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L’expansion de l’espace français aux XVII e et XVIII e siècles

français aux

XVIIe

et

XVIIIe

siècles.

Introduction

Le XVIIe siècle constitue une période d’expansion sans précédent du royaume. Des premiers

rattachements de domaines personnels d’Henri IV aux conquêtes de Louis XIV, la France a

considérablement élargi ses frontières, en particulier le long des Pyrénées, au nord et à l’est, avant de se stabiliser au début du XVIIIe siècle. Le Grand siècle marque également le

renforcement des prétentions coloniales des rois de France, après les tentatives infructueuses du XVIe siècle. Quelques établissements sont fondés dans l’océan Indien, mais c’est outre-

Atlantique, dans les Antilles et en Amérique du Nord que l’effort colonial est le plus important. Du Canada à la Louisiane, la France prétend à un immense espace le long du Saint-Laurent, des Grands Lacs et du Mississippi. Parmi ces territoires, l’Alsace et le Canada intégrèrent tous deux le royaume au milieu du XVIIe siècle, selon des modalités différentes : conquête militaire

sanctionnée par des traités, et interprétation de ces derniers pour l’Alsace, rattachement à la Couronne des droits sur le Canada, qui était auparavant confié à des compagnies de commerce. Dans les deux cas, toutefois, la présence française a précédé la réunion au royaume, posant les conditions et les logiques d’une intégration progressive à l’espace français.

Les étapes de cette expansion sont parfaitement connues et figurent dans de nombreux manuels et monographies sur la politique, sur les relations internationales ou simplement la France aux

XVIIe et XVIIIe siècles1. Elles méritent toutefois d’être en partie rappelées ici, parce qu’elles

conditionnent les réponses du pouvoir royal dans des domaines aussi variés que l’attitude diplomatique et militaire à adopter face aux puissances rivales, les structures administratives à instaurer dans ces nouveaux territoires, et plus généralement le contexte politique, social et économique de ces derniers. Ces étapes, et notamment les traités de paix qui jalonnent le

1 Parmi de nombreuses références qu’il est possible de citer, BERCÉ Yves-Marie, La naissance dramatique de

l’absolutisme: 1598 - 1661, Paris, Seuil, 2001 (Nouvelle histoire de la France moderne 3) ; LEBRUN François, La

puissance et la guerre, 1661-1715, Paris, Seuil, 1997 (Nouvelle histoire de la France moderne 4) ; ZYSBERG André,

La monarchie des Lumières, 1715-1786, Paris, Éd. du Seuil, 2002 (Nouvelle histoire de la France moderne 5) ;

BÉLY Lucien, Les relations internationales En Europe, 17e et 18e siecles., 4e édition, Paris, Presses universitaires de France, 2007 ; HAVARD Gilles et VIDAL Cécile, Histoire de l’Amérique française, Paris, Flammarion, 2008 ; CHALINE Olivier, Le règne de Louis XIV, vol. 1, Paris, Flammarion, 2009.

processus sont surtout l’occasion d’étudier le rôle des cours d’eau au fil des reconfigurations territoriales. Les rivières de territoires frontières jouent-elles un rôle dans la définition des limites ? Le traité de Ryswick de 1697 semble par exemple fixer la séparation entre la France et l’Empire le long du Rhin, mais il convient de distinguer cette réalité de fait et les termes plus complexes du texte lui-même, à la lumière des modalités de définition des territoires à l’époque moderne. En tant qu’espace frontière, le Rhin fait d’ailleurs l’objet de dispositions particulières dans les traités internationaux dès celui de Münster (1648) qu’il convient d’analyser. En Nouvelle-France, en revanche, les modalités d’appropriation du territoire et la réalité spatiale écartent le réseau hydrographique laurentien de toute considération diplomatique. La question du recours aux rivières dans le cadre de la fixation de limites y émerge bien plus tardivement qu’en Alsace, à partir du XVIIIe siècle, et concerne d’autres espaces américains comme l’Acadie

ou les Pays d’en Haut.

