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3. L ES REVETEMENTS POUR OUTILS COUPANTS

3.2. Q UELLES PROPRIETES DOIT AVOIR UN REVETEMENT ?

3.3.2. L ES ETAPES DE CREATION D ’ UN DEPOT

Il y a trois étapes dans la formation d’un dépôt en couche mince à partir d’une phase vapeur [Rich_94], [Nouv_02] :

♦ 1ère étape : synthèse ou création des espèces à déposer : afin de mettre un matériau en

phase vapeur, différentes techniques peuvent être employées comme l’évaporation, la pulvérisation ou l’association des espèces dans un plasma.

♦ 2ème étape : transport de ces espèces de la source vers le substrat : il peut se dérouler

sans collision entre atomes et molécules si le régime de flux moléculaire est atteint (libre parcours moyen important). En revanche, si la pression partielle du matériau et/ou des gaz environnants est assez élevée, il y aura de nombreuses collisions dans la phase vapeur pendant le transport vers le substrat.

♦ 3ème étape : dépôt sur le substrat et croissance de la couche : cette étape prend en

compte le dépôt de la couche avec les processus de nucléation et de croissance. Lorsque des atomes frappent une surface, ils perdent leur énergie au profit de cette dernière et se condensent pour former des îlots de nucléation stables. Pendant la condensation, les adatomes ont un degré de mobilité sur la surface qui dépend de leur énergie cinétique et de la force (ainsi que du type d’interaction) entre l’adatome et la surface. Les îlots vont se développer et se rejoindre pour former une couche continue

(c’est la coalescence). Les liaisons entre des atomes et des matériaux dissemblales (ceux de la couche et du substrat) peuvent être de différentes natures.

Une fois la coalescence effectuée, une interface se forme. Le type de zone interfaciale dépend de la morphologie de la surface du substrat, de la contamination du substrat, des interactions chimiques atomes/surface, de l'énergie des atomes déposés et du comportement de nucléation des atomes déposés. Cette interface peut être :

mécanique : accrochage mécanique du matériau sur une surface rugueuse, l’état de surface du substrat influence la croissance de la couche.

abrupte : passage abrupt du matériau de la couche au matériau du substrat en une distance de l’ordre de la distance interatomique.

composée : couche de composition constante, épaisse de plusieurs paramètres de maille et créée par une interaction chimique des matériaux de couche et de substrat.

diffusée : changement graduel de composition, de contrainte intrinsèque et de paramètres de maille au travers de l’interface.

de pseudo-diffusion : interface diffusée entre deux matériaux normalement insolubles qui le deviennent sous l’effet d’un bombardement ou d’une implantation ionique.

Quand les îlots se sont rejoints et que la zone interfaciale prend corps, la couche commence à épaissir, c’est la croissance. La façon dont la couche se forme et croît détermine les propriétés de la couche mince finale.

Remarque : Il est à noter qu’un procédé sera d’autant plus souple si l’on a la possibilité de contrôler individuellement ces trois étapes et leurs variations.

Le tableau 3-2 résume les caractéristiques que l’on doit prendre en compte lorsque l’on doit choisir une technique de dépôts. Il faut notamment tenir compte des éléments suivants :

♦ Capacité à synthétiser le matériau envisagé ; ♦ Etat de surface du substrat (intégrité de surface) ; ♦ Vitesse de dépôt désirée ;

♦ Limites imposées par le substrat (température…) ; ♦ Adhérence du dépôt sur le substrat ;

♦ Géométrie des substrats ; ♦ Pureté du matériau choisi ; ♦ Préservation de l’environnement ;

Remarque : Le principe de fonctionnement des principales méthodes de dépôt sous vide est décrit en annexe 1.

Tab. 3-2 : Caractéristiques des principales méthodes de dépôt sous vide [Sfv_94]. 3.3.3. COMPARAISON DES TECHNIQUES PVD ET CVD

La technique CVD est historiquement la plus ancienne puisqu’elle existe depuis 1968, alors qu’il a fallu attendre 1981 pour que Gühring et Balzers déposent les premières couches de TiN sur des forets en acier rapide par PVD Le marché des revêtements, et en particulier celui des revêtements pour outils-coupants, est en pleine évolution comme le montre les figures 3-14 et 3-15.

