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CHAPITRE III-   LE MODÈLE GÉOMÉTRIQUE

III.1   Etat de l’art des modèles géométriques existants

Depuis ces trois dernières décennies, de nombreux modèles géométriques, de plus en plus élaborés, ont été implémentés dans différents codes de simulation Monte Carlo de manière à être utilisés comme cible biologique pour les études de radiobiologie.

Les premiers modèles de l’ADN étaient représentés par des cylindres ou des sphères sans aucune structure interne. Par exemple dans les premiers travaux de Goodhead et Nikjoo [GOO89], trois cylindres de dimensions différentes étaient utilisés pour représenter un morceau d’ADN (2*2 nm), un nucléosome (10*5 nm) ou un morceau de fibre de chromatine (25*25 nm).

Ensuite ces structures ont été divisées en plusieurs parties représentant soit les bases de l’ADN soit les groupes sucre / phosphate (squelette de l’ADN) [CHA89] comme il est illustré sur la figure III-1. Le cylindre central de 1 nm représente le volume occupé par les paires de bases tandis que les arcs de cercle représentent le volume occupé par les groupes sucre / phosphate. Une rotation de ces

derniers est effectuée autour du cylindre central de manière à tenir compte de la torsion d’un brin d’ADN.

Figure III-1 : Géométrie utilisée par Charlton et al. [CHA89].

Par la suite des modèles de plus en plus sophistiqués ont été implémentés dans différents codes de calcul tels que celui décrit par Michalik et Begusova [MIC94], Nikjoo et Girard [NIK11], Friedland et al. [FRI98, FRI03, FRI11] et enfin celui de Bernal et Liendo [BER09].

Le modèle implémenté par Michalik et Begusova [MIC94] (implémenté au sein du code TRION) consiste en une description géométrique détaillée d’un nucléosome (figure III-2). Ce nucléosome est composé d’une histone cylindrique (diamètre de 6,52 nm et hauteur de 5,7 nm) autour duquel un tube de 2,4 nm de diamètre, représentant la double hélice de l’ADN, est enroulé. Deux tours de ce tube sont enroulés avec un pas de 2,7 nm autour de l’histone représentant ainsi 166 paires de bases. Une partie d’ADN lieur (reliant deux nucléosomes) de 34 paires de bases est également représentée dans ce modèle.

Les deux modèles géométriques implémentés par Nikjoo et Girard [NIK11] et par Friedland et al [FRI98, FRI03, FRI11] ont été conçus comme des modules indépendants qui se superposent aux structures de traces obtenus avec les codes de calcul dans un milieu homogène d’eau liquide (PHITS et KURBUC pour Nikjoo et Girard [NIK11] et PARTRAC pour Friedland et al [FRI98, FRI03, FRI11]). Ces codes permettent la simulation des traces physiques mais également la simulation des étapes physico-chimique et chimique permettant d’évaluer les effets indirects des rayonnements. Par conséquent, les résultats obtenus avec ces codes permettent de calculer un nombre absolu de dommages à l’ADN. Ces deux modèles géométriques représentent le génome complet de noyaux cellulaires eucaryotes, contenant environ 6 Giga paires de bases (6 Gbp) divisés en différents niveaux de compaction : la double hélice de l’ADN (forme B), nucléosomes, fibre de chromatine, boucle de chromatine et territoires chromosomiques.

Concernant le modèle implémenté par Nikjoo et Girard [NIK11], une forme canonique de la molécule d’ADN a été utilisée pour construire les nucléosomes ainsi que les fibres de chromatine de 30 nm de diamètre de forme solénoïde. Ces fibres sont ensuite utilisées pour former des boucles dans les domaines chromosomiques. Au final, la totalité du génome humain est placée dans une sphère de 10 µm de diamètre représentant le noyau d’un lymphocyte (figure III-3).