2.1. L’intégration de nouveaux territoires au royaume

2.1.1. Un processus d’expansion générale

2.1.1.1. Les motifs des conquêtes en métropole

En métropole, le roi entend d’abord stabiliser les frontières terrestres pour garantir la paix. La politique internationale qui marque les premières années de règne de Louis XIV s’inscrit dans

une tradition impulsée par l’action d’Henri IV puis de Richelieu, fondée sur l’équilibre des

puissances et une recherche des alliances préférées aux annexions, malgré quelques conquêtes sur l’Espagne et l’Empire1. Deux objectifs parfois contradictoires orientent alors

l’interventionnisme français. Le premier consiste à limiter la puissance des Habsbourg et à contrecarrer leur prétention à une « monarchie universelle » pour conserver cet équilibre, ce qui oblige le Roi Très Chrétien à s’allier avec des États, parfois protestants, eux-aussi opposés à l’Espagne ou à l’empereur. Le second, justement, tend à limiter la diffusion du protestantisme, et par conséquent à ne pas détruire l’Empire, ni à favoriser de façon excessive les alliances avec des puissances protestantes2.

Cette politique d’équilibre ne signifie pas pour autant que la France est dépourvue de prétention territoriale. Sous Henri IV, déjà, le traité de Lyon, en 1601, marque une première expansion des

1 CHALINE Olivier, Le règne de Louis XIV, 2009, p. 178.

2 Ibid., p. 179 ; BABEL Rainer, La France et l’Allemagne à l’époque de la monarchie universelle des Habsbourg,

frontières du royaume1. Cependant, les objectifs de la France sont essentiellement restreints à

quelques places et territoires stratégiques garantissant l’accès aux théâtres d’opérations extérieures et contrôlant l’accès au royaume : en 1629, Richelieu justifie cette politique en ces termes : « Pour le dehors, il faut avoir en dessein perpétuel d’arrester les cours des progrès d’Espagne, et au lieu que cette nation a pour but d’augmenter sa domination et estendre ses limites, la France ne doit penser qu’à se fortifier en elle mesme, et a bastir, et s’ouvrir des portes pour entrer dans tous les Estats de ses voisins, et les pouvoir garantir des oppressions d’Espagne quand les occasions s’en présenteront2 ». Cette politique conduit aux premières conquêtes sous

Louis XIII3.

L’ingérence de la France dans la guerre de Trente Ans, d’abord à distance, puis directement, et le regard que portent le roi et Richelieu sur l’est du royaume, répondent aux mêmes logiques. Les prétentions du cardinal sur les Trois-Évêchés et sur l’Alsace visent, non pas à agrandir le royaume mais à garantir un accès à l’Allemagne, un intérêt stratégique qui répond aux mêmes motivations que le rapprochement avec le duc de Lorraine et l’occupation du duché en 1633 : en plus de faire obstacle à l’Espagne, « […] il faut penser à se fortifier à Metz, et s’avancer jusqu’à Strasbourg s’il est possible, pour acquérir une entrée en Allemagne : ce qu’il faut faire avec beaucoup de temps, grande discussion et une douce conduite4 ». Mazarin conserve cette

même stratégie5. La grande instruction de 1643, reprenant les lignes diplomatiques

fondamentales de Richelieu l’intention des plénipotentiaires négociant les traités de Westphalie,

1 . Le traité, qui marque la fin de la guerre de Savoie, permettait à la France d’échanger le marquisat de Saluces, concédé au duc Charles-Emmanuel contre la rive droite du Rhône : la Bresse, le Bugey, le Valromey et le pays de Gex. BÉLY Lucien, Les relations internationales En Europe, 17e et 18e siecles., 2007, p. 31.

2 RICHELIEU Armand Jean Du Plessis, Les Papiers de Richelieu: section politique intérieure, correspondance et

papiers d’État, vol. 2, Paris, A. Pedone, 1977 ; cité par BABEL, La France et l’Allemagne à l’époque de la

monarchie universelle des Habsbourg, 1500-1648, 2013, p. 82‑83.

3 Elles concernent la vallée de la Valteline, puis le Montferrat où la France acquiert Pignerol. La conquête de la vallée de la Valteline, est entreprise en 1624 sans grand succès. L’enjeu était d’en priver l’Espagne, qu’elle occupe depuis 1621 sous prétexte de défendre les Valtelinois catholiques face aux Grisons protestants et pour qui elle est essentielle au passage des troupes vers les Pays-Bas. La même volonté de conserver une porte d’entrée en Italie pousse la France à s’impliquer dans la question de la succession de Mantoue et du Montferrat en s’opposant aux prétentions du duc de Savoie soutenu par l’empereur. La paix de Cherasco, en 1631, garantit cet accès en accordant Pignerol à la France et le Montferrat à son allié Gonzague-Nevers. BERCÉ Yves-Marie, La naissance dramatique

de l’absolutisme, 2001, p. 126‑128 ; BABEL Rainer, La France et l’Allemagne à l’époque de la monarchie