Fig. 3-15 : Statistique sur l’évolution du chiffre d’affaire mondial annuel dans le domaine des revêtements

[Plat_01].

Du fait de cette forte évolution, les statistiques relatives à l’étendue de l’utilisation des revêtements en usinage sont assez disparates. Ainsi, il apparaît que de 60 à 90 % des outils carbures fabriqués sont revêtus, dont 90 à 98 % par CVD et 2 à 10 % par un des procédés PVD [Ceti_94] [Balz_01] [Tons_90]. Dans le cas des outils en acier rapide, il semble que 10 à 30 % d’entre-eux soient revêtus et dans tous les cas à l’aide de techniques PVD (température de déposition trop élevée en CVD ~ 1000 °C). Les techniques PVD peuvent s’appliquer à tous les substrats pour outils-coupants. Les dépôts CVD sont réservés aux substrats carbures du fait des revenus très importants qui se produisent lors des cycles de dépôt.

Les dépôts CVD ont généralement des épaisseurs de 5 à 12 µm, alors que les dépôts PVD n’excédent pas les 6 µm. Un des problèmes majeurs du CVD est le manque d’acuité d’arête du fait de l’importante épaisseur de la couche déposée. Cela explique que, dans certaines applications spécifiques, des revêtements PVD sont réalisés sur des outils carbures. Un exemple d’application est le fraisage de matériaux thermoplastiques (ex : ABS pour tableau de bord de voiture) avec des fraises monoblocs carbures ayant une très grande acuité d’arête. Des revêtements à très basse adhésion sont employés comme des WC/C, des DLC (diamond like carbon), etc.

Les films déposés par CVD possèdent fréquemment un état de contraintes résiduelles en tension, ce qui les rend sensibles à la fissuration. Cela explique que ces revêtements aient tout d’abord été employés dans des applications à coupe continue (tournage).

Les dépôts réalisés industriellement par PVD et CVD sont issus de familles très voisines, par contre leurs propriétés résultantes font que certains revêtements sont systématiquement réalisés

par une des techniques. Ainsi, dans le domaine des outils-coupants, les procédés CVD produisent couramment les revêtements suivants :

♦ Revêtements à base de titane : TiC, Ti(C,N), TiN, TiB2 ♦ Revêtements céramiques : Al203, ZrO2, Si3N4

♦ Revêtements ‘ultra-dur’ : Diamant, Diamant Like Carbon (DLC).

Les procédés PVD réalisent plutôt des revêtements du type :

♦ Revêtements à base de titane : TiC, Ti(C,N), TiN, TiB2, (Ti,Al)N

♦ Revêtements ‘ultra-dur’ : Diamant, Diamant Like Carbon (DLC), cubic Boron Nitride

(c-BN)

♦ Revêtements lubrifiants : MoS2, WC/C, CrC/C

Remarque : La désignation des revêtements est une question qui suscite des polémiques. En effet, il faut bien avoir à l’esprit que les désignations courantes des revêtements ne sont pas des désignations illustrant leurs stoechiométries. Ainsi un revêtement dénommé TiAlN ou (Ti,Al)N ne signifie pas qu’il y a un ratio équivalent d’atomes de titane et d’aluminium. La rigueur voudrait que l’on écrive (TixAl1-x)N. Or

cette forme d’écriture est trop lourde, si bien que personne ne l’utilise. Même les publications internationales de haut niveau ont renoncé à cette forme d’écriture au profit d’une forme consensuelle (Ti,Al)N qui sera retenue pour ce mémoire. L’inconvénient majeur de cette désignation tient au fait qu’un même nom peut désigner une large variété de revêtements avec des compositions différentes. Si on rajoute à cela que le procédé de dépôt et les réglages associés entraînent des variations très importantes des propriétés et des structures, on peut dès lors imaginer qu’un même nom (Ti,Al)N recouvre des

revêtements ayant des performances extrêmement différentes (figure 3-16). Il faut donc garder la plus grande prudence lorsqu’on est amené à expertiser des résultats industriels ou de laboratoire avec des revêtements issus de productions différentes. L’exemple du (Ti,Al)N n’est pas unique et peut se généraliser à d’autres revêtements très connus comme le Ti(C,N), le TiN, etc.

