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CHAPITRE II : LA SOUVERAINETÉ CANADIENNE DANS L’ARCTIQUE : LE

2.2. Consolider la souveraineté canadienne sur l’Arctique

2.2.3. La GRC dans l’Arctique de l’Est

C'est en 1873 que le Canada crée la première mouture de ce que nous connaissons comme étant la GRC, c'est-à-dire la Police à cheval du Nord-Ouest (PCNO), un corps policier que certains qualifient de quasi-militaire. (Morrison, 1985, p. 3). À l'origine, ce corps policier est constitué d'anciens militaires utilisant un système de grades fortement inspirés du modèle de l'armée (major, sergent, colonel, etc.) Comme des soldats, les agents sont en poste 24 heures par jour (Morrison, 1985, p. 3). Ce qui fait leur distinction comme corps de police est leur capacité d’adaptation sur le terrain. C’est-à-dire, que les constables peuvent se voir demander d’accomplir une multitude de tâches et de s’adapter à des situations très particulières qui sortent du cadre de travail habituel des forces policières conventionnelles. Par exemple, pour la période à l’étude, les agents œuvrant dans l’Arctique canadien livrent le courrier, arrêtent des contrevenants, visitent les communautés, apportent des vivres, offrent de l'aide médicale, cartographient le territoire, font des recherches archéologiques, etc. À la fin du XIXe siècle, le premier mandat de la GRC est d'affirmer la souveraineté du Canada sur les Prairies et d’y contrôler et d’y assimiler les groupes autochtones. De 1882 à 1920, le quartier général se trouve à Régina en Saskatchewan. En plus des agents réguliers, on y trouve des médecins et des vétérinaires. La GRC engage aussi des constables spéciaux, dont de nombreux Inuit, dont le mandat est d’accomplir des tâches spécifiques sur place : conduire des chiens de traineau, transporter des matériaux, décharger les navires, chasser, pêcher, etc. (Morrison, 1985, p. 7). De 1886

à 1951, cinq individus occupent le poste de Commissaire de la GRC : Lawrence William Herchmer, de 1886 à 1900, Aylesworth Bowen Perry, de 1900 à 1922, Cortlandt Starnes, de 1922 à 1931, James Howden MacBrien, de 1931 à 1938 et Stuart Taylor Wood, de 1938 à 1951 (Morrison, 1985, p. 7). Au début du XXe siècle, la PCNO a beaucoup de pouvoir décisionnel sur les Territoires du Nord-Ouest. Avec l'Amendement des Territoires du Nord-Ouest en 1905, le commissaire du conseil doit nommer quatre autres personnes pour y siéger, cependant personne n'est désigné avant 1918 (Abele, 1989, p. 313; Shakleton, 2012, p. 6). En ce sens, les forces policières ont les coudées franches en ce qui a trait à l'administration du territoire (Shackleton, 2012, p. 6). L’anthropologue Diamond Jenness critique fortement la mainmise des agents dans le Nord qu’il va jusqu’à qualifier d’État policier :

At no time was it the function of the Commissioner to originate new policies, or to study the resources and plan the development of the vast territory over which he was given control. His instructions called on him to uphold Canada’s sovereignty in the northland, to maintain the order, and to enforce the laws of Canada- a negative task which made his administration as static and unprogressive as police-run states generally are (Jenness, 1964, p. 21).

L'année 1919 est une période charnière dans l'histoire de la RGCNO, car c'est à ce moment que le Parlement change le nom de l'institution pour la Gendarmerie Royale du Canada. En 1920, on constitue officiellement la GRC, en réunissant la Police du Dominion et la RGCNO12. On déménage également le quartier général de Régina vers Ottawa. Le nom de la division englobant les détachements dont nous traitons varie au cours de la période à l’étude. Au courant de la période 1920 à 1940, les détachements de la GRC dans l’Arctique de l’Est sont sous le joug de plusieurs divisions13. À sa création en 1920, Port Burwell fait partie de la Division du quartier général qui regroupe les postes de police de la province de l’Ontario (GRC, 1921). Tous les établissements de l’Arctique de l’Est qui sont construits y sont inclus jusqu’en 1932

12 Nouvelle-Écosse (Provinces maritimes), Québec (District du Québec), Ontario (Quartier général, A, N et Ontario de l’Ouest), Manitoba (C et D), Saskatchewan (Dépôt et F), Alberta (K et G), Colombie Britannique (E), Yukon (B). Voir (GRC, 1921, p. 34-37).

où ils sont transférés à la Division C qui rassemble tous les bureaux du Québec (GRC, 1933). En 1933, on fonde une section officielle pour les Territoires du Nord-Ouest sous le nom de la Division G (GRC, 1934). Elle regroupe maintenant tous les postes compris dans les Territoires du Nord-Ouest, contrairement à auparavant où ils étaient distribués entre les provinces14. En 1939, on décide d’ajouter le territoire du Yukon à la Division G (GRC, 1939, p. 25). Le tout est officialisé dans le rapport annuel de la GRC de 1940 (GRC, 1940, 210-211). Au cours des années 1920, le rôle de la GRC se transforme et elle devient de moins en moins axée sur la protection des frontières et sur les Prairies, mais elle se modernise afin de faire face aux défis que présentent les zones urbaines (Morrison, 1973, p. 324). Malgré le changement de vision, leur mission dans le Nord continue. Après le déploiement de force policière dans le delta du Mackenzie et la côte ouest de la baie d’Hudson, l’utilisation de la GRC va de soi étant donné sa capacité d’adaptation sur le terrain et du point de vue de l’État, elle a très bien fait lors de leurs opérations dans le passé (Morrison, 1986, p. 89). Dans cette optique, ils sont le groupe désigné afin d'appliquer la souveraineté et les lois canadiennes dans cette nouvelle zone.

Comme il a été mentionné plus, l’intervention policière dans le Nord est davantage politique et on se soucie peu des habitants de la région comme le rappelle Jenness en dénonçant les actions du gouvernement canadien : « Without question it was the erroneous policy of the federal government, which accepted the responsibility for law and order in the Arctic, but refused to shoulder the other responsibilities that go with sovereignty » (Jenness, 1964, p. 21). Morrison partage également un avis :

The Canadian government wanted to make the northern frontier become and remain "Canadian" so that Ottawa's absolute sovereignty would be unquestioned. It was frequently obvious that the federal government had little idea what to do with the north or what it might be good for; but the government was determined that, useful or not, the north should belong to no one else. Exercising police powers demonstrated that the police 14 Noms des divisions par province en 1934 : Île-du-Prince-Édouard (L), Nouvelle-Écosse (H), Nouveau-Brunswick (J), Québec (C), Ontario (Quartier général, A, N et O), Manitoba (D), Saskatchewan (Dépôt et F), Alberta (K), Colombie-Britannique (E), Yukon (B) et Territoires du Nord- Ouest (G). Voir (GRC, 1934, p. 52-61).

were agents of control, but this function was subordinate to the exercise of sovereignty. In other words, the Canadian government sent the police to bring law to the Inuit not out of concern for their welfare or a desire to regularize their society, but rather to demonstrate that these people and their land belonged to Canada. This political nature of the force was thus of the highest importance (Morrison, 1985, p. 2-3).

Dans le but de faire reconnaitre son contrôle sur l’Arctique, le gouvernement se doit d’occuper le territoire et d’y appliquer son système de loi. La GRC est donc l’entité désignée pour accomplir la tâche dans la région étant donné l’absence de force policière.

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