universelle des Habsbourg, 1500-1648, 2013, p. 78‑79 ; S’ajoute à ces entreprises d’expansion la réunion de force,

en 1620, du Béarn bourbonien au royaume. Pour ce territoire, ce sont des considérations politiques (le refus par le conseil souverain de la vicomté de Béarn de reconnaître le rattachement au royaume) et religieuses (la réticence des protestants Béarnais à restituer les biens du clergé, en vertu de l’édit de Nantes) qui ont poussé Louis XIII à intervenir militairement et à remplacer le conseil souverain réformé par un parlement catholique. BERCÉ Yves- Marie La naissance dramatique de l’absolutisme, 2001, p. 97.

4 RICHELIEU, Les Papiers de Richelieu, 1977, p. 25 ; cité dans BABEL, La France et l’Allemagne à l’époque de la

monarchie universelle des Habsbourg, 1500-1648, 2013, p. 83.

5 BRAUN Guido, La connaissance du Saint-Empire en France du baroque aux Lumières 1643-1756, München, Oldenbourg, 2010, p. 116.

entend notamment se réserver, du côté de l’Alsace, quelques villes stratégiques dont Brisach, sur la rive droite du Rhin1. Le traité de Münster, en 1648, permet la concrétisation de cet objectif

en reconnaissant la souveraineté de la France sur sur une partie de l’Alsace ainsi que sur les temporels des évêchés de Toul, Metz et Verdun, en plus des villes elles-mêmes, acquises depuis le XVIe siècle.

Les années 1659-1660 marquent une orientation nouvelle : la politique de conquête, à peine esquissée depuis 1648, s’accentue. La guerre entre la France et l’Espagne est l’occasion, pour le jeune Louis XIV, de conquérir de nombreux territoires au nord et au sud, dont certains sont

définitivement rattachés au royaume par le traité des Pyrénées en 16592. Ces prétentions

territoriales, bien plus importantes que les rattachements précédents, révèlent un changement dans la stratégie de Louis XIV. Plutôt que de limiter la menace habsbourgeoise en favorisant un

équilibre des puissances et des alliances avec des États périphériques, il s’agit désormais de renforcer les espaces frontières et surtout d’éloigner de Paris les risques d’invasion3.

L’élargissement du territoire français, en particulier le gain de l’Artois, sert avant tout cet objectif : il est nécessaire à la protection du royaume. Le réseau des rivières, avec l’Escaut et ses affluents, la Sambre, la Lys et la Scarpe composait autant de voies susceptibles d’être empruntées par des envahisseurs.

Par ailleurs, la stratégie d’alliance et d’influence de Mazarin n’est pas abandonnée : la Ligue du Rhin consacre, aux dépens de l’empereur, une alliance des princes allemands avec la France, et l’ingérence de cette dernière dans des conflits étrangers en fait l’arbitre de l’Europe4.

L’implication de la France dans les affaires européennes, par la diplomatie ou par la force, s’accentue toutefois davantage à partir du règne personnel de Louis XIV. La maîtrise de

territoires et de places stratégiques à la périphérie du royaume se précise. Elle devient un caractère spécifique de l’État moderne qui consiste à se territorialiser et à définir ses limites ou frontières à mesure qu’il se forme et s’institutionnalise. Le processus d’agrégation à l’est du royaume est cependant différent de celui qui aboutit aux annexions septentrionales où aucune

1 BÉLY Lucien, Les relations internationales En Europe, 17e et 18e siecles., 2007, p. 153.

2 Le traité confirme le rattachement de l’Alsace à la France, mais aussi l’Artois (dont Hesdin, mais sans Aire ni Saint-Omer), le Roussillon et la Cerdagne et de nombreuses villes du Nord : Thionville, Montmédy, et Damvillers au Luxembourg, Landrecies, Le Quesnoy, Avesne dans le Hainaut, Gravelines, Bourbourg, Saint-Venant en Flandres. Plus au nord encore, les forteresses de Mariembourg et Philippeville, en territoire espagnol, sont elles aussi intégrées au royaume. Ibid., p. 201.

