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CHAPITRE II : LA SOUVERAINETÉ CANADIENNE DANS L’ARCTIQUE : LE

2.1. La souveraineté canadienne sur l’Arctique en jeu, 1900 à 1940

2.1.5. L’expédition MacMillan-Byrd de 1925

Comme lors de la période précédant 1920, la venue d’explorateurs en territoire canadien dérange les autorités canadiennes. Bien que l’américain Donald B. MacMillan ne soit pas à sa première expédition dans l’Arctique, celle de 1925 est celle qui irrite le plus Ottawa. En 1925, il prépare en effet un voyage en compagnie de l’explorateur Richard E. Byrd afin de cartographier des airs des îles arctiques qui resteraient toujours inconnues. La mission comprend deux navires pour transporter des avions : le Bowdoin et le S.S. Peary (Grant, 2010, p. 229). Ils espèrent également repérer lors de l’opération le « canal de Panama aérien du futur ». Déjà à l’époque, plusieurs observateurs voient un grand potentiel économique et militaire dans l’Arctique. Cette expédition, endossée par la Marine américaine, nie la souveraineté canadienne sur les îles d’Ellesmere et d’Axel Heiberg. C’est pourquoi les États-Unis ne croient pas en la nécessité de demander une permission officielle au Canada pour y installer une base. De plus, Byrd et MacMillan sont mandatés pour revendiquer au nom des États-Unis tout nouveau territoire découvert (Thorleifsson, 2004, p. 22-23). Ainsi, débute un autre affrontement diplomatique par rapport à la souveraineté canadienne. Pour leur part, les Américains ne reconnaissent pas le principe des secteurs comme valable afin de justifier la possession d’une région par une nation. En ce sens, ils n’acceptent pas la juridiction du Canada ou même de la Norvège sur ces îles. Le 15 juin 1925, une lettre envoyée au Secrétaire d’État américain, Frank B. Kellogg, déclare que le Canada est prêt à : « furnish the expedition with the necessary permits for an exploring and scientific expedition entering Canadian northern territories […] possibly desiring to fly over Baffin, Ellesmere and the adjoining islands within the boundaries of the dominion » (Thorleifsson, 2004, p. 26). Dans la même lettre, les Américains sont informés de la présence de détachements de police dans le Nord et que le capitaine

Bernier sera dans la région à bord du navire l’Arctic. Le Secrétaire d’État laisse à l’expédition le choix d’obtenir ou pas un permis. Selon Thorleifsson, il est clair que Byrd avait comme instruction de ne pas accepter aucun permis, car le fait d’en faire la demande signifierait de reconnaître la souveraineté canadienne sur ce territoire (Thorleifsson, 2004, p. 26). Le 19 août, les navires de Byrd et de MacMillan sont amarrés à Etah au Groenland lorsque le capitaine Bernier arrive à bord de l’Arctic. En cette date, Byrd a déjà volé plus de 6 000 miles au-dessus de l’est du Groenland et de l’ouest de l’île d’Ellesmere jusqu’à l’île Axel Heiberg (Grant, 2010, p. 233). Le commandant de la patrouille de l’Arctique de l’Est11, George Mackenzie, demande à voir les autorisations permettant de survoler l’île d’Ellesmere ainsi que d’autres territoires canadiens. Byrd rapporte que MacMillan l’a informé que l’expédition a reçu les documents nécessaires pour survoler l’île d’Ellesmere (Grant, 2010, p. 233-234). Mackenzie reste sceptique, mais a peu de recours étant donné qu’il n’a pas accès à une radio afin de corroborer les faits mentionnés par Byrd. Il doit laisser l’entreprise continuer. C’est plus tard qu’Ottawa confirme que l’expédition Byrd et MacMillan n’a pas de permis et qu’ils ont menti aux officiers canadiens. À la suite de l’affaire, les États-Unis arrêtent de financer directement les explorateurs pour ne pas recevoir de mauvaise presse. Cela les oblige à se tourner vers le privé dans l’intention de conduire à terme leurs nouveaux voyages. De son côté, le gouvernement américain refuse toujours de reconnaitre la souveraineté canadienne sur les îles Ellesmere et Axel Heiberg, mais ne fait aucune démarche afin d’amener le dossier devant la Cour permanente de Justice internationale. Lors de cette querelle, Ottawa joue de chance et évite des démêlées diplomatiques plus ardues, car l’expédition ne réussit jamais à se rendre à l’île Axel Heiberg à cause de la glace qui les empêche d’aller y installer une base.

11 La patrouille de l’Arctique de l’Est (Eastern Arctic Patrol) est une expédition annuelle exécutée en bateau dans l’Arctique de l’Est afin d’installer et de ravitailler les postes de police, de récolter des douanes, de surveiller les frontières canadiennes et d’affirmer la souveraineté du Canada sur la région. Pour plus d’informations, voir (Mackinnon, 1991).

En juin 1925, pendant l’épisode Byrd-Macmillan, le Canada fait un amendement à l’Acte des Territoires du Nord-Ouest dans le but de forcer les scientifiques et les explorateurs étrangers à avoir des permis pour mener des recherches dans le Nord. De plus, en 1926, l’inspecteur A. H. Joy de la GRC fait une patrouille à l’aide de chiens de traineau de Craig Harbour en passant sur l’île d’Ellesmere jusqu’à celle d’Axel Heiberg. La GRC installe également un détachement sur l’île d’Ellesmere en 1926 : le poste de la péninsule de Bâche. De plus, le parlement d’Ottawa adopte le Arctic Islands Game Preserve, une loi de conservation de la faune qui vise à protéger entre autres le bœuf musqué et qui restreint la chasse, le piégeage, le commerce et le trafic des animaux dans l’Arctique, donnant d’autres lois à appliquer aux constables dans la région (Grant, 2010, p. 236). Bien que le conflit de 1925 entre les autorités canadiennes et l’expédition Byrd et MacMillan est un des plus notables de l’époque, le Canada n’en est pas à sa dernière querelle avec les États-Unis au sujet de la souveraineté dans le Nord. Il existe toujours une peur vis-à-vis des intentions américaines dans l’Arctique. Ottawa s’inquiète de leurs activités dans la région, et spécialement celle de MacMillan qui séjourne dans le Nord canadien à plusieurs reprises dans les années 1920 et 1930.

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