourde qui pénètre dans un milieu va interagir avec les atomes de celui-ci en déposant de l’énergie et par conséquent va se ralentir. Aux énergies utilisées en radiothérapie, la perte d’énergie de ces particules se fait par interaction coulombienne avec les électrons des atomes composant la cible. Ainsi, il est possible de négliger les collisions élastiques du fait du faible changement de direction dans les interactions coulombiennes. Trois processus d’interaction peuvent être distingués : l’ionisation, l’excitation et la capture électronique.

L’ionisation :

Le processus d’ionisation se produit lorsque le transfert d’énergie est suffisamment important pour pouvoir arracher un électron à l’atome auquel il était lié (E > Eliaison). Par exemple, pour un proton, nous obtenons : +

+

+

+H O p H O e

p

2 2

Lorsque l’ionisation s’est produite, l’électron éjecté laisse une place vacante qui peut être comblée par un électron d’une couche supérieure. Au cours de ce réarrangement, un photon de fluorescence est émis. En concurrence avec ce phénomène, un électron d’une couche supérieure peut être éjecté, c’est un électron Auger.

L’excitation :

Ce processus correspond au changement d’état quantique de l’électron. Le rayonnement incident permet de faire passer l’électron d’un état d’énergie E0 à un état d’énergie E1 moins lié sans pour autant pouvoir arracher ou ioniser l’atome. C’est le phénomène d’excitation électronique et pour un proton on a :

+

+H O p H O

p

2 2

Si cette énergie transférée est encore plus faible, elle se communique à toute la molécule sous forme d’énergie de vibration ou de rotation. Ces états excités ne sont que transitoires et l’excitation se dissipe (émission d’un photon de fluorescence). Bien que l’énergie transmise soit très faible, l’excitation moléculaire peut être suffisante pour rompre des liaisons fragiles de cette molécule.

La capture électronique :

Ce processus correspond à la capture d’un électron de la molécule cible par la particule incidente, ceci conduisant à un changement de charge de la particule incidente :

+

+

+H O H H O

p

2 2

II.3.1.1 Sections efficaces inélastiques des protons

Dans cette section, les modèles utilisés afin de calculer les sections efficaces des collisions inélastiques des protons dans l’eau liquide sont présentés. Ces modèles sont différents en fonction de l’énergie des protons et deux catégories de protons peuvent être distinguées : les protons rapides et les protons lents.

Un proton est considéré comme « rapide » lorsque sa vitesse est supérieure à celle des électrons orbitaux de la cible traversée dans leur état excité ou ionisé (> 500 keV). Dans ce cas, c’est la première approximation de Born qui est utilisée pour calculer les sections efficaces d’interactions d’ionisation et d’excitation [BET33, LAN70].

Un proton est considéré comme « lent » lorsque sa vitesse est comparable à celle des électrons orbitaux de la cible (< 500 keV). Dans ces conditions, la première approximation de Born n’est plus applicable et il est donc nécessaire d’utiliser des modèles semi-empiriques pour calculer les sections efficaces d’interactions.