Le modèle géométrique développé par Friedland et al [FRI98, FRI03, FRI11] représente l’ensemble du génome de deux types de cellule : un fibroblaste et un lymphocyte. Le noyau de la cellule fibroblaste est modélisé par un cylindre de 20 µm de diamètre et de 5 µm d’épaisseur implémenté en phase G0/G1 du cycle cellulaire (figure III-3, [FRI11]). Le noyau du lymphocyte est quant à lui modélisé par une sphère de 10 µm de diamètre [FRI08, FRI11]. Dans ces modèles, la double hélice de l’ADN est décrite jusqu’à un niveau atomistique et les fibres de chromatine de 30 nm de diamètre, de forme solénoïde ou zigzag, sont composées d’un arrangement flexible des nucléosomes. A partir de ces fibres, des boucles de chromatine ont été implémentées, chacune d’elle est composée de 100 kbp et est formée à partir 18 éléments de base [FRI11]. Le principal avantage de cette géométrie est que ces boucles peuvent être associées de manière à former une séquence d’ADN ininterrompue permettant ainsi de calculer la longueur et la quantité des fragments d’ADN créés suite à des cassures double brin radio-induites. Dans une version antérieure de cette géométrie [FRI98], les boucles de fibres de chromatine étaient représentées sous forme de losange, et sept de ces losanges étaient assemblés de manière à former une rosette de 0,5 Mbp. Comme il sera présenté en détail dans la section dédiée à notre modèle géométrique, cette structure sous forme de rosette a inspiré notre travail et a été utilisée pour former les boucles de chromatine dans notre géométrie.

Figure III-3 : Noyaux cellulaires développés par Nikjoo et Girard [NIK11] (à gauche) et par Friedland et al [FRI11] (à droite).

Le modèle développé par Bernal et Liendo a tout d’abord été implémenté dans le code Monte Carlo Penelope [BER09, SAL06] de manière à évaluer les performances de celui-ci pour les calculs microdosimétriques. Ensuite ce modèle géométrique a été adapté de manière à pouvoir être utilisé dans Geant4, version 9.3-p01, pour calculer le nombre total de cassures de brins directes à partir de simulation de traces réalisées avec Geant4-DNA [BER11]. Dans ce modèle géométrique, 900 fragments de fibre de chromatine de 30 nm de diamètre sont arrangés de manière à former une enveloppe cylindrique ayant un diamètre central de 10 µm et une hauteur de 5,25 µm définissant ainsi la région d’intérêt pour les simulations Monte Carlo. Chaque fragment de chromatine contient 500 nucléosomes formés par une histone, deux torus représentant les bases de l’ADN autour duquel des secteurs sont attachés représentant quant à eux la région du squelette comme montré sur la figure III-4.

Bien que cette géométrie soit assez détaillée pour les calculs des dommages directs, seuls de petits morceaux de chromatine ont été implémentés dans le code, les niveaux de compaction supérieurs, à savoir les boucles de chromatine et les territoires chromosomiques, ne sont pas définis. De plus, le contenu d’un génome complet de cellule eucaryote n’est pas implémenté étant donné que cette géométrie contient 5,8 108 paires de base alors qu’un génome complet en contient ~6.109 dans un volume équivalent.

Dans le cadre de ce travail de thèse, la description du génome complet contenu dans un noyau de cellule humaine était nécessaire. Bien que les modèles géométriques cités plus haut soient adaptés aux calculs des dommages radio-induits, de la même manière que les codes de calcul, ils sont difficiles d’accès par les utilisateurs et sont souvent conçus pour des applications spécifiques choisies par le groupe de travail qui les a conçues et peuvent donc limiter les domaines d’application. C’est donc pour cette raison que nous avons implémenté un nouveau modèle géométrique décrivant le contenu en ADN total de deux noyaux cellulaires, un endothélium et un fibroblaste, en phase G0/G1 du cycle cellulaire. Nous reviendrons en détail sur ces noyaux et le choix de la phase du cycle cellulaire dans la section III.3.