Fig. 3-16 : Ecarts de dureté de revêtements issus de la famille des

(Ti,Al)N en fonction du ratio aluminium/titane et du mode déposition [Erke_99].

De plus, il est également important de remarquer que les problèmes de désignation deviennent encore plus aigus quand on a affaire à des revêtements multicouches qui mélangent des structures ‘superlattice’ (*) alliant 2 ou 3 monocouches de compositions différentes, ainsi qu’une précouche d’adhésion et une surcouche à bas coefficient de frottement. On comprend dès lors que la désignation des revêtements devient une véritable jungle où les désignations commerciales prennent le pas sur des désignations normalisées. On voit ainsi fleurir les appelations : Hardlube, Tinalox, Firex, X-Trem, Futura, Movic, Most, etc. Ces désignations présentent l’avantage d’être univoque en plus de chercher à induire des notions subconscientes ‘High-Tech’. Cependant elles sont d’une totale opacité pour les scientifiques et les utilisateurs.

(*) voir parag aphe 3.4.2r pour la définition.

Les revêtements de la famille des TiN, Ti(C,N) et (Ti,Al)N sont de loin les plus répandus en usinage comme le montre la figure 3-17. Cette famille de revêtement doit son succès à leurs très bonnes propriétés moyennes dans l’ensemble des applications d’usinage et surtout leurs très bonnes adhésions aux substrats les plus couramment utilisés : acier rapide, carbures, cermet. Les revêtements céramiques se sont beaucoup moins développés du fait de leurs grandes fragilités et de leurs manques d’adhésion [Kloc_99b]. De plus, les revêtements à base de titane se dépose aussi bien par les procédés PVD que par les procédés CVD, alors que les revêtements céramiques sont très difficiles à

réaliser en PVD. Cela limite ainsi tout une partie des applications sur les outils en acier rapide. Fig. 3-17 : Statistique sur l’évolution de

l’utilisation relative des revêtements pour outils- coupants [Plat_01].

Les avantages et les inconvénients des deux techniques peuvent être régroupés :

Avantages Inconvénients PVD ♦ Investissement limité

♦ Faible température de dépôt

♦ Bonne adhérence de dépôt

♦ Couches en contraintes compressives

♦ Nombreuses possibilités de dépôt

♦ Bonne acuité d’arête des outils

♦ Nécessité de réaliser les dépôts sur des pièces de formes voisines

♦ Vitesse de dépôt faible

♦ Dépôts non uniformes

♦ Difficultés pour revêtir des outils à géométrie complexe

CVD ♦ Grande pureté des dépôts

♦ Grande variété de composition

♦ Possibilité de dépôt sur des pièces complexes

♦ Bonne adhérence sur substrat carbure

♦ Température de déposition élevée

♦ Investissement élevé

♦ Résidus toxiques de déposition

♦ Temps de cycle long

♦ Mauvaise acuité d’arête des outils

♦ Couches en contraintes de traction

♦ Risques d’attaque des substrats par les gazs corrosifs

Tab. 3-3 : Comparaison des propriétés des modes de déposition PVD et CVD.

Ainsi dans le cadre d’un usinage continu (perçage, tournage), un revêtement épais et adhérant sera préféré (afin d’accroître la quantité de matière à user). Ces deux conditions parmi l’ensemble des conditions décrites au paragraphe 3.2 ont tendance à privilégier l’emploi de revêtements déposés par CVD.

Pour les procédés à coupe interrompue (fraisage, taillage, etc.), il sera privilégié un revêtement tenace, résistant à l’oxydation et ayant des contraintes de compression. Ces conditions privilégient plutot les revêtements obtenus par PVD. Cette analyse est à moduler avec l’apparition de revêtements MTCVD.

Par ailleurs, il est possible de constater que les opérations d’ébauche sollicitent mécaniquement davantage les arêtes. Cela nécessite d’avoir des arêtes arrondies ce qui privilégie l’emploi des dépôts CVD, même si les dépôts PVD peuvent aussi s’appliquer sur des arêtes préalablement rodées. Les opérations de finition nécessitent des arêtes vives, ce qui privilégie plutot l’emploi de revêtements PVD.