3 CHALINE Olivier, Le règne de Louis XIV, 2009, p. 179. Le traité entraîne également une évolution de l’équilibre des puissances : le mariage de Louis XIV avec l’Infante d’Espagne, Marie-Thérèse, marque l’effacement de la menace que représentent les Habsbourg d’Espagne.

formation topographique d’importance n’aurait pu entraver la marche d’un conquérant. En 1661, le roi, par le traité de Vincennes, « modérant et adoucissant les conditions du Traité des Pyrénées1 » restitue au duc de Lorraine le duché de Bar, mais conserve certains territoires et

certaines places2. Surtout, le traité prévoit la cession par le duc d’une bande de terre « de

largueur demie lieue de Lorraine » entre Metz et Phalsbourg « afin que S. M. ait un chemin qui puisse servir à ses Sujets et à ses Troupes quand elle voudra, pour aller de Metz en Alsace sur ses Terres, sans toucher les Estats dudit Sieur Duc3 », désenclavant de facto la nouvelle

province d’Alsace.

La guerre de Dévolution marque l’opportunité pour le jeune roi de poursuivre et renforcer sa politique de conquêtes4. Des succès militaires dans les Pays-Bas espagnols, la France retire,

lors de la paix d’Aix-la-Chapelle (1668), plusieurs enclaves dans les provinces du nord5. La

Franche-Comté fait l’objet d’une première tentative d’annexion6. Le traité de Nimègue, qui

conclut la guerre de Hollande en 1678-1679, achève de fixer la frontière nord qui devient plus cohérente, et plus « linéaire7 » puisque des enclaves françaises et espagnoles sont rétrocédées :

en échange de villes dans les Pays-Bas, l’Artois, le Cambrésis, une partie de la Flandre et du Hainaut deviennent français8. Vauban obtient ainsi son fameux « pré carré » qu’il réclamait en

1673, lui qui écrivait alors à Louvois : « cette confusion de places amies et ennemies pêle- mêlées ne me plaît point9 ». Cependant, l’idéal de la frontière linéaire, et d’une manière

générale, la politique du pré carré ne s’étend pas au front oriental. La conquête de la Franche- Comté est reconnue : c’est le dernier grand territoire à être rattaché au royaume lors des guerres louisquatorziennes, mais il n’inclut pas Montbéliard. Les enclaves françaises subsistent dans le

1 Traité fait avec le duc de Lorraine, 28 février 1661, LÉONARD Frédéric (dir.), Recueil des traitez de paix, de trêve,

de neutralité, de confederation, d’alliance, et de commerce, faits par les rois de France, avec tous les princes, et potentats de l’Europe, et autres, depuis pres de trois siècles: En Six Tomes, vol. 3, Paris, Frédéric Léonard, 1693,

p. 320.

2 Le comté de Clermont, Stenay, Jamets, Sierck et leurs dépendances, les places de Sarrebourg et Phalsbourg ainsi que l’abbaye de Gorze.

3 Traité fait avec le duc de Lorraine, 28 février 1661, art. XIII et XIV, LÉONARD (dir.), Recueil des traitez de paix, 1693, p. 326.

4 Il faut aussi noter, dans une même logique d’élargissement du royaume et de cohérence des frontières, mais sans le recours aux armes, le rachat de Dunkerque à l’Angleterre en 1662.

5 Ces enclaves sont constituées des villes et des dépendances de Charleroi, Binche, Ath, Douai, Armentières, Courtai, Bergues, Furnes, Menin, Oudenaarde, mais aussi et surtout Lille et Tournai, d’une grande importance stratégique.

6 LEBRUN François, La puissance et la guerre, 1997, p. 149. Conquise en trois semaines par Condé, elle retourne toutefois provisoirement dans le giron espagnol à la faveur de la paix.

7 BÉLY Lucien, Les relations internationales En Europe, 17e et 18e siecles., 2007, p. 262.

8 En échange de Charleroi, Audenarde, Courtai, Ath et Audenarde, les villes et territoires de Saint-Omer et Aire intègrent l’Artois français. Sont aussi rattachés au royaume, outre le Cambrésis, Cassel, Bailleul, Ypres, Wervik, Warneton, Poperinge (en Flandre), Valenciennes, Maubeuge, Bouchain, Condé-sur-l’Escaut et Bavay (dans le Hainaut).

pays de Bade où la France abandonne Phillipsbourg au profit de Fribourg-en-Brisau. Inversement, la Lorraine demeure une enclave étrangère malgré la prise de Longwy et Nancy par le roi.

Le traité de Ryswick (1697) sonne le glas de l’expansion territoriale de la France : les conquêtes réalisées depuis Nimègue doivent être abandonnées – à l’exception de Strasbourg et Sarrelouis – et la France doit en outre rendre Fribourg, Brisach sur la rive droite du Rhin, ainsi que Pignerol. Ces échanges réciproques de territoires conduisent à la linéarisation de facto de la frontière orientale : les territoires occupés ou annexés situés hors d’Alsace, ou issus des Réunions en Franche-Comté et en Lorraine devaient être restitués à l’Empire1 si bien que le

Rhin devient de facto la frontière politique entre la France et l’Empire. En revanche, le fleuve n’est jamais utilisé comme limite autrement qu’en des lieux précis correspondant aux forteresses installées le long du fleuve, entre Bâle et Phillipsbourg2 : à l’inverse de la France, le

Saint Empire romain germanique ne possède pas de frontières, mais connaît des limites mouvantes, qui dépendent de la disposition des principautés territoriales qui le composent à se soumettre aux obligations impériales (charges communes, présence à la Diète)3. Cette

« flexibilité remarquable […] aux antipodes d’un État moderne clairement défini par ses frontières et ses appartenances territoriales4 » sert d’appui aux stratégies et aux prétentions

françaises et véhicule l’idée que la France est une monarchie assiégée.

1 Les Réunions résultent d’une politique de Louis XIV et de Colbert visant à rattacher des territoires aux royaumes par l’interprétation des traités de paix. Des précisions sur cette politique, ainsi que sur leur impact en Alsace sont apportées plus loin dans ce chapitre, dans la mesure où ce système contribue à l’intégration d’une partie du territoire au royaume. Extrait du traité de paix entre l’Empereur, la France et l’Empire, conclu à Ryswick, 30 octobre 1697, DE BOUG François-Henri, Recueil des édits, déclarations, lettres patentes, arrêts du Conseil d’Etat

et du Conseil souverain d’Alsace, Ordonnances et Règlemens concernant cette Province, avec des observations par M. DE BOUG, Premier président du Conseil Souverain d’Alsace, vol. Tome premier (1657-1725), Colmar,

chez Jean-Henri Decker, 1775, p. XLVII, art. IV.

2 Fort-Louis, Strasbourg, Brisach, Huningue. Cf. infra, 5.2.1.1., Le contrôle des passages du Rhin jusqu’au traité de Ryswick (1697), p. 208 et suivantes.

3 SCHILLING Heinz, « Le Saint-Empire à l’époque moderne : un système partiellement modernisé résultant d’une adaptation incomplète à l’émergence, dans les principautés territoriales allemandes et les pays européens voisins, de l’État de la première modernité », Trivium. Revue franco-allemande de sciences humaines et sociales —

Deutsch-französische Zeitschrift für Geistes- und Sozialwissenschaften (14), 2013. En ligne: trivium.revues.org,

[http://trivium.revues.org/4569]. 4 Ibid., p. 9.

Entre 1602 et 1697, le royaume de France s’est considérablement agrandi sur le continent européen, en particulier au détriment de l’Espagne et de l’Empire, le long des Pyrénées, au nord et au nord-est (Carte 41). Il a surtout gagné en cohésion, grâce à la suppression d’enclaves

étrangères et françaises, ces dernières posant des difficultés évidentes quant à leur défense, malgré leur intérêt stratégique. C’est en effet ce souci de « sanctuariser2 » le royaume et la

capitale en disposant de frontières solides et de points d’appuis menaçant les puissances ennemies, et non la prétention à une monarchie universelle, qui a motivé la politique expansionniste en métropole, et qui a inquiété ses voisins3. Elle s’accompagne par ailleurs d’une

entreprise d’expansion outre-mer, basée sur des intérêts économiques et politiques.

2.1.1.2. La construction de l’empire colonial

La constitution de l’empire colonial est aussi progressive que la dilatation du territoire métropolitain. Les premières installations sont temporaires. Les tentatives d’implantation permanentes au XVIesiècle en Amérique du Nord, dans les Antilles et au Brésil, pour des motifs

religieux ou commerciaux, se soldent toutes par des échecs. Ce n’est qu’au XVIIe siècle que la

France parvient à s’implanter durablement outre-mer, portée par des intérêts géopolitiques, mais surtout commerciaux.

En effet, les ressources qu’offre l’environnement nord-américain constituent le principal moteur des expéditions, puis de l’implantation européenne outre-Atlantique4. La prolifération

de morues sur les Grands Bancs de Terre-Neuve et l’attrait pour les fourrures, conduisant aux premiers contacts entre autochtones et Français, permettent à ces derniers de se familiariser avec le golfe du Saint-Laurent, qui sera, le premier, l’objet des projets d’installation. Les

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